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Sin City – Robert Rodriguez & Frank Miller

Sin City.2005.

Origine : États-Unis
Genre : Comic animé
Réalisation : Robert Rodriguez et Frank Miller
Avec : Bruce Willis, Mickey Rourke, Clive Owen, Jessica Alba, Josh Hartnett, Carla Gugino.

Ville sombre et suintante, Sin City est l’écrin des pires turpitudes. Quatre histoires particulièrement violentes s’entremêlent ici, quatre destins à la violence exacerbée et à l’issue souvent funeste.

Depuis ses débuts avec El Mariachi en 1992, série B fauchée mais dotée d’une bonne humeur communicative, Robert Rodriguez promène une réputation de gentil dilettante à Hollywood, conduisant sa carrière sans réelle ligne directrice. Jusqu’au récent Machete, le bonhomme alterne les bandes joyeusement gores (Une nuit en enfer, Planète terreur) et les films ouvertement grands publics (la saga Spy Kids, Les Aventures de Shark boy et Lava girl), sans qu’on y décèle une autre ambition que celle de l’amusement pur. Robert Rodriguez est un grand enfant qui a trouvé en Quentin Tarantino le compagnon de jeu idéal puisque comme lui, il s’émerveille d’un rien. Cependant, là où Tarantino est parvenu à imposer une “patte” reconnaissable entre toutes, Robert Rodriguez n’a quant à lui qu’une fidélité envers ses comédiens à faire valoir en guise de style. Sin City ne déroge pas à la règle puisque au côté de quelques grands noms qui claquent sur une affiche (Bruce Willis, Clive Owen, Benicio Del Toro) on retrouve une poignée d’habitués comme Carla Gugino (les Spy Kids), Elijah Wood ou encore Josh Hartnett (The Faculty).

A sa manière, Sin City vaut exception dans la carrière de Robert Rodriguez puisque répondant à un réel désir de retranscrire un comic qu’il apprécie tout particulièrement. Ayant une parfaite vision de ce qu’il voulait faire, il a mis en boîte une scène –la première– avec laquelle il est allé démarcher les studios Dimension Films pour leur donner un aperçu de la direction envisagée. Assuré de leur soutien, il a pu se lancer pleinement dans l’aventure en étroite collaboration avec l’auteur du matériau d’origine, Frank Miller en personne. Néanmoins, derrière ce sérieux apparent se cache encore et toujours une notion de jeu. En retranscrivant tel quel les comics de Frank Miller –un noir et blanc très travaillé rehaussé de quelques touches de couleur pour mettre en lumière certains détails–, Robert Rodriguez ne témoigne pas seulement d’un flagrant manque d’imagination mais également d’une volonté d’innover dans le domaine des effets spéciaux. S’étant déjà par le passé confronté aux effets spéciaux à base de fonds verts, Robert Rodriguez a décidé de profiter de l’occasion pour ne tourner un film qu’avec leur apport soutenu par un filmage en caméra haute définition, en une sorte de défi technique. Sin City s’impose donc comme un parangon de la post-production rendant presque accessoire le travail en plateau. Pourtant nanti d’une distribution que plus d’un réalisateur lui envierait, Robert Rodriguez n’a pas cherché à les réunir tous, jonglant avec leurs emplois du temps chargés. De fait, bon nombre des comédiens ont tourné leurs scènes indépendamment les uns des autres, faisant face à des doublures pour figurer leur partenaire ultérieurement inséré au montage. A l’écran, l’illusion est parfaite mais laisse rêveur quant aux implications que pourrait avoir la généralisation d’un tel procédé, ôtant toute l’alchimie qui peut naître entre deux acteurs. Dans le cas présent, ce n’est pas dommageable dans la mesure où les personnages ne sont que des archétypes qui n’ont rien d’autre à proposer que leur simple présence. Si leurs atermoiements nourrissent l’action, à aucun moment ceux-ci ne sont vecteurs d’émotion. C’est l’inévitable contrecoup d’une telle entreprise qui place l’aspect esthétique au-dessus du reste. Robert Rodriguez se contente d’animer les pages créées par Frank Miller sans leur apporter plus de profondeur. Il en résulte de belles images, mais le plus souvent lorsqu’elles demeurent fixes. En mouvement, et notamment lors des scènes de poursuites automobiles, l’image donne l’impression de sauter en un accéléré disgracieux. En outre, à coller bêtement au comic, Robert Rodriguez oublie que certains détails passent mieux à l’écrit qu’à l’écran. Je pense à ces voix off omniprésentes semblant orienter le film dans un récit introspectif. Certes, il s’agit là d’une convention du film noir. Il n’empêche que leur abondante utilisation contribue à alourdir le récit en surlignant de trop certaines scènes –les bagarres, notamment– qui auraient très bien pu s’en passer. Par ailleurs, à se scinder en trois parties distinctes, même si de vagues passerelles tentent maladroitement de les lier l’une à l’autre (par exemple, la même ferme abrite au même moment l’horrible violeur de “Cet Enfant de salaud” et l’assassin anthropophage de “Adieux sauvages” sans que le déroulement de l’une empiète sur celui de l’autre), le film perd en efficacité en enchaînant des histoires finalement assez proches à base de vengeances, sévices corporels et autres fusillades. Alors entre actions improbables (Marv qui se meut comme Hellboy, démolissant tout sur son passage sans que son corps ait trop à en souffrir) et violence tellement systématique qu’elle en devient inoffensive, Sin City se traîne péniblement jusqu’à son terme, offrant juste le fugace plaisir de retrouver quelques acteurs devenus rares à l’écran comme Rutger Hauer et Power Boothe.

Une fois encore, Robert Rodriguez fait montre d’un flagrant manque de personnalité, docile illustrateur de comics à succès. Si la réussite esthétique de l’entreprise est indéniable, quoique les gerbes de sang d’un blanc étincelant ne brillent pas par leur beauté, Sin City n’en demeure pas moins un film totalement creux et sans saveur. Au moins les autres films de Robert Rodriguez présentaient l’avantage d’un second degré assumé or dans le cas présent, comme s’il avait conscience de marquer une étape dans l’histoire du cinéma, le réalisateur fait preuve d’un sérieux inébranlable. Une posture d’autant plus amusante que par la suite, il a renoué avec les potacheries gores. Quant à Sin City, il n’a jusqu’à présent fait qu’un émule en la personne de Zack Snyder qui avec 300 a repris à son compte les partis pris serviles de Robert Rodriguez, pour un résultat tout aussi médiocre.

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