CinémaHorreur

Open Graves – Álvaro de Armiñán

opengraves

Open Graves. 2009

Origine : Espagne / Etats-Unis 
Genre : Horreur 
Réalisation : Álvaro de Armiñán 
Avec : Mike Vogel, Eliza Dushku, Ethan Rains, Gary Piquer…

A part surfer, que fait donc une bande d’amis réunis sur le littoral espagnol ? Et bien elle joue à un jeu de société conçu avec une peau de sorcière écorchée vive par Torquemada, offert gracieusement par un inconnu. Ces jeunes insouciants ne prennent pas au sérieux la règle affirmant que le vainqueur aura droit à l’accomplissement d’un vœu. Il n’y a pas plus de raisons pour qu’ils s’affolent à l’annonce des “prophéties”, ces cartes notifiant avec une complaisante cruauté aux malheureux joueurs qu’ils ont perdus. Il faudra que deux d’entre eux passent véritablement l’arme à gauche (le premier avant même la fin de la partie) dans des circonstances évocatrices des prophéties pour qu’ils se rendent compte qu’en fait oui, le jeu du Black Mamba est effectivement moins convivial qu’une dame de pique en réseau.

Avoir été plusieurs fois l’assistant de Pedro Almodovar ne fait pas de vous un espoir du cinéma espagnol. Cela ne vous incite même pas à rechercher l’originalité… Álvaro de Armiñánn réalisateur débutant de Open Graves, en est la preuve vivante, lui dont le film donne l’impression qu’il était prêt à accepter n’importe quoi pourvu d’en être le réalisateur. Car si il y a bien une chose qui caractérise Open Graves, c’est bien cette platitude à la limite du je m’en foutisme avec laquelle le scénario est écrit. Cette histoire de jeu maudit présente plusieurs pièges dans lesquels de Armiñánn plonge tête la première, aussi condamné à réaliser un mauvais film que ses personnages ne le sont à mourir. D’une part, aller inventer un improbable jeu de société datant de l’Inquisition, créé un peu de la même façon que le célèbre Necronomicon dans Evil Dead (livre qu’un des personnages possède d’ailleurs, sauf qu’en version française béotienne il s’agit du “Necromicon”) et se jouant comme un simple jeu de l’oie pour le déplacer dans un milieu de surfeurs écervelés n’est pas forcément le meilleur concept qui soit. Le réalisateur se retrouve ainsi coincé entre clichés de l’Inquisition et imagerie moderne véhiculée par le cadre artificiel dans lequel vivent ses surfeurs. Jamais l’origine du jeu ne parvient à marquer les évènements malgré les divers procédés employés pour rappeler les origines douteuses du “Black Mamba” (un nom qui ne sonne d’ailleurs pas très XVIème siècle). Bombardements d’images furtives sur les tortures subies naguère par la sorcière, lourde insistance sur le plateau de jeu et même usage régulier de la pluie battante… De Armiñánn essaye bien de donner une tonalité sombre à son film, mais en pure perte. Tous ces artifices sont disséminés ici ou là, sans trop de logique autre que la gratuité, et ne peuvent rivaliser avec le criant manque de style du reste (qui inclue quand même un plan de baiser sur fond de coucher de soleil, peut-être le pire cliché romantique du cinéma). Un peu comme si le réalisateur, conscient de la légèreté de son scénario, s’était efforcé sans se faire trop d’illusions de suggérer la présence du fantastique dans un film qui en est singulièrement dépourvu. Ce qui nous amène au second défaut plombant d’Open Graves : passé la partie de Black Mamba, que reste-t-il au scénario ? Rien. Le groupe d’ami est appelé à mourir, sans autre forme de procès. Un simple écrémage de casting digne des slashers, qui s’effectue cela dit sans l’imagination dont peuvent faire preuve les émules de Michael Myers ou Jason Voorhees. Ces morts accidentelles voient déjà l’effet de surprise amoindri par les prophéties du Black Mamba, qui à l’instar des pronostics de Pierrette Bresse pour les bourrins du PMU livrent le nom et l’ordre des victimes, et même une idée de la façon dont ça va arriver. Un quinté+ dans l’ordre, dont on aurait de toute façon pu se passer, tant les caractères simplistes des personnages suffisent déjà à savoir qui est dispensable, qui doit durer un peu plus longtemps et qui doit survivre. Nous avons donc en vrac le photographe grande gueule, tombeur de ces dames sans foi ni loi, ses deux modèles et copines rivales toujours habillées sexy, nous avons aussi le timide assistant du photographe un peu voyeur sur les bords, et enfin nous avons le récent couple composé de Jason (Peter Vogel), le surfeur blond sage et courageux et d’Erica (Eliza Dushku), la surfeuse américaine sage et courageuse.

Les personnages sont donc sans surprise, leur destinée est sans surprise et leur mort ne brille pas par leur inventivité. Devant jouer la même carte accidentelle que ceux des Destination finale, les trépas d’Open Graves oscillent entre le non-évènement (un accident de voiture banal même si il n’est jamais plaisant de flamber sous une citerne), le pittoresque (mourir de vieillesse après avoir pris 60 ans en une nuit) et le ridicule (être dévoré vivant par des crabes après avoir miraculeusement survécu à une chute depuis le haut d’une falaise). Mais ils sont toujours peu amusants. Comme souvent dans ce genre de production voulant ratisser large, le gore est bref et s’ajoute à un érotisme timide, histoire à la fois de ne pas choquer les éventuels distributeurs tout en donnant du grain à moudre aux amateurs de séries B. Tout en employant par ailleurs des effets spéciaux numériques moches (pléonasme) pour quelques serpents et pour des crabes, qui comme souvent sont beaucoup trop lisses et animés avec trop de fluidité pour être honnêtes. De Armiñán aurait pu s’en sortir à meilleur compte si il n’avait pas rendu son film aussi sérieux, et si il l’avait doté d’une bonne dose d’humour noir au second degré comme le faisaient certains slashers à l’ancienne. Or d’humour il n’est pas question ici, quand bien même la présence de surfeurs laissait envisager une certaine dérive façon films d’adolescents, c’est à dire en préférant le vulgaire à l’humour noir. Du coup, si effectivement le scénario est bien trop plat pour réellement exister, au moins évite-t-il les lourdeurs. Ce qui rend le film mauvais mais pas insupportable. Il s’en est cependant fallu de peu pour qu’il le devienne, à cause d’un autre défaut qui cette fois engage la responsabilité du seul réalisateur. Il s’agit de sa mise en scène, qui joue les rôle de cache-misère en tentant de donner de l’impact à ce qui est en dépourvu. C’est l’occasion pour de Armiñán de se lâcher et de composer de fumeux plans à la mode. Le montage à la mitraillette, les effets de ralentis, les décadrages et autres emplacements ostensiblement singuliers de la caméra sont bien entendu de la partie. Difficile de dire si le réalisateur a ainsi voulu imposer son style dès sa première réalisation, quitte pour cela à accepter un scénario aussi inexistant, ou si il a tout bêtement suivi la mode du moment, auquel cas il m’a tout l’air d’être dépourvu de toute personnalité.

Open graves est un mauvais film, il n’y a pas à en dire plus. Une seule scène est digne d’intérêt, c’est à dire qu’elle suscite la curiosité, et c’est celle du dénouement (pour savoir comment ce jeu de l’oie obscurantiste va se finir). Tous ses défauts se retrouvent dans d’innombrables autres productions… Scénario basé sur un prétexte (le jeu médiéval, qu’on pourrait aussi bien remplacer par un tueur, par un animal méchant ou par une maladie peu ragoutante) entraînant quelques morts sans inventivité, personnages sans relief, effets spéciaux numériques mal incrustés, volonté d’être à la mode par tout les moyens, présence en tête d’affiche d’une starlette pour ado en phase “recyclage” etc etc… Le film donne l’impression d’avoir déjà été mille fois vu, tout comme j’ai l’impression d’avoir déjà écrit mille fois cette critique.

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zylo

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