S.O.S fantômes : L’Héritage – Jason Reitman
Ghostbusters Afterlife. 2021.Origine : États-Unis
|
Il y a des films dont la pérennité dépasse l’entendement. Prenons le cas de S.O.S fantômes, par exemple. Rien ne le prédisposait à marquer aussi durablement les esprits, voire l’histoire du cinéma (n’ayons pas peur des mots), lorsqu’il fit son apparition sur les écrans nord-américains le 8 juin 1984. Auteur de comédies lourdingues (Arrête de ramer, t’es sur le sable, Les Bleus) mais néanmoins plébiscitées par le public américain, Ivan Reitman n’avait pas bonne presse. Et ne l’aura guère davantage pour la suite de sa carrière, si ce n’est peut-être une once de bienveillance au moment de Président d’un jour voire 6 jours, 7 nuits. Au niveau des comédiens, si Dan Aykroyd pouvait déjà s’enorgueillir de la paternité des Blues Brothers, autre film culte des années 80, son alter ego Elwood Blues demeurait plus connu que lui. Tout comme Sigourney Weaver qui devra attendre Aliens, le retour pour que Ellen Ripley devienne l’égale de la créature dans l’esprit des gens. Ce n’est donc pas sur les noms de ses principales composantes que s’est forgé cet improbable succès mais plutôt sur cette incroyable alchimie entre une troupe d’acteurs complices et dominée par la personnalité pince-sans-rire de Bill Murray, un fond fantastique traité avec déférence et un humour grinçant. Forcément, un succès pareil appelle à être dupliqué. Particulièrement attaché au film et à ses personnages, Dan Aykroyd ne se fait pas prier – au contraire d’un Bill Murray toujours prompt à souffler le chaud et le froid lorsqu’il s’agit de reprendre le rôle de Peter Venkman – et remet le couvert avec son complice Harold Ramis pour un S.O.S fantômes 2 qui voit le jour 5 ans plus tard. L’effet de surprise n’est plus – et l’aspect répétitif de l’intrigue n’aide pas – mais le capital sympathie de la troupe et quelques trouvailles éparses suffisent à sauver l’essentiel. De là à attendre un troisième opus, il ne faudrait pas pousser. Pourtant, Dan Aykroyd caresse longtemps cet espoir, auquel le décès de Harold Ramis met un rude coup. C’est donc sous la forme d’un reboot que les chasseurs de fantômes reviennent. Pardon, les chasseuses de fantômes puisque la principale nouveauté de ce S.O.S fantômes cuvée 2016 (la seule ?) tient à la féminisation de son casting. Résultat, une interminable pantalonnade hystérique à laquelle participent les principaux acteurs de la franchise d’origine. Réduits à des caméos et à jouer d’autres personnages, leur présence ajoute à la tristesse du spectacle. La chasse aux fantômes, les gadgets hi-tech et le côté potache ne seraient rien sans l’apport des personnages. Quand le public veut voir un S.O.S fantômes, c’est avant tout pour sa bande de bras cassés, les Egon, Peter, Ray et autre Winston. C’est donc sur cette promesse que s’est monté S.O.S fantômes : L’Héritage. Un héritage aussi bien derrière la caméra puisque c’est le propre fils d’Ivan Reitman qui s’y colle, lui qui encore enfant jouait l’un des gamins se moquant de Ray et Winston venus animés une fête d’anniversaire, que devant avec l’invention d’une descendance à Egon, pas le plus porté sur le sexe.
Callie élève seule ses deux enfants et éprouve les pires difficultés à joindre les deux bouts. A l’annonce du décès de son père, elle accueille la nouvelle avec l’indifférence d’une fille qui a depuis longtemps tiré un trait sur ce paternel démissionnaire. En revanche, la perspective de trouver un toit, même si perdu au milieu des champs à proximité de la petite ville de Summerville, l’arrange bien puisqu’elle vient de se faire expulser de chez elle, faute de payer son loyer. Sur place, alors que son aîné, Trevor, s’amourache d’une serveuse du diner du coin, sa cadette, Phoebe, découvre un drôle d’objet sous le parquet du salon. Contrainte de suivre une classe d’été, elle montre sa trouvaille à Podcast, son nouvel ami, et apprend de la bouche du professeur qui les surveille, Gary Grooberson, qu’il s’agit d’un piège à fantômes. Excité comme un enfant – il a connu le sauvetage de New York en 1984 par les gars de SOS fantômes – l’adulescent leur propose de l’ouvrir. Grave erreur. Celui-ci renfermait Zuul, le cerbère de la porte qui s’empresse de s’échapper dans un énorme fracas. Ils l’ignorent encore mais par leur inconséquence, ils précipitent le retour de Gozer. Heureusement, guidée par l’esprit de son grand-père et accompagnée par son grand frère et Podcast, Phoebe va tenter de sauver le monde de l’invasion spectrale qui se profile.
A la lecture de ce résumé, vous aurez noté que ni Ray Stanz, ni Winston Zeddemore, ni même Peter Venkman ne sont cités. Non pas qu’ils soient absents des débats, mais parce que ce nouvel opus se refuse à leur offrir un quelconque développement, préférant cultiver la fibre nostalgique des adeptes de la première heure. Paradoxalement, le seul membre de l’équipe qui bénéficie d’un tant soit peu d’attention est le seul dont l’interprète se retrouve dans l’incapacité de défendre son personnage pour cause de décès. Sous couvert d’un hommage appuyé à Harold Ramis – dont je ne conteste pas l’authenticité, il m’arrive d’avoir du cœur, parfois – ce nouvel S.O.S fantômes se joue autour de l’idée de filiation. En somme, il convient de ne pas (trop) s’appesantir sur le passé pour mieux préparer l’avenir. Une tendance récurrente du cinéma hollywoodien actuel qui tente de faire du neuf avec du vieux en courant deux lièvres à la fois. Les personnages d’antan servent alors uniquement de points de repère, de boussoles, aux personnages s’ouvrant à la nouvelle génération. En cela, S.O.S fantômes : L’Héritage ne fait que reprendre à son compte la formule que J.J. Abrams a utilisée pour Star Wars : Le Réveil de la Force. Ce qui ne va pas sans poser quelque problèmes de logique interne. En faisant de Egon Spengler le père d’une fille de 38 ans environ, alors qu’on ne lui connaissait aucune relation intime en l’espace de deux films (seule la science lui importait), les scénaristes cèdent à deux pêchés-mignons du cinéma actuel : l’amnésie volontaire (S.O.S fantômes 2, le mal-aimé se retrouve promptement occulté) et la paternité comme seul horizon possible pour les personnages de notre enfance. À cela s’ajoute un côté super-héros dans sa caractérisation post-mortem, selon l’adage “spidermanien” qui veut qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Le grand pouvoir d’Egon tient à ses connaissances scientifiques et à son abnégation contre vents et marées. Le père démissionnaire décrit par sa fille ou ce voisin renfermé et bizarre dépeint par les habitants de Summerville se mue, au fil des pérégrinations mémorielles de Phoebe et Callie, en homme de bien. Un homme qui a sacrifié sa vie – et donc sa famille – pour le bien de l’humanité, cherchant vaillamment à la préserver alors que ses plus proches amis le déjugeaient. Ce dernier point pose problème. Tel que Ray Stanz nous est apparu dans les deux premiers films, il paraît inimaginable qu’il ait pu ainsi abandonner son ami sans chercher à l’épauler dans ses recherches. Ils partageaient cette même fascination et enthousiasme pour l’étrange et le paranormal. Bien sûr, les personnes peuvent changer et Ray aurait pu, à la longue, aspirer à autre chose. Seulement il aurait fallu le montrer, s’intéresser davantage à son évolution qu’à celle des petits-enfants. Or Jason Reitman a choisi d’évacuer cela en deux lignes de dialogue trop explicatif. Il en va également ainsi du sort de ses camarades, expédiés en une phrase avant que, l’union faisant la force, ils n’interviennent brièvement lors du dernier acte en une sorte de baroud d’honneur qui vaut autant pour la symbolique – la passation de témoin – que pour l’écot nostalgique (plus de 30 ans que nous ne les avions pas vus un rayon à protons entre les mains). Les personnages féminins ont également droit à leur passage éclair. Janine Melnitz apparaît en qualité de dernier être humain avec lequel Egon frayait (sous-entendant une intimité que le premier film ne faisait qu’effleurer lorsque le second jouait la carte du duo Janine – Louis), et donc la seule à même de prévenir sa fille de la funeste nouvelle. Quant à Dana Barrett, elle entrecoupe le générique de fin pour une scène d’intimité avec Peter Venkman sous forme d’énième clin d’œil. Une cerise sur le gâteau qui vient récompenser les plus patients et/ou les spectateurs familier du MCU, coutumier du fait. Bref, cette réunion d’anciens combattants relève au mieux de l’anecdotique même si nous ne sommes jamais loin de sombrer dans le pathétique. Dan Aykroyd a beau se prêter de bonne grâce au jeu, cela ne suffit pas à faire oublier que ce retour aux affaires n’est clairement pas celui qu’il avait imaginé du vivant d’Harold Ramis. S.O.S fantômes 3 restera à jamais lettre morte.
Jason Reitman n’a de toute manière jamais envisagé son film sous ce prisme. S.O.S fantômes : L’Héritage se présente à la fois comme une réaction à la relecture de Paul Feig et comme un pur produit de son époque, du cinéma doudou qui reprend l’univers d’un film populaire pour aboutir à un résultat ultra référentiel à même de satisfaire petits et grands. Comprendre, les enfants s’amuseront comme des petits fous devant un film d’aventures à base de chasses aux fantômes quand leurs parents pourront prendre plaisir à relever la moindre citation renvoyant au film de leur propre enfance. Ennemi de la subtilité, Jason Reitman chausse ses plus gros sabots et décalque carrément le film de son père. Ainsi, Gozer n’était pas vraiment détruit(e) et souhaite toujours dominer la Terre. On retrouve donc les mêmes figures (Gozer, Zuul, Vinz Clortho et même le bibendum chamallow dans une version rapetissée et démultipliée) mais dans un contexte beaucoup plus aseptisé. Les fantômes fraient peu avec le monde des vivants. Et lorsqu’ils le font, c’est dans l’indifférence la plus totale. Que ce soit Mange-tout dans ses œuvres, alors qu’il arpente la ville en pleine journée, ou Zuul et les mini bibendums chamallow qui mettent à sac une grande surface alimentaire, il n’y a pas un pékin pour faire vivre la scène. Pas un témoin hormis les personnages principaux. Et quand cela arrive (une serveuse qui sert son café à un fantôme accoudé au comptoir, une bande d’adolescents qui assiste à des événements étranges dans les entrailles de la terre), cela n’existe plus dès la scène suivante. Si le choix d’une petite bourgade comme lieu d’action se justifie à l’aune de l’âge des héros – il aurait semblé inconcevable que des gamins s’ébattent librement dans la tentaculaire New York – une maison réellement isolée de tout et de tout le monde aurait davantage collé aux intentions de Jason Reitman tant ce dernier évite les interactions Humains-fantômes. Dans ces conditions, la menace représentée par Gozer ne tient qu’à nos souvenirs du premier film. Ici, elle sert uniquement de prétexte à une aventure à forte coloration Amblin qui déroule peu ou prou ce qu’on attend de ce type d’histoire, le merveilleux en moins. Doit-on y voir la vision désenchantée de Jason Reitman sur la jeunesse actuelle ? Rien n’est moins sûr. Bien qu’au centre des débats, les enfants n’ont pas beaucoup d’étoffe. Phoebe n’est qu’une version rajeunie et féminisée (encore !) d’Egon Spengler qui affiche en outre une belle contradiction. Pour une jeune fille à l’esprit scientifique chevillé au corps qui affirme avec force ne pas croire aux fantômes, elle s’accommode finalement fort bien des différents phénomènes paranormaux qu’elle rencontre sans jamais les questionner ni les remettre en question. Au moins, est-elle un élément moteur de l’action au contraire de Trevor, qui ne s’intéresse qu’à deux choses, les filles (Céleste) et la mécanique. Il ne s’illumine qu’au volant de Ecto-1, dévastant les champs alentours, ou lorsqu’il se trouve à proximité de Céleste, avec en point d’orgue le moment où elle enfile sa combinaison à côté de lui. Quant à Podcast, il est la caution comique du film, désamorçant la moindre situation par un bon mot ou une maladresse. Succès assuré chez les 8-12 ans.
S.O.S fantômes : L’Héritage confirme qu’en dehors des personnages d’origine, point de salut. Qu’il ne suffit pas d’empiler les références en dépit du bon sens (la pile de bouquins et le fauteuil de Dana dans le salon d’Egon, par exemple), de convoquer les anciens et de jouer avec des pistolets à protons pour retrouver le charme du modèle original. Jason Reitman ne cherche jamais à raconter sa propre histoire. Il construit un film qui entre constamment en résonnance avec celui de son père sans se rendre compte que cela se fait à son détriment. Il s’apparente au personnage de Gary Grooberson, tout excité à l’idée de renouer avec les souvenirs de son enfance mais pour finalement passer totalement à côté de l’essentiel.
Jamais été fan de SOS Fantômes. Je l’ai raté quand j’étais petit, et je n’ai jamais cherché à les voir. J’ai vu les deux reboot celui de 2016 et celui là et avec le recul, ils sont aussi pénibles l’un que l’autre. En fait, je pense que celui de 2016 était assez supportable.
Pour l’héritage c’est aux Goonies qu’il m’a fait penser. Un autre film des années 80 que tout le monde a l’air d’apprécier sauf moi, et avec cette nouvelle manie de faire des films de 2h00 minimum, ça a été un supplice. Pour faire simple, j’ai pris plus de plaisir avec le film Chair de poule (2015) avec qui il partage beaucoup de points communs avec des monstres qui envahissent une petite ville au lieu de fantômes, et qui m’apparaissait divertissant et bien rythmé, là ou L’héritage était long, pas intéressant, des dialogues fades, des personnages caricaturaux, et une mythologie qui me laisse de marbre.
Pour la petite histoire, il y a longtemps, j’ai vu l’avant dernier film d’Harold Ramis Faux Amis, une comédie noire où un avocat vole son patron mafieux dans une ville des États-Unis la veille de Noel avec Billy Bob Thornton et John Cusack, un vrai plaisir à regarder. C’est dommage que ce sera son apparition sous forme d’image de synthèse qui sera plus marquant que ce film qui tombera malheureusement dans l’oubli.