The Arrival – David Twohy
The Arrival. 1996Origine : États-Unis
|
Aujourd’hui essentiellement connu pour la trilogie des Chroniques de Riddick, David Twohy a connu un début de carrière pour le moins chaotique. Une fois passés ses débuts dans de la série B horrifique d’honnête facture (Critters 2 et Warlock), il a trempé à son corps défendant dans deux “development hells” retentissants (Alien 3 et Waterworld), a fait un bide avec Terminal Velocity et s’est lancé dans la réalisation avec un Timescape qui n’aura pas marqué les esprits. Guère reluisant. Toutefois, le succès critique et commercial du Fugitif en 1993 lui offrit son instant de gloire. Du moins sur le papier, car sur le plateau, le réalisateur Andrew Davis déclara ne jamais avoir eu d’échanges avec Towhy, procédant aux réécritures avec le co-scénariste Jeb Stuart, voire avec les acteurs eux-mêmes. Et avec The Arrival, le second film dont il est aux manettes, on ne peut pas dire que Twohy fasse preuve d’une ambition débordante, privilégiant probablement un succès commercial facile pour se (re)mettre en selle : de près comme de loin, l’odeur de X-Files y est suffocante.
Encore une nuit qui s’annonce bien terne pour Zane Zaminsky et son collègue Calvin, radioastronomes pour le projet SETI en charge de détecter les éventuels signaux qui viendraient de l’espace. Tant et si bien que malgré sa passion pour l’écoute des étoiles, Zane envisage de plier bagages et de répondre à l’invitation de madame qui lui donne rendez-vous au plumard. Mais là dessus, stupeur : un puissant signal est enfin détecté ! Bien que n’ayant duré que très peu de temps, Zane a pu l’enregistrer et court l’apporter dès le lendemain à son supérieur, Phil Gordian. Lequel se montre tout à fait sceptique. Pire encore : sous prétexte de réduction budgétaire, Zane est viré et Gordian s’arrange pour qu’il ne retrouve pas d’emploi similaire. De quoi intriguer l’enthousiaste radioastronome, qui s’empresse alors de monter sa propre antenne avec l’aide de son jeune voisin Kiki et malgré l’agacement de madame. Zane ne tarde pas à capter le même signal, qui est vite brouillé et remplacé par une radio mexicaine. Il y a décidément anguille sous roche, et le voilà qui part à l’aventure en plein milieu de ce qui est rien de moins qu’un vaste et stupéfiant complot.
Pris à son propre piège, Twohy et surtout ses producteurs ne virent pas venir leur échec au box office, dont le responsable tout désigné est moins The Arrival lui-même que son concurrent Independence Day, qui allait sortir un mois plus tard mais dont la campagne de promotion faisait déjà main basse sur le rayon “extraterrestres” au cinéma. Et puis il y avait peut-être aussi le simple fait que X-Files continuait sa vie sur les petits écrans, mettant toujours en avant son fil rouge à base de Fox Mulder essayant de percer les cachoteries gouvernementales sur la présence de visiteurs aliens. Zane Zaminsky ne fait pas autre chose, à ceci près que si son collègue met plusieurs saisons à en savoir plus, lui met moins de deux heures. Non seulement à s’apercevoir du complot, mais également à comprendre sa nature et à le déjouer. X-Files misait sur la complexité. Inlassablement, Fox Mulder se cassait les dents sur les obstacles et revenait à son dada au gré des opportunités offertes par telle ou telle enquête. Bien que Chris Carter ait fini par tourner à vide, il y avait une incontestable vision à long terme basée sur la construction d’une mythologie, avec ses repères, ses moments marquants et ses réorientations soudaines. Tant et si bien que la série a fini par achopper sur les révélations décevantes, trahissant le fait que Carter n’a jamais bien su à quoi il voulait en venir, ou qu’on l’a à tout le moins forcé à tirer sur la corde.
A côté de cela, le scénario de The Arrival prend le chemin inverse : avançant linéairement, il n’en rechigne pas moins à disséminer au passage tous les ingrédients de X-Files réduits à leur strict minimum si ce n’est à la caricature pure et simple. Prenons par exemple l’implication gouvernementale : là où Carter laissait planer l’ombre des très hautes sphères politiques cachées derrière des officines obscures, Twohy fait d’un bureaucrate sous-traitant de la NASA la clef de voûte d’un complot manquant clairement d’ampleur. Quelques flics ou fonctionnaires corrompus ajoutés à l’équation ne suffisent pas à lui en donner. Surtout lorsqu’il s’agit essentiellement du personnel d’un Mexique qui prend à l’écran l’apparence d’une république bananière. Car comme Mulder, Zaminsky voyage en suivant la piste que son abnégation lui fait suivre. Et le voilà donc au centre du Mexique, dans une petite ville en plein carnaval, logé dans un hôtel qui prend littéralement l’eau (les baignoires s’effondrent d’étage en étage !). Une touche d’exotisme qui ne sert foncièrement à rien si ce n’est à donner une vague touche “internationale” à des comploteurs qui fuient les regards en se cachant dans un coin reculé. Lieu qui avait également été repéré par Ilana Green, une climatologue inquiète d’un réchauffement climatique sévère trouvant son origine dans des usines récemment bâties, telles que celle construite ici. Bien qu’elle ne soit pas sceptique sur l’existence d’un complot, le fait qu’elle ne soit pas en quête d’extraterrestres suffit à la rapprocher vaguement de Dana Scully, l’inévitable comparse de Fox Mulder. Mais Twohy ne daigne pas pousser plus avant leur relation, Ilana Green et ses préoccupations climatiques ne servant in fine qu’à indiquer la voie pour un Zaminsky qui, de son côté, n’a même pas daigné répondre aux avances de sa compagne d’infortune. Car à l’inverse de Mulder, lui a son fil à la patte : s’il veut sauver son couple, il se doit de se tenir à carreau : madame est déjà profondément irritée par sa marotte exoplanétaire qui conduit leur couple à vau-l’eau (sous-intrigue en approche !). Le rationalisme de Madame, qui sera suivi par son implication ultérieure, la rapproche elle aussi de Dana Scully. Ce qui fait deux ! Deux Scully valent mieux qu’une et permet de maintenir tout du long une présence féminine aux côtés d’un héros qui lui, pour le coup, est véritablement calqué sur Mulder. Avec son côté un peu geek, son acharnement, sa paranoïa, ses prises de risques et sa capacité à gérer la tension, Zane Zaminsky est sa réplique quasi exacte. La seule différence tient au jeu de leurs acteurs respectifs : alors que Duchovny reste froid et déterminé, avec à l’occasion une propension au sarcasme, Charlie Sheen (pour lequel le rôle fut écrit, sur la foi de son entente avec Twohy lors de Terminal Velocity) est un chien fou. Ce qui le conduit à revêtir la plupart du temps un air éberlué qui, assez discrètement, voire involontairement, fait parfois verser le film dans l’humour. Ça et la présence ponctuelle à ses côtés d’un gamin espiègle Kiki (!) dont l’utilité toute relative sera justifiée sur le tard.
D’humour, The Arrival en a bien besoin. Non qu’il se prenne autant au sérieux que X-Files -et c’est heureux- mais il faut bien ça pour faire passer la pilule de cette invasion extraterrestre qui, à l’aune d’un demi-siècle de science-fiction cinématographique, apparaît franchement quelconque. Le film étant défini par une trame de thriller politico-industriel lambda, il ne lui reste donc en la matière qu’à mettre en avant le vieux coup de l’invasion cachée. De L’Invasion des profanateurs de sépultures à Invasion Los Angeles en passant par La Marque ou encore Les Envahisseurs de la planète rouge (l’original et son remake, L’Invasion vient de Mars), cet angle est fréquemment abordé. Là non plus, Twohy n’y insuffle guère de nouveauté. Par contre, il bénéficie d’effets spéciaux convaincants, qui ont à la fois le mérite d’être crédibles (ce qui n’allait pas de soi à cette époque où les incrustations numériques étaient encore balbutiantes) et de ne pas trop rendre ses extraterrestres ridicules. Il faut dire que, scénario aidant, ils ne sont guère mis en avant dans leur forme pleine et entière. Leur instant de gloire coïncide tout de même avec celui du film et a lieu bien avant le climax, lors de la visite d’une base alien qui, elle aussi, avec ses couleurs chaudes et ses formes bizarres, évoque L’Invasion vient de Mars (version Tobe Hooper, donc). Mais le film étant décidément moins un film de science-fiction qu’un thriller, il retourne bien vite à ses petites affaires, entrecoupées parfois d’effets spéciaux plus ou moins gratuits (dont une sorte d’aspirateur de l’espace capable de faire le vide dans une pièce). Ce qui n’est pas sans laisser quelque regret, moins par rapport à sa mise en avant d’éléments science-fictionnels que par l’occasion ratée que constitue le rattachement de Zane Zaminski au projet SETI. Cela aurait mérité d’être autre chose qu’un simple point de départ. Un peu tombé dans l’oubli, le projet SETI est né à l’époque de l’enthousiasme populaire pour la conquête spatiale et l’espérance qui se cache derrière : trouver de la vie dans l’univers. Un astronome comme Carl Sagan savait alors titiller la fibre du grand public et était fortement impliqué dans le projet SETI (Twohy lui rend d’ailleurs hommage au détour d’un livre dans la chambre de son protagoniste). Sauf qu’à force de ne (presque) rien détecter, le dispositif a fini par tomber dans l’oubli. Pour le remettre sur le devant de la scène, Sagan en tirera d’ailleurs un roman, Contact, publié en 1985. The Arrival aurait pu s’en emparer au lieu de singer Chris Carter. Mais non, il laissa le champ libre à Robert Zemeckis pour adapter Sagan un an après The Arrival. Bref ce dernier, en restant collé aux basques de X-Files, a raté le coche à tous les niveaux. Notons toutefois que les considérations climatiques qu’il intègre à son propre complot trouvent davantage de résonance 25 ans plus tard, puisque Twohy y explique le réchauffement climatique par, grosso modo, les besoins extraterrestres en la matière. Une piste à suivre pour les complotistes les plus allumés du XXIe siècle !