CinémaComédieWestern

On continue à l’appeler Trinita – Enzo Barboni

oncontinuealappelertrinita

…continuavano a chiamarlo Trinità. 1971

Origine : Italie 
Genre : Western comique 
Réalisation : Enzo Barboni 
Avec : Terence Hill, Bud Spencer, Yanti Somer, Benito Stefanelli…

Alors qu’il se prélasse chez ses parents, le voleur de bétail Bambino a la désagréable surprise de voir débarquer son frère Trinita, qu’il n’a jamais considéré comme son vrai frère et qu’il méprise encore davantage depuis leur précédente rencontre, qui lui coûta la fuite des chevaux sauvages qu’il convoitait. Simulant une mort prochaine, le père de famille fait promettre à Bambino de s’occuper de Trinita pour en faire un véritable bandit dont la tête sera mise à prix.

Bien que de nombreux retitrages sauvages n’aient pas hésité à employer le nom internationalement célèbre de “Trinita” et que certains films du duo Hill / Spencer aient eux-mêmes décliné le concept, On continue à l’appeller Trinita est le second et dernier film d’une saga qui n’en est donc pas une (et dans laquelle on n’inclura pas non plus la version de 1995, avec la progéniture de Bambino et Trinita). Produit par le même Italo Zingarelli et tourné par le même Enzo Barboni (toujours planqué sous son pseudonyme de E.B. Clutcher), le film aurait pu n’être qu’une copie carbone de son prédécesseur On l’appelle Trinita. Tout y concourrait : le même réalisateur-scénariste, le très faible délai entre les deux films, les coutumes de productions cinématographiques voulant qu’une même recette soit exploitée jusqu’à plus soif… Pourtant, sans aller jusqu’à parler de révolution, On continue à l’appeler Trinita se démarque d’On l’appelle Trinita. Là où ce dernier restait encore très proche du western classique, avec notamment une mission bien définie, cette séquelle dilue l’épaisseur de l’intrigue pour qu’elle ne dicte plus la marche à suivre à ses deux héros. Il n’y a pas à proprement parler de fil conducteur aux pérégrinations de Bambino et Trinita, lesquels sont donc libres de leurs actes au milieu du superbe environnement désertique de la haute-plaine de Campo Imperatore, dans les Abruzzes, qui participe de façon non négligeable au “dépouillement” du film. La seule vague ébauche d’intrigue est en fait due à Trinita, qui parvient à chaque fois à enrôler son frère (censé être la tête pensante du duo) dans une même direction, celle d’un trafic d’armes organisé par un homme d’affaire véreux. Une orientation très légère et qui ne donne jamais l’impression d’assister à une aventure en bonne et due forme. Elle est à l’image de son initiateur, pour lequel pas grand chose n’a d’importance si ce n’est faire la cour à cette fermière blonde (Yanti Somer) dont la famille itinérante trouve toujours le moyen de se fourvoyer dans les pattes des trafiquants, entraînant les deux frères dans son sillon. Alors que le premier film parachutait son tandem au sein d’un canevas classique pour le tirer vers la comédie, celui-ci est écrit uniquement pour mettre en valeur les deux frères… Il semble même écrit par Trinita lui-même, qui évolue sans contraintes et improvise selon ses envies du moment, donnant ainsi au film une allure imprévisible en parfaite harmonie avec le style d’humour employé, très varié : un pot-pourri de slapstick (les scènes de bagarre, ainsi qu’une mémorable scène de baffes), de pipi-caca (un bébé atteint d’aérophagie), de traits d’esprits (les remarques de Trinita), de dérision (Bambino et son manque de culture, particulièrement notable dans un monastère), de running gags (le bandit devenu légume après avoir été assommé par Bambino) et de légère satire (sur la famille, sur les protocoles de la haute société, sur les fonctionnaires, sur les moines…).

Puisque tout découle de Trinita et de Bambino, ceux-ci se doivent donc de justifier leur mise en valeur. Là, Barboni reprend les caractéristiques apparues dans le premier film (et qui posèrent définitivement les bases du duo Hill / Spencer) et les développe. Seul moment ou presque où les deux frères sont séparés, les premières minutes les placent l’un après l’autre dans une même situation : dans le désert, face au même groupe de petits bandits débiles. Bambino s’en sort par sa force de persuasion, tandis que Trinita emploie la ruse. Les deux personnalités sont déjà résumées et ne demandent qu’à se développer lorsque les deux sont réunis après leur séjour commun sous le toit familial. Un beau moment d’ailleurs, puisque les deux parents sont au moins aussi remarquables que leurs enfants : une mère gueularde aux allures de prostituée, un père truand et grossier, et en conséquence une famille unie dans la crasse et la jovialité, à faire passer les Bundy de Mariés Deux Enfants pour la famille Ingalls de La Petite maison dans la prairie. Mais c’est bien par la suite, lors de la “formation” de Trinita par Bambino, que l’évolution est marquante. Roublard et fainéant, Trinita impose sa propre volonté avec subtilité à un Bambino profondément râleur (on ne compte plus les “ta gueule” qu’il adresse à son frère) mais dans le fond bon bougre. Ainsi l’apprentissage du métier de bandit est toujours évité, ce qui aboutit à transformer les braquages d’une charrette ou d’une diligence en actes de charité. La gouaille de Trinita finit toujours par l’emporter sur le professionnalisme de son frère, même lorsque celui-ci cherche à faire preuve d’une grande autorité. C’est que Trinita connait bien Bambino, et qu’il ne s’en laisse pas compter, utilisant même son autoritarisme comme une façon de mieux se jouer de lui. Le spectateur apprend à connaître ce stratagème et prend très vite en affection les deux personnages… surtout celui de Terence Hill, il faut bien l’admettre, puisque celui-ci est en fait le vrai cerveau du duo, celui qui utilise le côté “ours mal léché” de Bud Spencer pour en faire un ressort comique complémentaire du sien. Cette marque d’intelligence marque sa connivence avec le public, qui aura donc appris à connaître Bambino à travers les dialogues et les mimiques de Trinita. Et puis a contrario du premier film, plutôt chiche à ce niveau, le héros éponyme a ici droit à ses vraies scènes d’action, où sa malice et sa rapidité viennent compléter la force brute de son comparse. On retiendra essentiellement la grande scène finale, sorte de match de rugby où les frères (et leurs alliés moines) s’opposent à une bande de racketeurs et où un magot remplace le ballon…

On continue à l’appeler Trinita est assurément le meilleur des deux films. Tous les défauts de son prédécesseur ont été supprimés au profit d’un recadrage sur les deux personnages principaux, et toutes ses qualités ont été conservées ou accentuées. Suffisamment solide pour justifier quinze ans de vie cinématographiques commune.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.