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Histoires fantastiques 1-03 : Le Messager d’Alamo – Michael D. Moore

 

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Amazing Stories. Saison 1, épisode 03
Alamo Jobe. 1985.

Origine : États-Unis
Genre : Fantastique
Réalisation : Michael D. Moore
Avec : Kelly Reno, William Boyett, Richard Young, Lurene Tuttle…

Nous sommes en 1836, à Fort Alamo. Le siège touche à sa fin, l’armée mexicaine se faisant de plus en plus pressante aux portes du bastion. Dans un geste dérisoire, le Colonel Travis confie au jeune Jobe un mot que celui-ci devra remettre de toute urgence au Général Lefferts pour que ce dernier leur envoie des renforts. Faisant fi de la menace mexicaine, Jobe quitte le fort et… se retrouve à San Antonio en 1985.

Comme son titre l’indique, cet épisode nous plonge en plein siège du fort Alamo –ses dernières heures pour être précis–, événement majeur de la guerre d’indépendance de la République du Texas. Le générique se déroule sur une alternance de plans larges sur les troupes mexicaines qui fleurent bons les stock-shots (probablement tirés de l’Alamo de John Wayne, d’ailleurs) et des plans serrés sur l’intérieur du fort. En une poignée de minutes, le réalisateur nous présente les principales figures de cet événement historique (Jim Bowie, le Colonel Travis et bien sûr Davy Crockett) par l’intermédiaire du personnage fictif, le dénommé Jobe, pour mieux s’en détourner par la suite. Le Messager d’Alamo ne se propose pas de réécrire l’Histoire, ni même de la pervertir en lui adjoignant une pincée de fantastique. Si fantastique il y a, celui-ci ne concerne que Jobe, seul assiégé à percevoir ce que l’on pourrait considérer comme des flashs de ce que sera l’avenir.

Alors que le combat fait rage, Jobe aperçoit des touristes arpentant le champ de bataille comme si de rien n’était. Il a beau s’époumoner, leur crier de se mettre à l’abri, rien n’y fait, ils ne l’entendent pas. Cette soudaine intrusion du présent dans le passé (ou pour Jobe, du futur dans son présent) ne laisse pas d’intriguer. Déjà, l’interaction entre les horreurs de l’Histoire en cours et son exploitation mercantile à venir procure une drôle de sensation. Alors que l’on voit des hommes se faire tuer sous nos yeux, la vacuité des préoccupations des touristes dans ce lieu de mémoire (-« Chéri, pourquoi ne sommes-nous pas allés à la mer comme nos amis pour notre anniversaire ?“; « M’man, p’pa, j’aimerais rentrer à l’hôtel, téléphoner à ma copine ! ») brille de tous ses feux. Plus qu’un lieu de mémoire, le Fort Alamo apparaît davantage comme un passage obligé pour tout touriste qui se respecte, éminent symbole de l’expansion des États-Unis au 19e siècle. On va à Fort Alamo comme on irait à Disneyworld, la toque à queue de raton laveur de Davy Crockett remplaçant le chapeau aux grandes oreilles de Mickey. Production télévisuelle oblige, le massacre de Fort Alamo ne prend pas à l’écran une tournure très barbare. De fait, le malaise qui aurait pu s’installer de ce parallèle entre le sacrifice de ces colons américains pour une cause qu’ils jugeaient juste (même si dans l’affaire, il était légitime que le gouvernement mexicain défende l’intégrité de son territoire) et la perception toute joviale de ce massacre par les touristes (Ah ! le mythique Davy Crockett !) n’est pas aussi présent qu’il aurait pu l’être. Le mercantilisme mémoriel n’est clairement pas le propos de cet épisode. Le Messager d’Alamo joue plus dans le registre d’un C’était demain (Nicholas Meyer, 1979), l’aspect science-fiction en moins puisque le voyage temporel de Jobe s’effectue de manière aussi abrupte qu’évasive. A tel point qu’on en vient brièvement à s’interroger sur la santé mentale du personnage. Serait-il fou ? Le fait que le gardien du Fort Alamo l’en sorte de force au moment où le jeune homme se trouvait à la merci de soldats mexicains, le sauvant ainsi d’une mort certaine, indique que ce pourrait être là la finalité de cette histoire. Or la suite s’appuie sur les anachronismes inhérents à un tel voyage, notre rescapé du 19e siècle frayant avec la faune bigarrée du San Antonio des années 80. Le récit égrène les passages obligés : découverte du téléphone, rencontre avec un rappeur, course-poursuite avec la police locale, celle-ci goûtant fort peu qu’un original habillé comme Davy Crockett (ce que des passants ne manquent de lui faire remarquer) erre en ville un fusil à la main… L’originalité n’est pas le point fort de cet épisode, pas plus que l’humour. Ce dernier est aux abonnés absents au profit d’un traitement des plus sérieux, voulant épouser la grande mission de Jobe. L’adolescent a été chargé d’une mission de la plus haute importance que le scénario s’ingénie à mener à bien. Il ne s’agirait pas que le dévoué Jobe ait le sentiment d’avoir échoué, ni qu’il finisse prisonnier d’une époque qui n’est pas la sienne. Il serait dommage de décourager ainsi la jeunesse.

Le voyage temporel n’est ici qu’un prétexte, point de départ d’une histoire construite comme une boucle, se terminant là où elle avait débuté sans que quoi que ce soit n’ait changé entre le début et la fin. C’est bien beau de lancer des idées, même si aussi peu originales que celle-ci, encore faut-il savoir comment les développer au mieux. Pour ne pas y être parvenu, Michael D. Moore signe là un épisode dont les 25 minutes réglementaires paraissent durer le double. Le genre d’exploit dont il est difficile de s’enorgueillir, et qui confirme l’entame très inégale du caprice de Steven Spielberg.

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