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Starship Troopers – Paul Verhoeven

starshiptroopers

Starship Troopers. 1997

Origine : États-Unis 
Genre : Science-fiction / Guerre 
Réalisation : Paul Verhoeven 
Avec : Casper Van Dien, Dina Meyer, Denise Richards, Michael Ironside…

Starship Troopers est quasiment le dernier film que Verhoeven réalise aux États Unis (oublions le mauvais Homme sans ombre, œuvre commerciale du propre aveu de son réalisateur, qui explore moins ses thèmes de prédilections et atténue les éléments violents et sexuels du film). Donc dans ce film, Verhoeven retrouve le genre de la science fiction, qui lui avait déjà valu deux autres succès outre-atlantique : Robocop et Total Recall.

Il adapte ici le livre éponyme de Robert A. Heinlein (Étoiles, garde à vous ! chez nous). Livre qui est d’ailleurs lauréat du prix Hugo de 1960. L’histoire du film est sensiblement la même que celle du livre : on suit le destin de Johnny Rico, un habitant de Buenos Aires qui s’engage dans l’infanterie mobile. Il gravit peu à peu les échelons de la hiérarchie militaire lors d’une guerre interstellaire qui oppose l’humanité et une espèce insectoïde : les arachnides (“the bugs” en anglais).
Le livre, écrit en 59 par un américain, adopte assez sensément un point de vue anticommuniste en opposant la société individualiste des humains (les “bons”) à celle impersonnelle et sans conscience individuelle des arachnides (les “méchants”). De plus l’auteur (ancien officier de l’ US Navy) reste fidèle à ses convictions et met en avant ses valeurs militaires et de sacrifice patriotique.
Presque à l’inverse, le film de Verhoeven se veut un plaidoyer contre la guerre, propre à créer une humanité fasciste. C’est justement ce sous texte politique mis en parallèle avec la fonction évidente de divertissement, qui fait toute la richesse d’interprétation du film.

En effet Starship Troopers est avant tout un film de science fiction à gros budget, avec quantités d’effets spéciaux et de scènes d’actions. Le budget du film s’élève à 100 millions de dollars, dont 40 rien que pour les effets spéciaux. Le film comporte 600 plans avec des effets spéciaux. Ce sont bien sûr des plans des fameux arachnides, que Verhoeven a voulu biologiquement réalistes. Ce sont des sortes de grosses araignées, qui utilisent leurs pinces et leurs pattes tranchantes pour combattre. Phil Tippett, déjà responsable de l’animation de Ed-209 dans Robocop, est chargé d’animer ces créatures. Son travail est remarquable, notamment lors de ces scènes où l’on voit des centaines d’insectes grouiller vers les héros. Il alterne habilement les insectes numériques et les animatroniques construits à l’échelle. Tous sont doté d’une texture et d’un poids qui les rendent très réalistes à l’écran. Jamais ils n’ont l’air de “flotter” au-dessus du sol. Mais les effets spéciaux concernent également les explosions, les plans comportant des vaisseaux spatiaux et évidemment les mutilations que font subir les arachnides aux humains. Ce n’est pas moins de trois sociétés d’effets numériques qui s’occuperont des vaisseaux et des explosions : Sony Imagework, ILM et Boss Film Studios. Et là encore des plans de maquettes réelles et de vraies explosions seront mixées avec des effets numériques. Les plaies et effets sanglants seront confiés à Kevin Yagher (responsable des maquillages sur Vendredi 13 part 4, Freddy 2 & 3, Hidden, Hellraiser : Bloodline…).

Mais plus que les effets spéciaux, ce sont les nombreuses scènes de bravoure, qu’on pourrait croire directement sorties de comic-books, qui sont responsable de l’aspect “divertissant” du film. La scène la plus représentative de cet aspect comic-book est sans doute celle où le Johnny Rico saute sur le dos d’un monstrueux arachnide, et dans une sorte de rodéo futuriste, arrive à faire exploser la bête en lui introduisant une grenade dans l’abdomen. L’aspect outrancier et exagéré de la scène en fait immédiatement quelque chose des plus réjouissants. De même les plus jeunes spectateurs s’identifieront sans problème au héros, qui a des amis et connaît des déceptions amoureuses comme tout un chacun. De même que l’aspect ironique et publicitaire de ces fausses pages internet que Verhoeven insère dans son film remportera aussi l’adhésion des plus jeunes, qui manquent certainement de recul pour saisir toute la portée critique et subversive du film.

Car évidemment Starship Troopers est un film éminemment subversif, qui utilise de manière judicieuse le genre du film d’anticipation pour illustrer son message. La cible de Verhoeven c’est évidemment la société va-t-en-guerre américaine. Et en quelque sorte son film est bien plus un film de guerre que d’anticipation : On y suit la carrière militaire de jeunes recrues, depuis le camp d’entraînement qui rappelle Full Metal Jacket jusqu’aux batailles et finalement à la victoire.
Le film oppose donc deux armées ayant chacune une hiérarchie militaire (la société des arachnides est composée d’une infanterie, d’insectes volants –l’aviation-, d’insectes cracheurs de feu –les blindés-, d’insectes plasmas –la DCA- et enfin d’un cerveau –le génie militaire-). La société humaine est, elle aussi, militarisée, et même franchement fasciste.

Au début du film Verhoeven nous présente une société utopique où toutes ségrégations raciales, sexuelles ou politiques sont abolies: Garçons et filles se côtoient dans les douches, des noirs obtiennent naturellement les plus hauts grades dans l’armée, et enfin les non-citoyens ne sont pas marginalisés. Cependant si cet état de fait est sans conteste un progrès, les moyens fascistes dont on a usé pour l’obtenir sont plus que discutables: Seuls les militaires peuvent devenirs citoyens et obtenir le droit de vote. On enseigne les valeurs patriotiques, le culte de la violence, de la force, et du développement physique aux jeunes dans des cours « d’histoire morale ». Les jeunes sont tous beaux et forts, et sont vivement encouragés à continuer dans cette voie grâce à la pratique du sport. Tout cet attirail éducatif décrit dans le film n’est pas sans rappeler le lavage de cerveau effectué par les hitlerjungend dans l’Allemagne nazie. De même les jeunes sont poussés par les adultes à aller se sacrifier au combat, pour le bien de la communauté. Bien sûr on aurait tort de croire que Verhoeven cautionne ce système, bien au contraire, il s’empresse d’en montrer les dégâts: tous les adultes du film ont subit des mutilations (Rasczak est manchot, le professeur de biologie aveugle, et l’agent du recrutement cul-de-jatte, seuls les parents de Johnny, non-citoyens, n’ont pas perdu de membres.) suite aux guerres. Pourtant, complètements formatés, ils continuent à glorifier les valeurs guerrières. De même les jeunes sont pressés d’aller au combat, quand bien même ils voient tous leurs amis mourir. Verhoeven montre la guerre sous ses aspects les plus horribles: on y voit des hommes décapités, éviscérés, brûlés et tués de la plus horrible des façons. En fait le film nous tend une sorte de piège, l’aspect futuriste de l’intrigue, les arachnides (symbole évident de la diabolisation qu’on fait de l’ennemi dans toutes les guerres, alors qu’en fait les recrues humaines sont infiniment plus proches des parasites que de ceux qui les gouvernent et les envoient à la mort) et même les « fausses pubs » propagandistes de Verhoeven, tendent à transformer la guerre en une sorte de spectacle ou d’aventure passionnante. Et finalement Verhoeven nous en montre là le danger, combien il est facile de haïr un ennemi qui n’est plus humain, combien il est facile d’adhérer aux idéaux fascistes qui glorifient le courage et le sacrifice (à ce titre la musique guerrière et épique de Basil Poledouris est utilisée de manière très pertinente par Verhoeven). Finalement le film tend à prouver que la guerre risque de faire de chaque être humain un fasciste s’il n’a pas le recul et l’esprit critique nécessaire.

Le film est ainsi rempli de symboles qui font le parallèle entre la société américaine et les sociétés fascistes. L’utilisation du symbole de l’aigle par exemple, qui dans le film rappelle l’aigle nazi bien sûr, mais qui orne également la moitié des pièces américaines, ainsi que les bannières utilisées par l’empire romain, autre superpuissance guerrière qui rappelle les Etats Unis. Le fait de vêtir les officiers américains du film de combinaisons noires héritées des nazis n’est pas innocents non plus. Verhoeven profite aussi du film pour critiquer les dérives de la peine de mort (avec cette scène ou un condamné est arrêté le matin, jugé l’après midi et sera exécuté le soir) ainsi que l’utilisation de la violence à des fins propagandistes par les médias (cette même exécution retransmise à la télévision, ou cette scène ou un caméraman continue de filmer complaisement un journaliste se faisant dévorer).

Bref à nouveau Verhoeven n’a pas fait de concessions, et il n’est finalement pas étonnant que ce violent plaidoyer contre la guerre et ses conséquences ait été un tel échec commercial. Bien qu’il ait été compris de travers par la majorité des critiques, Starship Troopers n’est de loin pas le film fasciste que certains on cru voir, au contraire il est même l’un des rares films à critiquer de manière aussi violente le système dans lequel il a été produit. Un film rare, comme on risque de ne plus en voir beaucoup.

4 réflexions sur “Starship Troopers – Paul Verhoeven

  • sam gray

    J’ai bien aimé le film, qui joue sur les deux tableaux, celui du divertissement jouissif avec des scènes d’actions qui en font encore voire aux films d’actions d’aujourd’hui avec de la violence et du gore decomplexé et de l’autre celui de la satire qui se moque des états unis, sous cette federation avec sa propagande qui ridiculise la manière dont les américains se voient a travers leurs médias. le film connaitra deux suites, en live de qualité inégales même si je préfère staship troopers 2 et deux autres suites en film d’animation, qui gagne en fluidité ce qu ils perdent en subversivités.

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  • Je reviens sur ce film à nouveau pour parler un peu plus en détail de Starship Troopers 2. Sorti en 2004 et réalisé par Phil Tippett, grand nom des effets spéciaux visuels, il s’est occupé de ceux de Star Wars, Robocop 1, 2 et 3, Piranhas, Willow (un film que je considère supérieur au Seigneur des anneaux), son premier et dernier film se sont fait descendre par la critique et les fans du premier film, alors que c’était immérité.

    Starship Troopers 2 part avec un gros handicap, à savoir un budget de 7 millions de dollars contre près de 100 millions pour le premier. Or il est impossible qu’avec un tel budget et le peu d’expérience à la réalisation de son réalisateur, ce film puisse surpasser le chef d’œuvre de Paul Verhoeven.

    Aussi Phil Tippett a t’il l’idée de faire un huis clos où des soldats de la fédération sont coincés dans un avant poste par des milliers d’arachnides, inconscient d’une menace à l’intérieur d’un lieu qu’ils estiment sécurisé. Le film a la bonne idée de jouer sur la promiscuité, et la tension et la paranoïa s’installent petit à petit. En cela, cette suite a plus à voir avec The Thing de John Carpenter qu’avec le film de Verhoeven. La menace devenant de plus en plus présente, l’avant poste devient finalement un piège qui se referme sur ses occupants, coincés entre le marteau et l’enclume (les arachnides qui attendent à l’extérieur).

    Phil Tippett a eu raison de jouer sur le suspense et la tension plutôt que de privilégier l’action, que l’on aurait pas manqué de comparer en sa défaveur au premier film. C’est une mauvaise idée de comparer Starship Troopers de Paul Verhoeven à ce film, les intentions ne sont pas les mêmes et les moyens et l’inexpérience du réalisateur en limite sa portée. Il reste une excellente série B qui mérite d’être réhabilitée.

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  • A mon sens, on ne se lance pas dans une suite si l’on craint d’être comparé au film original. C’est un faux débat. Tout comme la faiblesse du budget, inhérente à la production et à l’exploitation envisagée du film, en l’occurrence le marché de la vidéo. Phil Tippett s’est lancé un défi (il n’est d’ailleurs plus jamais passé derrière la caméra après ça) et ton ressenti semble prouver qu’il a en partie réussi son pari.

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  • J’ai aimé ce qu’a proposé le film. C’est un peu Alien par rapport à Aliens, plus dans l’horreur que dans l’action, plus dans le premier degré que dans la satire. Pour moi, les deux Starship Troopers se complétent à leur façon. Par contre Starship Troopers 3, rien a sauvé. J’ai un peu plus aimé les deux films d’animation qui permettent ce que les tournages en dur ne pouvaient plus offrir, une virtuosité dans la mise en scène, et des scènes d’actions dantesques.

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