Terminator Renaissance – McG
Terminator Salvation. 2009Origine : Etats-Unis
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On a beaucoup reproché à Terminator 3 d’être encore une fois une simple chasse à l’homme. Il est vrai que faire renaître une franchise en sommeil forcé depuis presque 15 ans pour un sujet déjà traité deux fois avait quelque chose d’une entourloupe. Ceci dit, Jonathan Mostow a bel et bien réalisé un film d’action honorable, et son sujet rabâché ne l’a pas empêché de contribuer à enrichir la vaste histoire de la saga. C’est même peut-être son point fort, puisqu’il nous conduit tout droit à la prise de pouvoir par les machines et au déclenchement de la guerre, évènements auxquels il aurait été dommage de ne pas assister. Tant et si bien que Mostow donnait envie d’un Terminator 4 qui se serait déroulé tout de suite après le déclenchement nucléaire des hostilités, avec les balbutiements de Skynet au pouvoir et la mise en place de la résistance. Las, des années de production difficiles agrémentées de désertions importantes allaient aboutir à un renouvellement total de la franchise. Terminator Renaissance porte bien son nom, mais reste à voir la gueule qu’aura le nouveau bébé. Ses concepteurs ne sont plus les producteurs Andrew Vajna et Mario Kassar mais Victor Kubicek et Derek Anderson, qui à travers leur firme Halcyon Company rachetèrent en 2007 les droits des prochains Terminator. Leur objectif est simple : initier une nouvelle franchise, si possible sous forme de trilogie. Qui dit nouveau départ dit aussi changements en profondeur, et Jonathan Mostow, qui avait déjà commencé à écrire un scénario, fut remplacé par Joseph McGinty alias McG. Niveau casting, Arnold Schwarzenegger aurait de toute façon raté le coche pour cause de mandat politique, tandis que Claire Danes et Nick Stahl, le couple Connor du troisième film, furent remplacés de gré ou de force par Bryce Dallas Howard et Christian Bale. A ces remplacements s’ajoute un scénario de nombreuses fois révisé mais qui cherche tout de même à respecter les différentes étapes narrées dans les films précédents, tout en y ajoutant de nouvelles choses.
Nous sommes en 2003 et le condamné à mort Marcus Wright (Sam Worthington) accepte de laisser son corps à la science. On le retrouve perdu en 2018 au milieu de la guerre entre les machines et l’humanité. Il croise la route de Kyle Reese (Anton Yelchin), un jeune résistant quasiment esseulé qui est sans le savoir au cœur du conflit. Il est en effet une cible prioritaire pour les machines, qui savent que John Connor, un des meneurs de la résistance, l’enverra plus tard dans le passé où il protégera Sarah Connor et lui donnera un enfant, John lui-même. De son côté, le John Connor de 2018 cherche bien entendu à trouver Kyle, son père. Mais n’étant pas encore le leader incontesté de la résistance, il doit faire face aux volontés des dirigeants humains, pour lesquels retrouver Kyle Reese n’est que la lubie d’un prophète autoproclamé. Toujours est-il que Kyle est effectivement menacé, et que la présence de Marcus vient à point pour le protéger et le conduire auprès de John. Sauf que Marcus est un terminator hybride mi-humain mi-machine et que John redoute fort qu’il soit le terminator envoyé pour l’assassiner, comme le lui avait annoncé le T-800 en 2004.
La plus grande qualité des trois premiers Terminator était le décalage existant entre la vision donnée de l’avenir, apocalyptique, et la réalité du présent, finalement minimaliste. D’un côté nous avions l’annonce d’une guerre mondiale ravageuse, avec ses manœuvres, et de l’autre une simple chasse à l’homme impliquant un ou deux terminators. Tout était question de perspectives, et d’une montée de tension allant crescendo, tant au cours d’un même film qu’au cours de la mythologie tracée oralement. Ce qui fait même du premier film le meilleur du lot est -outre la présence de Dick Miller- l’aspect profondément marginal que revêt la chasse à l’homme, plongée dans un monde totalement inconscient de ce qui se trame. Par la suite, en sortant du strict cadre de Connor et leurs alliés contre le terminator, la série a perdu un peu de son côté noir, au profit de scènes d’actions plus conséquentes davantage justifiées par le passage de la série aux rangs des mastodontes hollywoodiens que par une réelle nécessité scénaristique. Il n’y avait cependant rien de trop grave, même si on peut toujours déplorer le côté familial très maladroit véhiculé dans Terminator 2. En se situant en plein dans la guerre de Skynet contre les humains, McG sort largement du schéma habituel. Pourtant, il n’abandonne pas tout à fait le concept de chasse à l’homme : même si il n’a aucunement conscience que cela a un rôle déterminant, l’hybride Marcus Wright protège effectivement Kyle Reese pendant une bonne partie du film, puis cherche à le sauver une fois qu’il est tombé entre les mains de Skynet (qui ne le tue pas tout de suite… pourquoi ? Certainement parce que les scénaristes se sont pris les pieds dans le tapis). Il n’y a vraiment plus aucune utilité à procéder ainsi. McG ne semble utiliser cet épisode et le personnage de Marcus Wright que pour un unique but : vouloir apporter quelque chose à un scénario qui avait déjà été écrit par les films précédents. Ainsi, tout ce qui concerne John Connor et Kyle Reese ne l’intéresse pas beaucoup. Du reste, les deux personnages sont très simplistes : Christian Bale nous grimace encore une fois la mine renfrognée de son Bruce Wayne de Batman Begins (parce qu’il n’est pas encore le chef, c’est toujours un rebelle, mais puisqu’il est irréprochable il le deviendra) tandis que Anton Yelchin profite de la naïveté de son personnage pour jouer les ahuris. Et ce n’est rien comparé à leurs proches respectifs, avec d’un coté Kate Brewster, amenée par le troisième film et qui ne joue ici qu’un rôle passif, et de l’autre Star, tellement inutile que McG en a fait un personnage muet… Reste donc Marcus Wright, et le dilemme qui le caractérise. Il ressent des émotions humaines mais il est une machine, un des premiers modèles de terminators, produit avant même que la guerre n’éclate. A travers lui, McG se pose une question déjà soulevée par James Cameron dans le final larmoyant de Terminator 2 et surtout Ridley Scott du temps de sa splendeur dans Blade Runner : qu’est ce qui différencie un humain d’une machine ? Scott consacrait son film à traiter ce sujet, les personnages contribuant tous à développer un argumentaire.
Le réalisateur de Charlie’s Angels, lui, ne bénéficie pas de ce luxe et il a beaucoup d’autres choses à incorporer à son récit, même si il n’en a pas forcément envie. Par conséquent, cette question morale ne concerne qu’un seul personnage, amené à se prouver à lui-même son humanité. Son statut de condamné à mort n’est dans le fond qu’un moyen pour aborder la question avant même que Marcus ne sache qu’il est un hybride, sauf qu’il se posait alors la question entre l’être humain et la bête sauvage, ce qui revient à peu près au même. La réponse est donnée dans la première scène du film, et par deux fois : lorsque Marcus avoue lui-même qu’il mérite de mourir et lorsque qu’il embrasse son médecin joué par Helena Bonham Carter. L’amour, les sentiments, voilà ce qui différencie l’homme de la machine. Contrairement à Blade Runner, Terminator Renaissance n’est pas une réflexion sur un sujet donné : c’est l’illustration répétitive et prévisible d’un raisonnement rabaissé au niveau de l’aphorisme de comptoir, du même niveau que “la violence c’est mal”. Il n’y a pas l’ombre d’un doute sur ce que choisira Marcus le moment voulu, c’est à dire ou appliquer son programme en assassinant Connor et Reese ou les sauver. Et pourtant, plusieurs fois au long du film, McG a fait mine de faire pencher la balance, notamment en adjoignant à son hybride une femme aimante et prête à risquer sa position auprès de John Connor. Voilà le seul apport du réalisateur à la saga qu’il a pris en main… Le reste de son scénario tente tant bien que mal de concrétiser plusieurs prophéties entendues dans les autres volets. Une tâche largement suffisante pour remplir un film sans s’embêter à rajouter un autre personnage principal comme l’a fait McG. Alors il a beau multiplier les lourdes références aux films passés, en balançant un Schwarzenegger rajeuni (en fait la tête de l’acteur a été appliquée numériquement sur celle d’un doubleur), en ressortant plusieurs répliques célèbres, en plaçant la même chanson de Guns’N’Roses utilisée dans Terminator 2 et par plein d’autres clins d’œil, le réalisateur ne trompe personne : son film cherche à exister par lui-même, et non comme le quatrième volet d’une franchise. Terminator Renaissance est bien un redémarrage à zéro, à inscrire dans la même veine que les “reboots” actuels. Que son prédécesseur se soit achevé sur l’ouverture de la guerre est une aubaine pour s’orienter dans une toute autre direction, y compris au point de vue du style.
A vrai dire, sitôt Terminator Renaissance terminé, une seule impression demeure. Celle d’avoir assisté à un film d’action pétaradant. Tellement pétaradant que les scènes d’action engloutissent les minces restes de la mythologie Terminator. Pas étonnant que McG ait recours à une morale convenue et à des personnages creux : ce sont des ingrédients inévitables des grosses productions tape à l’œil. Pour être un peu mauvaise langue, un réalisateur avec un tel CV n’a pas été choisi pour son habileté à gérer des scénarios complexes. Et il fait donc ce qu’on a probablement dû lui demander : des scènes clinquantes et prétentieuses composées d’explosions, de cascades et de roulés-boulés à n’en plus finir. Du début à la fin le film ne change pas d’un iota : croyant probablement pouvoir se passer d’introduction en raison du travail effectué par ses prédécesseurs, McG a recours aux mêmes scènes répétées encore et encore. Rien n’est naturel dans son film, tout semble avoir été dicté par la volonté d’en mettre plein les yeux. Quitte à inventer des machines consternantes, tel ce Terminator géant ou encore ces moto-terminators. Et tout cela bien entendu avec une mise en scène insupportable. Le réalisateur semble prendre sa caméra pour un personnage à part entière, comme si il réalisait un film 3D… C’est ainsi que pour illustrer le fait qu’un hélicoptère se soit écrasé il trouve bon de placer sa caméra sens dessus dessous pour la redresser finalement, comme si le caméraman avait véritablement été de la partie. Il s’agit de la première scène d’action, et dès sa vision il est très clair que McG ne fera pas dans le classicisme de son prédécesseur Jonathan Mostow (sans parler de Cameron) mais dans le style clip / publicité duquel il est issu. Tout le reste est à l’avenant : fausses implications du style de celle de l’hélicoptère, coupes déchaînées rendant les choses illisibles, mouvements de caméras trop étudiés pour ne pas paraître poseurs etc etc… La surabondance d’effets de la sorte est d’autant plus irritante que les scènes d’action ne varient pas, y compris dans le final où Connor et Marcus doivent affronter des terminators, et interviennent au bas mot toutes les dix minutes, souvent longuement. Entre ces horreurs et une photographie légère qui doit se vouloir avant tout réaliste (les fameuses influences des reportages de guerre) en total conflit avec le côté MTV de la mise en scène, le quatrième Terminator devient franchement saoulant. Partagée entre de tels choix et un scénario déséquilibré entre innovations stupides et étapes attendues, cette renaissance est une nullité. Et dire que ce n’est peut-être que le premier rejeton d’une triplette…