CinémaHorreur

Subspecies 2 : Bloodstone – Ted Nicolaou

Bloodstone : Subspecies 2. 1993

Origine : États-Unis
Genre : Embrayage
Réalisation : Ted Nicolaou
Avec : Anders Hove, Denice Duff, Melanie Shatner, Michael Denish

Il n’aura pas fallu bien longtemps à Radu pour récupérer d’une tête coupée et d’un pieu dans le cœur. A peine ses triomphateurs avaient-ils tourné le dos que ses petits diablotins avaient déjà ôté le pieu, incitant la colonne vertébrale du maître à pousser de 30 centimètres pour retrouver la tête que Michelle et Stefan avaient omis d’éloigner. Mais peut-être étaient-ils trop harassés, puisque sitôt Radu ressuscité il les retrouve dans la pièce d’à-côté, chacun dormant dans un cercueil. L’occasion en or pour se venger ! C’est à Stefan qu’il s’en prend d’abord. Et il met tant de cœur à l’ouvrage qu’il en réveille Michelle, laquelle -en plein processus de vampirisation- se fait la belle avec la précieuse “pierre de sang” distribuant du sang sacré à volonté. Le jeu du chat et de la souris commence et atteindra Bucarest, où chacun aura droit à un coup de main : Michelle de la part de sa sœur appelée en urgence, et Radu de celle de sa chère mère, une sorcière putride depuis longtemps éloignée des affaires de famille.

Les vampires ont le vent en poupe, alors Charles Band en profite : après un premier volet en 1991, il lance dès l’année suivante non pas une mais deux séquelles tournées l’une derrière l’autre. Toujours réalisateur et même promu scénariste, Ted Nicolaou reprend les affaires là où elles s’étaient arrêtées à la fin de Subspecies premier du nom, tant et si bien que les deux films auraient pu être montés bout à bout que cela n’aurait pas été choquant (si ce n’est que le rôle de Michelle passe de Laura Tate à Denice Duff). Et la transition promet d’être plus abrupte encore entre Bloodstone et Bloodlust (soit Subspecies 2 et 3), puisque le premier nommé se termine en pleine action… Bref, Charles Band inaugurait sa Full Moon en faisant une croix sur la distribution en salle et en inondant le marché de la vidéo alors à son zénith. Les Subspecies s’inscrivent dans la politique qui était alors la sienne : la création de sagas tous azimuts. Outre les pérégrinations de Radu le vampire, Band lança ou relança les Future Cop, les Puppet Master, les Demonic Toys et même Robot Jox, dont les séquelles -officieuses- prirent d’autres noms du fait de l’échec commercial du film de Stuart Gordon. Une stratégie marketing agressive mais aussi budgétairement opportuniste : en balançant ses séquelles à qui mieux mieux, Band rentabilisait castings, décors et effets spéciaux à la manière de ce que Roger Corman faisait déjà 30 ans plus tôt.

Dans le cas de Subspecies, malgré quelques nouveaux venus derrière la caméra (les responsables des effets spéciaux notamment), pas de grand changement à l’horizon. Nicolaou retourne en Roumanie pour profiter des tarifs avantageux des techniciens locaux tout en bénéficiant d’un cadre qui gagne en authenticité ce qu’il perd en luxe. Et encore : contrairement au premier film qui se déroulait principalement dans un château rustique et à la campagne, Subspecies 2 se passe majoritairement à Bucarest, avec son lot d’édifices baroques ou néo-classiques que le réalisateur se fait un malin plaisir d’exploiter. Ce faisant, il donne l’impression d’une production plus huppée que ce qu’elle n’est en réalité. En bon artisan de série B, Nicolaou sait très bien que le premier film a plus convaincu par son ambiance roumaine que par son scénario stéréotypé, et il cherche par conséquent à peaufiner la recette en développant le point qui lui a valu le plus de louanges. Et il le fait non sans une certaine intelligence : les bâtiments, qu’ils soient grandiloquents ou modestes, urbains ou ruraux, sont intégrés au récit de manière cohérente. Outre le “château Vladislas” déjà vu dans le premier film, il promène ses personnages dans les rues nocturnes d’une ville typiquement Europe-orientale, partagée entre la décrépitude post-Ceausescu, le modernisme de la nouvelle ère (un night-club de musique métal) et le faste des monuments historiques. Il en ressort une atmosphère hétéroclite et prenante, entretenue par des intérieurs qui de leur côté lorgnent vers une esthétique plus traditionnellement gothique (encore qu’il y ait des exceptions, tel ce local où un prestigieux théâtre entrepose ses accessoires, dont un cercueil servant de planque à Michelle). Globalement, si le film sonne bel et bien “authentique”, cela n’empêche pas le réalisateur d’y ajouter sa patte afin de l’orienter dans le sens horrifique : c’est ainsi qu’il a l’idée de faire de l’ombre de Radu une partie du personnage à part entière, lui permettant de se déplacer de lieu en lieu en projetant son ombre à taille variable pour qu’elle atteigne l’endroit où il souhaite se rendre. Une bonne idée dont Nicolaou abuse un peu mais qui permet ainsi de jouer avec les éclairages et d’exploiter la silhouette particulière de Radu et de ses immenses paluches griffues, qui semble ainsi dominer la ville et être partout.

Mais que serait ceci sans un scénario capable de rendre honneur à l’ingéniosité du réalisateur ? C’est sur ce point qu’achoppait le premier Subspecies. Pour ses séquelles, Charles Band a eu la bonne idée de céder le poste de scénariste au réalisateur lui-même. A charge pour lui de négocier les implications d’une saga programmée : il a au moins deux films à fournir et il faut bien les faire parler de quelque chose. A partir de la légende du premier film -le roi des vampires assassiné par son fils Radu qui souhaite s’emparer du trône et de la “pierre de sang” qui va avec- Nicolaou exploite une mythologie qui trouve un rebondissement dans le dénouement même du premier film. Michelle Morgan (!), l’héroïne, finissait en effet sauvée par le gentil Stefan, frère de Radu, mais en ayant elle-même été vampirisée. Dans la séquelle, elle tente de combattre le mal qui la domine progressivement, tout en gardant précieusement la “pierre de sang” et en veillant à ce qu’elle ne tombe pas dans la pogne arachnéenne de Radu. Celui-ci, de son côté, quitte ses pénates et ses diablotins pour prendre contact avec sa mère – ce qui permet à Nicolaou d’expliciter plus avant l’histoire du Roi des vampires- et établit des projets concernant autant la Pierre de sang que Michelle. Il y a donc de quoi donner un arrière plan aux événements du film tout en brassant suffisamment large pour justifier deux productions. Issu d’une vieille famille de vampires, Radu n’est pas Dracula (lequel est d’ailleurs moqué via le hongrois Bela Lugosi au détour d’une répartie anodine) : franchement bourrin, exagérément monstrueux (les mains sont complétées par le faciès qu’aurait eu Nosferatu s’il avait été un adepte de métal), doté d’une voix d’asthmatique atteint d’un cancer de la gorge, calculateur, sans pitié, il est un grand méchant de série B bouffi de prétentions hégémoniques ! Nicolaou ne prend pas le personnage au sérieux et se lâche donc en lui associant une mère qui, vivant au milieu de ses concoctions magiques dans une  crypte labyrinthique, pourrait aussi bien être la compagne du gardien des Contes de la crypte. Un binôme qui sent plus les “boogeymen” des années 80 que les vampires lugubres à la Christopher Lee (et ne parlons pas des vampires fleur-bleue). Pour enrichir encore le mythe de Radu, Nicolaou envoie d’autres personnages -la sœur de Michelle, un conservateur de musée, un employé du consulat américain et un policier roumain- fouiller le passé de Radu et de la Pierre de sang, officiellement pour trouver des indications sur le devenir de la jeune femme disparue. Ce qui permet de faire avancer le scénario tout en évoquant la mythologie appelée à être développée dans la saga Subspecies. Au passage, le réalisateur en profite pour disséminer un humour plus direct, notamment via ce policier adepte de Columbo et de Perry Mason qu’il cite dès qu’il en a l’occasion, ou encore via ce très cartésien employé du consulat qui décide à un moment de sortir de l’intrigue sur un coup de tête parce qu’il se dit qu’en fait, toutes ces légendes vampiriques, c’est du n’importe quoi (quoique là nous sommes un peu plus dans le cul-de-sac scénaristique ! : le personnage -joué par un échappé de Vendredi 13 chapitre 7– ne servait à rien à part faire une cour infructueuse à la frangine Rebecca).

Subspecies 2 répond présent partout où on l’attend : intrigue fournie pourvue d’une modestie confinant au second degré, vampire charismatique et porté sur l’excès, soin esthétique lui conférant sa propre identité, effets spéciaux réussis (le film est d’ailleurs bien plus sanglant que son prédécesseur lorsqu’il se donne l’occasion de l’être -le gore n’étant pas sa raison d’être-)… Si le premier film de la saga était bancal, sa première séquelle vient concrétiser le potentiel qu’il laissait augurer. Et la saga Subspecies, loin de n’être qu’un instrument servant à inonder le marché, de devenir une vraie et bonne saga vidéo dont Subspecies 2 constitue le véritable point de départ. Restera à Nicolaou à transformer l’essai, étape sur laquelle de plus prestigieux concurrents se sont cassés les dents, incapables de donner une suite à la mesure de l’opus phare (ainsi les Freddy post-Griffes de la Nuit, les Halloween sans Carpenter, les Hellraiser sans Clive Baker… qui ont  plus ou moins fini par sombrer dans l’anonymat à force de séquelle décevantes). Il y a tout lieu de croire qu’en ayant tourné Subspecies 3 dans la foulée du 2, il avait toutes les cartes en mains pour réussir l’exercice. A suivre !

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