Les Contes de la crypte 6-13 – Quand arrive l’aube – John Herzfeld
Les Contes de la crypte.
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Le colonel Burrows et le sergent Parker débarquent dans un bar du fin fond de l’Alaska pour préparer en toute illégalité une petite session de braconnage de grizzlis. A la recherche d’un guide local, leur rude barmaid leur parle de Jeri Drumbeater avant de tenter sur le champ de les dénoncer aux autorités. Une balle dans le caisson plus tard, et voilà les deux troufions dans la chambre de Drumbeater. Ô surprise ! Non seulement il s’agit d’une belle jeune femme, mais en plus celle-ci a combattu dans l’unité de Burrows lors de la Guerre du Golfe. A l’évocation de ces douloureux souvenirs partagés (l’unité a été décimée dans une embuscade irakienne), la d’abord réticente Drumbeater accepte de mener Burrows et Parker dans un ancien local gouvernemental autour duquel se baladeraient les grizzlis. Il s’avérera qu’ils ne sont pas les seules créatures à y rôder et que Drumbeater joue un jeu trouble…
Il y avait longtemps que Les Contes de la crypte ne s’étaient pas emparés de cette figure incontournable de l’horreur qu’est le vampire. Plus exactement depuis quatre ans, avec l’épisode Un vampire récalcitrant au mitan de la saison 3. Or, depuis le Dracula de Coppola sorti en 1992, Entretien avec un vampire est venu confirmer le retour en grâce des suceurs de sang, également exploités à une plus petite échelle dans des productions Corman (Dracula Rising) ou Charles Band (Subspecies 2 et 3). Alors pourquoi cette série horrifique ayant pignon sur rue, bien que perdant de sa superbe avec l’âge, ne pourrait pas surfer à nouveau sur la vague ? D’autant qu’elle possédait un stock considérable d’histoires à adapter, issues du vivier de revues estampillées EC Comics (Tales from the crypt bien entendu, mais également Vault of Horror, Haunt of Fear, Shock SuspenStories, Crime SuspenStories voire Two-Fisted Tales, plus orientée aventure ou guerre). A l’exception d’un épisode de la saison 4 et de l’ultime épisode de la dernière saison -sous une forme animée-, la série s’est toujours basée sur des histoires publiées dans ces EC Comics, bien qu’avec de profonds changements à la clef. Et donc pour ce qui est des vampires, l’histoire du numéro 26 de Haunt of Fear ferait très bien l’affaire, avec ses vampires en Alaska permettant en outre d’évoquer l’ambiance générale de The Thing. Voire d’évoquer surtout l’ambiance du film de Carpenter, car les vampires sont bien loin de leur image gothique traditionnelle et n’interviennent que tardivement. Pour en arriver là, il faut donc en passer par un climat glacial, par des éclairages froids, par une petite bande de personnages emmitouflés et isolés dans un centre d’expérimentations scientifiques. Le parallèle n’est pas uniquement esthétique : la trouble Jeri Drumbeater cache un secret qui fait écho aux doutes concernant la véritable nature de tel ou tel protagoniste de The Thing. Bien entendu ici il n’y a pas de paranoïa à avoir : on devine très vite que la jeune femme joue un double jeu (on imagine mal ses avances à Burrows et à Parker être sincères) et que la nature de tout ceci se révélera dans le final. Toutefois, le réalisateur John Herzfeld parvient à faire naître une certaine tension qu’il doit en partie à ses acteurs. C’est qu’en face de Jeri, Burrows et Parker semblent quelque peu perdus en dépit de leur volonté d’apparaître comme des mâles alpha et que très tôt il devient évident qu’ils se fourrent dans la gueule du loup. Amenée par une scène choc quoique attendue, l’arrivée des vampires correspond à un climax qui a le mérite de ne pas les couler dans le même moule que les vampires de la concurrence de l’époque. Là encore, de part leur monstruosité physique, ils ne sont pas si différents des formes sanguinolentes de “la chose” de Carpenter.
Mais dans ce cas, pourquoi avoir choisi des vampires ? Et bien à vrai dire, outre qu’ils apparaissaient dans la bande-dessinée parue dans Haunt of Fear, ils permettent surtout d’honorer une marque de fabrique propre aux EC Comics et à la série : apporter une touche d’humour noir quelque peu grand-guignolesque. Surtout lorsque l’on voit cet épisode en connaissant déjà 30 jours de nuit (film qui lui fait d’ailleurs un clin d’oeil), on connait tous les bénéfices que les vampires peuvent retirer du Grand Nord. Lorsqu’il est révélé en grande pompe, l’effet perd donc de sa fraîcheur, pour ne pas dire qu’il est déjà éventé. Peu importe : l’important est que les chasseurs se retrouvent désormais en position de chassés, et qu’isolés comme ils le sont ils perdent tout espoir face à une meute intenable. Une cruelle ironie venant sanctionner des personnages antipathiques, comme le veut la tradition de la série. Cependant, bien des épisodes aboutissaient à cet état de fait dans leur dernier acte. Alors que l’entièreté de Quand arrive l’aube est tourné vers cette sanction, puisque le lien unissant Jeri et Burrows (leur relation de subordination lors de la Guerre du Golfe et le désastre qu’ils ont affronté) est le cœur de ce qui se joue en Alaska. On notera d’ailleurs l’ironie de la situation : Burrows était le supérieur de Drumbeater dans le désert, mais dans les neiges de l’Alaska il est tributaire de son ancienne subordonnée. Ce dont il n’a pas conscience, continuant malgré son passif peu brillant à jouer aux chefaillons faisant appel au sens du devoir pour arriver à ses fins. En somme, il prend Drumbeater pour une imbécile alors que le comportement de celle-ci n’a d’autre but que de montrer qui est le véritable idiot. Dans le rôle de Burrows, Michael Ironside (qui était déjà apparu dans un épisode de la saison 2 de la série) est à son aise. Sous son faciès de méchant menaçant il semble avoir pleinement conscience de la bêtise de son personnage et s’autorise à la souligner, notamment lorsqu’il doit évoquer l’autorité militaire dont il pense pouvoir se servir, ou encore lorsqu’il le dépeint en dragueur, et même lorsqu’il doit faire ressortir la peur qu’il ressent. Son comparse incarné par Bruce Payne fait de même pour son propre personnage, véritable girouette prête à toutes les bassesses. Ce qui au final mène tout cet épisode à s’orner de ce second degré qui fait le charme de la série. Porté par un réalisateur anonyme (un ami de Stallone, détenteur d’un second rôle dans Cobra et qui entre autres a tourné le making-of des Expendables) et un scénariste qui passe pour un homme à tout faire de la série (Scott Nimerfro : producteur de 27 épisodes et scénariste de 11), Quand arrive l’Aube ne s’annonçait pas mémorable. Il ne l’est pas autant que certains des premières saisons, et reste même inférieur à certains autres de cette saison 6 (plus ambitieux), mais par sa cohérence, sa capacité à manier les codes de la série et par le talent de ses acteurs, il fait mouche et laisse un bon souvenir au sein d’une saison qui aime décidément à jouer aux montagnes russes.