Les Contes de la crypte 3-02 : Le Canyon de la mort – Steven E. de Souza
Les Contes de la crypte. Saison 3, épisode 02.
|
Venant encore de verser le sang lors d’un braquage dans une petite bourgade d’Arizona, le criminel Earl Digs (Kyle MacLachlan) est pris en chasse dans le désert par un flic à moto. Il parvient à s’en défaire, mais au prix de sa voiture. Voilà donc Digs réduit à continuer à pied jusqu’à sa prochaine destination, le Mexique. Il n’avait pas imaginé que le flic se révèlerait plus tenace que prévu et parviendrait à se relever pour continuer sa traque. Et encore moins qu’au terme de leur confrontation, le flic mort serait enchaîné à lui par ses menottes, sous les yeux d’un vautour escomptant bien un festin pantagruélique d’ici peu.
Il n’est guère étonnant que Steven E. de Souza fasse ses quasi premières armes de réalisateur (il n’avait jusqu’ici réalisé qu’une comédie d’exploitation 20 ans plus tôt ainsi qu’un obscur téléfilm pour MTV) dans la série coproduite par Joel Silver. Les deux hommes ont déjà de fructueuses collaborations en commun. Scénariste, de Souza a travaillé sur Commando, 48 heures, Piège de cristal, 58 minutes pour vivre, Hudson Hawk et Ricochet, sans oublier Running Man qui n’a pas été produit par Silver. Autant dire que sa spécialité est le cinéma d’action, dans lequel il parvient souvent à cerner ce qui plaira au public. Ce que Joel Silver ne peut qu’apprécier, au point de lui confier le scénario et la réalisation de ce second épisode de la troisième saison des Contes de la crypte. Ceci dit, la série ne s’inscrit pas exactement dans le créneau occupé par de Souza. Qu’à cela ne tienne, après tout Arnold Schwarzenegger était peut être encore moins qualifié que lui pour se charger d’un épisode, et il s’en est sorti sans déshonneur, tout en s’éloignant des canons du cinéma d’action qui ont fait sa renommée.
Plus expérimenté, de Souza décide pour sa part d’intégrer son style aux codes de la série. Pour ce faire, il n’a recours qu’à deux personnages dans un décor désertique, ce qui peut sembler paradoxal pour un homme dont les travaux sont généralement synonymes de surcharges à tous les étages. Cette surcharge, on la retrouve pourtant dès l’entrée en matière dans le personnage campé par Kyle MacLachlan (utilisé à contre-emploi de ses rôles d’ahuris de Twin Peaks ou Hidden, mais ce choix étrange passe en fait plutôt bien), un criminel intenable monté sur ressorts et véritable moulin à paroles. Qu’il s’adresse à lui-même, au flic vivant ou mort ou au vautour, il ne peut s’empêcher de pérorer, souvent pour des répliques sarcastiques dans la droite lignée des fameuses “punchlines” qui caractérisent le cinéma d’action à grand spectacle estampillé Joel Silver. Et comme de coutume, ces répliques s’avèrent très convenues et franchement peu amusantes. En revanche, combinées à l’énergie de MacLachlan, elles permettent d’orienter clairement l’épisode vers un style facétieux qui il faut bien le dire est la seule chose que peut permettre une intrigue aussi réduite. De son côté, le flic acharné fait de même mais sans paroles. Arborant un peu le style du Terminator, en nettement moins efficace (il rate sa cible alors qu’elle est immobile en plein désert !) il paraît invincible et se relève toujours pour surprendre un Digs qui se croyait peinard. Cela aussi participe au côté farce de l’ensemble. Ce qui serait vite devenu lassant si le flic ne finissait pas tout de même par mourir, et -c’est seulement là que l’épisode s’inscrit dans le cadre des Contes de la crypte– par continuer à lui pourrir la vie de façon post-mortem. Ce qui n’est en fait pas moins lassant. Menotté à lui, Digs doit continuer à progresser dans le désert, accablé par la chaleur, tourmenté par le vautour et désormais encombré d’un cadavre. L’ironie se teinte alors d’un humour noir qui se retrouve dans les répliques, sans pour autant faire davantage mouche qu’auparavant. Le reste n’est que l’attente d’un dénouement aisément prévisible, entre l’insistance de plus en plus prononcée du vautour, l’hystérie naissante de Digs, ses forces qui vacillent (avec les effets de caméra flous et tremblotants pour ceux qui ne s’en seraient pas aperçus) et l’inévitable pied de nez final.
Concrètement, quoi qu’on puisse apprécier le numéro d’acteur de MacLachlan ou encore profiter du cinégénique désert bien mis en valeur, il ne se passe pas grand chose dans ce Canyon de la mort. Son moteur, l’ironie, y manque de finesse tout en tapant un peu à côté du sujet (Digs enlacé au cadavre du flic et qui lui propose une danse pour fêter ce qu’il croit être la fin de son périple, c’est pas une conception de l’humour noir très géniale). Il aurait fallu un peu plus d’agressivité pour rendre le tout moins grand public, chose à laquelle de Souza n’a recours que dans le final, lui-même d’ailleurs un peu trop primesautier dans son traitement du gore.