Saturn 3 – Stanley Donen
Saturn 3. 1980.Origine : Royaume Uni |
Alors qu’il a raté les tests mentaux qui lui auraient permis de partir en mission, Benson tue le Capitaine James et se substitue à lui pour rejoindre Saturn 3, une station expérimentale en recherches alimentaires. Sur place, il est accueilli par Adam et Alex, deux scientifiques qui travaillent sur place depuis 3 ans. Passablement désagréable, Benson se pose en homme providentiel. Alors que le travail fourni sur Saturn 3 tarde à porter ses fruits, il présente aux deux scientifiques la solution miracle qui devrait tout résoudre, le robot dernier cri Hector. Or, connecté à l’esprit dérangé de Benson, Hector ne tarde pas à montrer de sérieux signes de dysfonctionnements. Pis, il acquiert bientôt sa propre conscience et décide de gérer la station à sa manière.
Voir le nom de Stanley Donen, plus connu pour ses comédies musicales (Chantons sous la pluie en collaboration avec Gene Kelly) ou ses fantaisies policières (Charade), rattaché à un film de space opera en dit long sur l’incroyable engouement né de l’improbable succès de La Guerre des étoiles. Depuis cette date, les films de science-fiction se déroulant dans l’espace se succèdent à un rythme soutenu alors qu’ils avaient été si peu nombreux suite à la sortie de 2001, l’odyssée de l’espace (Silent Running, Dark Star), peut-être trop intimidant par sa portée métaphysique et sa beauté plastique. Rien de tel avec le film de George Lucas qui au contraire désinhibe les studios au point qu’ils confient certains de leurs projets à des réalisateurs débutants. Responsable de la production artistique sur Orange mécanique, La Guerre des étoiles ou encore Superman, John Barry se voit donc offrir l’opportunité de réaliser son premier film. Or des différends artistiques, selon la formule consacrée, conduisent à son limogeage au profit de Stanley Donen, jusque là simple producteur, et qui récupère le bébé au pied levé. De son côté, John Barry n’a guère le temps de ruminer sa frustration puisqu’il intègre presque dans la foulée le tournage de L’Empire contre-attaque en qualité d’assistant réalisateur. Une aubaine dont il ne profitera pas pleinement, emporté en cours de tournage par une méningite le 1er juin 1979. Saturn 3 ne lui est pas dédié et il paraît difficile, encore aujourd’hui, de savoir ce que le produit fini contient de son apport.
Saturn 3 laissera sur sa faim les amateurs d’explorations spatiales. Le film ne propose pas d’explorer de nouveaux horizons, si ce n’est brièvement les environs de Saturne lors de l’arrivée de Benson à bord de sa navette. Les plans de l’immensité spatiale se font rares, et l’un d’eux – le plan introductif – reprend sans vergogne le plan d’ouverture de La Guerre des étoiles (il est peut-être à chercher là, l’apport de John Barry !). Dans La Folle histoire de l’espace, Mel Brooks parodiera ce même plan, preuve de son fort pouvoir de sidération sur le spectateur. A défaut d’arpenter la galaxie, Saturn 3 prend le parti minimaliste de confiner les personnages – au nombre de trois – aux intérieurs de la station expérimentale de recherches alimentaires qui lui donne son nom. Un endroit austère et fonctionnel dans lequel s’épanouit néanmoins l’amour qui unit les deux scientifiques rattachés à la station depuis 3 ans. Un amour en vase clos, seulement perturbé tous les 6 mois par une communication avec la Terre afin de rendre compte de l’avancée de leurs recherches. Or leurs résultats tardent à être concluants, alors qu’une famine exponentielle frappe les Terriens, sans qu’en soient précisés les motifs. Surpopulation ? Nature dévastée ? Le flou demeure à la différence des mœurs terriennes sur le plan de la sexualité. La monogamie devient socialement condamnable, invitant donc les Terriens, si ce n’est à partager leurs biens et leur nourriture, à au moins partager leurs partenaires. A la différence d’Alex, Adam a connu la vie sur Terre et se réjouit de son petit paradis dans les bras d’une jeune femme qu’il a tout à lui. Alex, interprétée par Farrah Fawcett dont le nom s’affiche en premier lors du générique fort de la popularité gagnée en une saison de la série Drôles de dames, n’y trouve rien à redire et se satisfait fort bien de cette exclusivité. Ce qu’elle ne manque pas de préciser à un Benson un peu trop insistant à son goût et peu enclin au romantisme. En guise de déclaration d’amour, Alex doit se contenter d’un “Vous avez un beau corps. Je peux l’utiliser ?” qui en dit long sur la manière dont l’homme considère la femme dans cet univers là. Au sein de ce cocon d’amour, Benson est le ver dans le fruit. Non pas qu’il soumette Alex à la tentation – ses sentiments pour Adam sont trop purs pour ça – mais en poussant Adam à ressentir de la jalousie envers cet homme qui a la jeunesse pour lui. Alors âgé de 63 ans, Kirk Douglas écarte toute pudeur en n’hésitant pas à se montrer dans le plus simple appareil, dévoilant un corps toujours svelte sous toutes les coutures – ou presque. Cependant, si le comédien porte toujours beau et le fait savoir, son personnage prend soudain conscience que l’idylle qui le lie à Alex touche à sa fin, pas tant à cause de leur différence d’âge, mais parce que leurs employeurs ne les ont pas oubliés et qu’ils souhaitent à terme remplacer les éléments dispensables – ou du moins obsolètes – par des robots dernières générations. L’univers dans lequel les personnages s’ébattent se révèle bien peu portée sur le sentiment et la froideur dont fait preuve Benson en toutes occasions pourrait bien être devenue la norme.
Dans ce contexte, le robot baptisé Hector et issu de la série demi-dieu (notez toute la subtilité de la référence mythologique, laquelle nous sera rappelée à de nombreuses reprises par Adam pour les deux du fond qui n’auraient pas compris) tend à souligner cette idée d’une déshumanisation galopante. Pourtant en soi, Hector ne représente pas un danger. Il le devient parce qu’il est mentalement connecté à Benson et que les idées et les obsessions de celui-ci deviennent les siennes. Même lorsqu’il s’affranchit de toute tutelle humaine, Hector demeure dépourvu de personnalité, reproduisant la voix des uns et des autres pour s’exprimer. Le robot n’est donc pas un personnage à part entière. Il est plutôt le passager clandestin, celui qu’on n’attendait pas et qui débarque sans crier gare à la manière de l’alien dans le film de Ridley Scott. Un monstre filmé comme tel, savant mélange entre la créature de Frankenstein et le Golem. A sa suite, Saturn 3 verse dans l’horreur. Une horreur néanmoins contrariée par la rigidité de la machine. Si Hector dispose d’un corps à tendance humanoïde, il n’en a pas la souplesse. De même, ce qui lui tient lieu de tête ressemble davantage à la partie lumineuse d’une lampe de bureau qu’à la boîte crânienne classique, son cerveau artificiel se logeant dans son tronc. Stanley Donen recourt donc à quelques effets chocs (un animal éventré, un main coupée) pour surprendre le spectateur mais ne parvient pas à rendre angoissant le jeu du chat et de la souris qui s’engage entre l’Homme et la machine. Dans ce registre, Kirk Douglas montre qu’il a encore de l’énergie à revendre et Farrah Fawcett qu’elle aura bien du mal à exister autrement que par sa plastique. Son personnage multiplie les toilettes, et parmi elles quelques nuisettes aux charmes volatils, et se retrouve filmé uniquement sous le prisme d’un objet de plaisir, de désir et de convoitise. Alex concentre l’attention de ces messieurs, hommes et robot confondus, demoiselle constamment en détresse dont le hurlement strident constitue la réplique de prédilection. Son sort agit en trompe-l’œil, fugace illusion d’une liberté retrouvée avant de goûter aux joies de la vie sur Terre et d’une nouvelle subordination à l’homme.
A sa sortie, Saturn 3 n’a rencontré que moqueries, lesquelles se sont matérialisées en nominations aux razzies awards dans les catégories pire film, pire acteur et pire actrice. Des réactions pour le moins excessives certainement liées pour une bonne part au design du robot et à son traitement désinvolte dans le film. Saturn 3 paie surtout son manque d’originalité et l’apport inexistant d’un réalisateur pas vraiment à sa place. Cependant, le film tient plutôt bien la route dans sa première partie et esquisse des pistes intéressantes concernant les rapports qui pourraient se nouer entre Adam, Alex et Benson avant de céder à un spectaculaire inopérant à la suite de l’éveil du robot. Une série B friquée au ton trop sérieux compte tenu de ce qu’il a à proposer mais pas désagréable à suivre.