Scream – Wes Craven
Scream. 1996Origine : États-Unis
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La mauvaise foi qui est en moi m’incite à clamer volontiers que Scream est une grosse merde. Le film le mérite, non pas en lui-même mais à cause de tout ce qu’il a provoqué : environ cinq très longues années pendant lesquelles le cinéma d’horreur, désormais sorti de son ghetto public, s’en est allé racoler la jeunesse de moins de douze ans à base de films stupéfiants de nullité crasse, bourrés d’acteurs “tendance”, de bellâtres gominés dignes de figurer sur les murs des pisseuses prépubères ou de sex symboles féminines venues récolter les prémisses de la gloire. Des slashers débilitants, plats et propres sur eux, que, la mauvaise foi aidant, l’on accuserait même sur notre lancée d’avoir provoqué la retraite de grands noms du genre horrifique, le reniement de certains autres (dont Wes Craven), voire même carrément la drastique baisse du nombre d’électeurs communistes ! Tout ceci à cause de l’énorme succès rencontré par le Scream de Wes Craven. Un succès énorme qui ne fut pourtant pas calculé : aucun des acteurs n’avait alors vraiment accédé au rang de star, à part peut-être Drew Barrymore (à la limite d’être has been depuis ses 8 ans et son rôle dans E.T.) et Courteney Cox, qui commençait alors tout juste à apercevoir la gloire que lui donnera la série Friends. Le scénariste, Kevin Williamson, était alors un complet débutant et le réalisateur, Wes Craven, était alors plus que jamais dans le creux de la vague, duquel il n’avait même pas réussi à sortir avec son Freddy sort de la nuit. Le budget était certes assez conséquent (14 millions de dollars), mais en tout cas Dimension, la firme productrice, filiale de Miramax, n’était pas encore ce qu’elle est devenue, et si elle avait quelque expérience dans le domaine de la distribution, ses productions se limitaient alors surtout à des séquelles : Les Démons du maïs 2 et 4, Hellraiser 4, The Crow 2… Plus tout de même Une nuit en enfer, de Robert Rodriguez. Pas de quoi hurler au futur blockbuster, a priori. Le sujet du film ne faisait après tout que reprendre un genre en berne depuis une demi-douzaine d’année, le slasher, en l’encadrant certes d’une démarche particulière, en prolongement de celle menée par Craven dans Freddy sort de la nuit. Ce dernier se révéla l’occasion pour Craven de disserter avec plus ou moins de réussite sur le statut de mythe acquis par sa propre création, Freddy Krueger, ainsi que de démontrer à quel point lui-même, Wes Craven, ainsi que tous les participants majeurs de la saga, étaient encore prisonniers de Freddy et de son succès, dans l’incapacité de faire autre chose que de l’horreur (ce qui était le rêve de Craven, ne serait-ce que pour un film). Un échec au box office, qui contribua certainement à aigrir un peu plus notre pauvre vieux Wes.
Alors avec Scream, s’appuyant sur le scénario de Kevin Williamson, il nous rejoua encore le coup de l’étude d’un genre, mais cette fois de façon bien plus parodique, bien moins personnelle et surtout bien moins maline. En effet, Craven et Williamson cherchent ici à se moquer quelque peu des conventions d’un genre aussi futile que le slasher, sans pour autant le dénigrer outrageusement (il aurait même plutôt tendance à le défendre dans le final, puisque les motivations du tueur ne relèvent pas du “trop plein” de cinéma horrifique). Les références aux classiques du genre, et même au cinéma d’horreur en général, sont nombreuses et servent souvent de support aux rebondissements de Scream. Ainsi le premier quart d’heure, nous dévoilant la destinée d’une jeune femme incarnée par Drew Barrymore, résume presque à elle seule l’intégralité du film : persécutée par un maniaque au téléphone, la blonde platine se voit sommée de répondre à des questions relatives aux films d’horreur, sous peine de voir son copain assassiné, avant qu’elle même ne soit forcée à passer l’arme à gauche. Tout ceci en écoutant également les conseils du mystérieux interlocuteur tueur, qui lui dicte de ne pas céder à tous les poncifs qui rendent la tâche des tueurs de slashers si aisés. Michael Myers est cité, Jason Voorhees également, et même Freddy y aura droit, bien qu’il ne soit pas à proprement parler un tueur classique (Les Griffes de la nuit contribuèrent même à insuffler un nouveau souffle à un genre plombé par les conventions). N’y voyons là que l’un des clins d’oeil adressés par Craven à son public et à sa propre “créature”, chose qu’il fera régulièrement tout au long du film, jusqu’à apparaître lui-même devant la caméra, dans le rôle d’un balayeur grimé avec le vieux pull vert et rouge de Freddy Krueger, nettoyant le couloir vide d’une école et évoquant ainsi l’une des plus remarquables scènes des Griffes de la nuit.
Tout le reste du film se déroule donc au fur et à mesure de l’énonciation des règles des slashers : rester vierge, ne pas boire ou se droguer, ne pas partir chercher des bières tout seul, n’avoir confiance en personne (puisque contrairement aux Halloween, aux Vendredi 13 ou aux Freddy, Scream prend la forme d’un “whodunit”), ne pas chercher à voir d’où vient l’étrange bruit que l’on entend, ou encore ne pas demander “qui est là ?”. Le film se révélera de temps en temps original dans le sens où certaines fois les règles sont transgressées sans qu’elles ne prêtent à conséquence. Mais loin d’être systématiques, ces désobéissances peuvent tout autant entraîner la mort. Malgré tout, il faut bien admettre que le scénario de Scream est extrêmement lourdingue, et que les références cinématographiques sont citées à tour de bras, textuellement ou visuellement. Les gros cons du casting ne font qu’étaler leur science du cinéma, et encore, puisque le Halloween de Carpenter est évoqué tant est plus, au détriment d’autres oeuvres, ce qui nous incite à croire que ces jeunes glandus ne connaissent finalement pas grand chose. Il faut préciser de toute façon que tous les personnages du film sont d’emblée insupportables : l’héroïne, Sydney Prescott (Neve Campbell) agace par l’évocation récurrente de son trauma personnel (sa mère morte assassinée il y a un an), la journaliste, Courteney Cox peine énormément à se montrer sous le jour le plus sournois de la paparazzi qu’elle est, David Arquette joue à l’imbécile et, certainement le pire, Matthew Lillard dans la peau du gesticulant comique de service donne envie d’être fan du petit gros à la coiffure touffue qui était le guignol du sombre Vendredi 13 chapitre 3.
Et puis il y a le tueur. Qui est-il ? Car là est l’intérêt, non ? Et bien non : Craven et Williamson veulent avant tout faire leur petite parodie, et à ce titre l’explication finale sera pour le moins tirée par les cheveux, tout comme le fut le traitement du tueur pendant tout le film, avec son accoutrement stupide, sa faculté à se prendre tout et n’importe quoi dans la gueule (quel maladroit !) et sa magique tendance à disparaître non pas des lieux des crimes, mais des crimes eux-mêmes ! Pas de meurtres à l’horizon pendant presque une heure de film : ce qui força le producteur Bob Weinstein à demander à Craven et Williamson d’en rajouter un autre dans le scénario. Une addition artificielle qui saute aux yeux lorsqu’elle arrive, puisqu’elle est presque complètement inutile au scénario et qu’elle touche un personnage qui n’a aucun lien direct avec les personnages principaux.
Subsistent quand même quelques bonnes idées, comme de faire de la vague de meurtres un prétexte aux manifestations rigolardes des lycéens, qui se grimeront comme le tueur (dont le déguisement à été révélé par la presse) pour taquiner l’héroïne, ou encore l’habile intégration de la musique de Halloween pour une scène de meurtre dans laquelle la future victime est justement en train de regarder Halloween (d’où la présence “naturelle” de la musique). De bons effets de mises en scène viendront également parfois rompre la monotonie d’un film dans l’ensemble assez ennuyeux, beaucoup trop propre et certainement trop focalisé sur ses modèles, le plaçant à mi-chemin de la parodie ouverte et du vrai slasher. Scream ne méritait certainement pas un tel engouement à sa sortie. Il ne méritait pas non plus de devenir le précurseur de tout un tas de merdes finies. Dans la filmographie de Wes Craven, il apparaît dans la moyenne, pile entre plusieurs très grandes réussites et plusieurs infâmes cochonneries.
Cela a été le premier film que j’ai vu au cinéma. Il m’a fait grande impression et ne connaissant pas les codes des slashers, j’ai été tendu quand ghostface apparaissait.
Maintenant, le temps passant et près de 25 ans se sont écoulés, les films d’horreurs dont les slashers, me font rarement de l’effet. Mais je renie pas cette période, parodique peut-être, mais ayant l’air plus maitrisée que certains films des années 80.
Le fait que l’on soit à Scream 5, qui a très bien marché, montre qu’il y a encore un engouement pour ce genre de film, à défaut d’innovations réelles sur la saga Scream.
Au moins dans le cas de Scream (dont le sixième opus est annoncé), je ne sais pas si c’est véritablement le genre en lui-même qui continue à susciter l’engouement ou bien si c’est la nostalgie du public d’époque, alliée au poids commercial qu’est un titre bien connu. Probablement un peu des deux… J’ai tout de même du mal à détacher Scream 5 de la vague de remakes / reboots / séquelles tardives qui fleurissent et couvrent tous les (sous-)genres.
Un mélange des deux.Il n’ y a plus la mise en abyme, la relève tarde avec des tueurs caricaturaux, et le casting restant s’effiloche. J’ai vu le reboot de Chucky qui est comparable à Scream vu qu’il a passé des décennies. Ça le fait pas vraiment mais y a quand même un humour noir, et la série qui suit les aventures de Chucky souffre du meme problème que Scream, des nouveaux personnages fadasses, des histoires qui tournent en rond et un casting d’origine qui fait de la figuration.
Halloween est le cas le plus triste, réécrivant son histoire, là où Chucky et Scream l’assumaient. Il se casse la figure et reste accroché au film de Carpenter, sa malédiction de tourner comme un disque rayé, peut-être Carpenter devrait-il tuer sa créature définitivement, Rob Zombie et David Gordon Green ayant assez joué avec son cadavre.
C’est d’autant plus triste pour Halloween que le personnage de Michael Myers gagnait à avoir d’autres justifications que d’incarner le mal pour lui-même. Nous dévoiler son passif n’est clairement pas l’idée du siècle. Surtout si c’est pour au final en venir à rebooter les reboots…
Le traitement par Rob Zombie, aussi novateur soit-il pour le personnage de Michael Myers, m’a rebuté. Je le préfère encore larbin d’une secte dans Halloween 6. Mais dévoiler le passif d’une incarnation du Mal, c’est à se casser les dents, la preuve avec Hannibal Lecter.
A quand un film sur le passé d’Anton Chighurh, le tueur de No Country for the old Man ?