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Histoires fantastiques 1-20 : Le Cinéma secret – Paul Bartel

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Amazing Stories. Saison 1, épisode 20
Secret Cinema. 1986.

Origine : États-Unis
Genre : Fantastique
Réalisation : Paul Bartel
Avec : Penny Peyser, Griffin Dunne, Paul Bartel, Mary Woronov…

Tout à son bonheur du mariage à venir, Jane se rend chez son futur époux affublée de son voile de mariée, au mépris de la superstition. Mal lui en prend puisque le malotru lui signifie la fin de leur idylle. Accusant le coup, elle tente de trouver du réconfort auprès de son psychiatre, le Dr. Shreck, dont les méthodes paraissent particulièrement étranges. Sur ses conseils, Jane subit un relookage total et entreprend de reconquérir son homme. Mais toute docile qu’elle soit, elle pressent que quelque chose ne tourne pas rond dans son existence, comme si tout était fait pour la tourner en ridicule…

Dans le sillage de Joe Dante, Paul Bartel –autre transfuge de la New World de Roger Corman mais à la carrière nettement plus confidentielle– participe à son tour à l’aventure télévisuelle de Steven Spielberg. Plus qu’une simple participation, on peut même dire qu’il s’y investit pleinement, puisque non content de réaliser cet épisode, il en écrit le scénario et s’y adjuge un rôle. En fait, et en dépit des moyens plus confortables qui lui sont alloués, Paul Bartel ne déroge pas à ses habitudes, comme en atteste la présence de son actrice fétiche Mary Woronov.

Ici, il interprète l’étrange Dr. Shreck, et confie à son égérie le rôle de son assistante, mais pas seulement. Au fil de l’épisode, Mary Woronov personnifiera un serveur désireux de refourguer de la dinde à ses clients sous n’importe quelle forme ; Hilledegarde, une suédoise voleuse d’époux ; une intransigeante caissière de cinéma ; une simili Cléopâtre ; et enfin, un agent de police. Autant de personnages qui donnent à cet épisode un petit air de théâtre auquel nous, spectateurs, ne sommes pas dupes, au contraire d’une Jane qui n’y voit que du feu. Paul Bartel ne cherche nullement à cacher les coutures de la machination dont Jane est victime. Et si de prime abord, elle ne semble le fait que du seul fiancé, en adepte de la mauvaise blague, elle apparaît très vite être bâtie à plus grande échelle. Comme aveuglée par ses problèmes personnels, Jane prête peu attention aux gens qui l’entourent. Et quand bien même elle aurait les preuves sous les yeux que décidément quelque chose ne tourne pas rond (en déjeunant avec sa mère, elle aperçoit son ex fiancé en grande discussion avec son psychanalyste), elle ne s’en appesantit guère. Oh, elle se pose bien des questions, notamment sur les raisons qui ont pu pousser un petit garçon à venir lui quémander un autographe, mais elle vit tellement mal la rupture de ses fiançailles que plus rien d’autre n’a vraiment d’importance. Jane est une femme brisée, déboussolée, et persuadée d’avoir touché le fond. Les événements auront tôt fait de la démentir, la plongeant dans un abîme sans fin mû par la rapacité et la cruauté des gens.

Sous couvert d’un style gentillet qui sied bien à la charte implicite des Histoires fantastiques (nous sommes sur ce point bien évidemment loin de la satire auto parodique de La Course à mort de l’an 2000, ou de la transgression érotico macabre de Eating Raoul), Paul Bartel apporte néanmoins un œil critique sur cette société du spectacle dont il fait partie, et qui ne recule devant rien pour attirer les foules et l’argent qui va avec, et surtout pas devant le malheur d’autrui. On peut aussi y voir en filigrane un avertissement quant à la crédulité des gens, prêts à gober tout ce que leur dira leur psychanalyste pour espérer aller mieux. Bien avant Truman Show, Paul Bartel dénonce cette société du spectacle voyeuriste qui ne craint pas de toucher à l’intime, voire d’orchestrer à sa manière la vie des petites gens. Manipulée, bafouée, Jane découvre que sa vie est devenue une mascarade dont se gausse le public, illustrant à son corps défendant cette maxime prétendument positive : être l’acteur de sa vie.

Pour Paul Bartel, sa participation aux Histoires fantastiques (il réalisera également un épisode pour la saison 2, Sacré Gershwin) sonne pour partie comme un renoncement aux films foutraques et corrosifs de ses débuts. Ce n’est pas pour autant qu’il renonce à ses élans satiriques, et ce Cinéma secret en demeure un bel exemple, même si sur un mode mineur. Par la suite, il ne tournera plus guère, se contentant de faire l’acteur (de la figuration serait peut-être plus juste), parfois même pour des productions assez prestigieuses (Los Angeles 2013, Usual Suspects).

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