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Top Gun – Tony Scott

topgun

Top Gun. 1986

Origine : États-Unis 
Genre : Action 
Réalisation : Tony Scott 
Avec : Tom Cruise, Kelly McGillis, Anthony Edwards, Tom Skerritt…

Malgré son tempérament imprévisible, le Lieutenant Peter Mitchell, dit Maverick (Tom Cruise) est envoyé avec son fidèle navigateur Goose (Anthony Edwards) suivre les enseignements de la prestigieuse Top Gun, où est formée l’élite de l’aviation militaire américaine. Il ne tarde pas à entrer en conflit avec ses supérieurs (Tom Skerritt et Michael Ironside), à développer une rivalité avec le pilote vedette Iceman (Val Kilmer) et à démarrer une liaison romantique avec Charlie (Kelly McGillis), une jeune instructrice.

Après avoir donné dans l’engouement sécuritaire avec Le Flic de Beverly Hills et son Axel Foley qui accomplissait sa vendetta tout en rigolant, Don Simpson et Jerry Bruckheimer continuent dans la complaisance de l’Amérique de Ronald Reagan en se plongeant cette fois dans les arcanes de la Top Gun, véritable académie militaire mise en lumière en 1983 à travers un article paru dans un magazine californien. Bien que les scénaristes débutants Jim Cash et Jack Epps Jr. (qui plus tard signeront le Dick Tracy de Warren Beatty) se soient investis pour cerner le véritable fonctionnement de la noble institution -assistant à des cours et participant à des exercices pratiques-, leur version ne résista pas à la moulinette Simpson / Bruckheimer, eux-mêmes conseillés par… l’armée américaine, qui visiblement cherchait des volontaires dans le secteur aérien ! Ce ne sont pas les consultants techniques qui ont manqué, et certains personnages sont inspirés par de véritables personnes, dont les surnoms ne sont d’ailleurs même pas forcément modifiés (le commandant Viper joué par Tom Skerritt existe bel et bien). Et dire que Simpson et Bruckheimer désirèrent un temps s’attacher les services de John Carpenter ou de David Cronenberg pour filmer leur propagande… C’est finalement Tony Scott qui eut l’honneur de mettre en image cette campagne de recrutement fort peu discrètement déguisée sous les poncifs du cinéma hollywoodien le plus abruti.

Puisqu’il faut à tout prix éviter d’effrayer les potentielles recrues (et ce n’est pas un hasard si le film s’adresse à un public jeune, pas trop réfléchi et influençable par de grosses ficelles), il n’est pas surprenant que tout ce qui aurait pu démontrer de façon trop crue la nature hautement risquée des missions aériennes passe à la trappe à la demande express de l’armée elle-même. S’il y a bien un accident mortel au cours du film, il se distingue par sa propreté et par son aspect romancé (en pleine mer, coucher de soleil, le défunt dans les bras de Tom Cruise). Bien moins répulsif mais beaucoup plus digne que le vulgaire crash d’un avion sur un navire qui était initialement prévu (s’agirait pas d’être réaliste non plus… et pourquoi pas faire exploser un gentil personnage en plein vol, tant qu’on y est !). De toute façon, ce décès ne concerne pas le spectateur, qui s’est déjà depuis longtemps identifié à Tom Cruise. Présent dans presque toutes les scènes, le personnage du futur scientologue affiche cette même prétention que dispensait déjà Eddie Murphy pour incarner le flic de Beverly Hills. Tête brûlée héroïque, pilote d’exception, leader naturel, sens de l’humour insouciant, il écrase tout un casting volontairement rabaissé au rang de modeste faire-valoir admiratif. Il n’y a qu’à voir la personnalité effacée de Goose, le navigateur qui a bien de la chance de bénéficier de l’amitié d’un tel phénomène, ou encore la pitoyable déclaration d’amour de cette instructrice pour laquelle le degré de professionnalisme n’a pas fait le poids devant l’attraction exercée par le minet vaniteux. Même la rivalité avec Iceman est illusoire : en fait plus qu’un concours de bites pour désigner le meilleur pilote de la Top Gun (ce qui n’aurait déjà pas été brillant), l’enjeu est pour Maverick de réussir à se faire admirer par tout le monde, y compris par son très fade concurrent (Val Kilmer et les trois mots qu’il prononce durant le film). Pour un peu, on s’attendrait presque à ce que le personnage de Tom Cruise pique la femme de son ami Goose (jouée par Meg Ryan).

Mais notre pilote est trop classe pour ça. Il sait bien ce que c’est que de souffrir, puisque son propre père, lui aussi aviateur, est porté disparu depuis la guerre du Vietnam et que l’armée refuse de déclassifier le dossier. On admirera au passage l’hypocrisie du scénario, qui derrière cette histoire de racines passe encore la brosse à reluire sur son Maverick en le faisant se venger sur le cruel destin de la famille et en mettant en exergue la haute lignée héroïque des siens (on apprendra d’ailleurs qu’en fait le père est mort en héros… quelle surprise !). Le même genre d’hypocrisie se retrouve aussi dans la fausse déprime où plonge Maverick après l’accident mortel ayant frappé son ami. Faisant mine de ne plus avoir envie de rien, délaissant sa copine, il inquiète. Mais il reviendra vite sur le droit chemin, pile dans le climax qui oppose les membres de la Top Gun à un ennemi dont on ne nous dit pas le nom (mais puisqu’ils pilotent des MiG, ce sont forcément des alliés soviétiques… on en saura pas plus, car il ne faudrait pas non plus que l’on pense que l’ennemi est humain et qu’on vienne à le prendre en pitié). Bref Maverick sauvera la mise à tout le monde et sanctionnera les vilains cocos grâce à un prodigieux sens du risque qui fait systématiquement hurler ses supérieurs… Du moins officiellement, pour la forme, car ils sont tous admiratifs, les coquins. Par contre l’armée, la vraie, celle qui bidouilla dans le scénario de Top Gun chercha malgré tout à préserver son standing en incitant les scénaristes à supprimer toutes les grossièretés des dialogues et en transférant Charlie, la copine de Maverick, d’un poste d’officier de la Navy à celui d’intervenante extérieure (car la loi interdit aux militaires de fréquenter ainsi leurs supérieurs, faut que la bleusaille le sache).

Tom qui n’en fait qu’à sa tête, Tom qui rigole, Tom qui est romantique, Tom qui est triste, Tom qui est concentré… Telle est à peu près la structure narrative simplissime de Top Gun. Une émotion (et jamais plus, surtout pas : le public n’y comprendrait plus rien) dicte des séquences entières. Déjà consternant, le film devient carrément abominable quand on lui applique le style Tony Scott, le même qui sera utilisé dans Le Flic de Beverly Hills II l’année suivante. Passons sur le casting de bellâtres imberbes qui dans les vestiaires de la Top Gun revêt de fortes connotations homosexuelles. Mais ces fameux levers ou couchers de soleil orange vif au dessus d’une mer paradisiaque sont décidément la quintessence de la laideur typée années 80. Que ce soient les décollages d’avion ou les virées en moto de Tom sur des routes bordées de palmiers, rien ne passe l’épreuve du temps. L’emploi abusif de chansons calibrées pour cartonner sur MTV en 1986 (comme la roucoulante “Take my breath away” par le groupe Berlin, répétée de nombreuses fois) achève de prouver que Scott et ses producteurs ne cherchèrent pas à faire vivre leur film au-delà de son année de sortie. Sur le coup, le procédé put paraître dans le vent. Mais par définition, plus une chose est à la mode à un moment donné, plus cette chose risque de tomber en désuétude lorsque cette même mode ne sera plus en vigueur. C’est ce qui se passe avec Top Gun et ses choix esthétiques naguère racoleurs et aujourd’hui surannés jusqu’au ridicule. Nous ne sommes finalement pas très loin d’un clip… Même les séquences aériennes fortes de potentiel sont entrecoupées par les visions des pilotes dans leurs cockpits agités dans tous les sens. Résultat : les combats manquent cruellement de fluidité. Le calice jusqu’à la lie !

Top Gun est une œuvre militariste minable, moche et bouffie d’orgueil. Avec la collaboration de Tony Scott, Simpson et Bruckheimer prouvent que les normes hollywoodiennes sont des instruments de propagande d’autant plus parfaits qu’ils nivellent l’esprit du public vers le bas, vers des émotions primaires transmises à grand renfort de matériel démagogique et commerciaux (pléonasme). Tout cela donne envie de s’engager dans l’Armée rouge.

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