Leprechaun 3, Leprechaun à Las Vegas – Brian Trenchard-Smith
Leprechaun 3. 1995Origine : Etats-Unis
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En mal d’argent, un clochard de Las Vegas vend une statue pour 20 dollars à un antiquaire. Il lui laisse pour consigne de ne jamais retirer le médaillon qui se trouve au cou de cette statue. Ce que Le commerçant s’empresse de faire dès que l’indigent est parti. D’un côté, il peut se réjouir de trouver une marmite pleine de pièce d’or au pied du Leprechaun figé, mais de l’autre côté, ledit Leprechaun (Warwick Davis) ne reste pas figé bien longtemps. Il veut son or, et moyennant quelques pressions, il l’obtient. Non sans avoir égaré une pièce qu’un certain Scott McCoy (John Gatins), jeune joueur malheureux au casino Shamrock sis juste en face, récupère après avoir constaté la mort de l’antiquaire. Comme chacun sait, la pièce du trésor d’un Leprechaun porte bonheur, et McCoy va pouvoir se refaire une santé financière. Il va s’attirer ainsi la jalousie de plusieurs personnalités du casino, comme le patron Mitch, le magicien Fazio et la croupière Loretta. Cette dernière s’est aperçu du rôle joué par la pièce d’or, et comme elle a eu la mauvaise idée d’en faire part à ses collègues, elle n’est pas la seule à vouloir la voler. De son côté, McCoy a d’autres soucis en tête, puisque le Leprechaun est venu le mordre dans sa chambre et qu’il se transforme progressivement lui-même en lutin irlandais. Une fâcheuse condition qu’il tente de réfréner avec l’aide de Tammy (Lee Armstrong), malheureuse assistante de Fazio, avec laquelle il a sympathisé plus tôt dans la soirée. Pour guérir, McCoy doit détruire le Leprechaun, qui gambade dans le casino à la recherche de sa pièce qui passe de main en main.
Et voilà, après deux films, le nabot celte passe dans le monde du “direct-to-video”, signe d’un essoufflement précoce qui ne pouvait qu’être combattu par des stratagèmes aussi usés que ne le fut de toute façon la trame du premier film. C’est ainsi que la saga tenta le dépaysement, seule chose trouvée par les scénaristes pour redonner un peu de vie à ce qui dès le départ en manquait. A défaut d’une petite virée en Irlande pour y retrouver ses racines celtiques jusqu’ici jamais évoquées au-delà de l’image d’Epinal (comme c’est encore le cas, avec le casino “Shamrock”), à tout prendre, envoyer le Leprechaun à Las Vegas est la solution la plus rationnelle possible, par opposition à l’imbécilité de l’épisode spatial et des deux épisodes rappeurs. C’est que Las Vegas est la cité putassière de l’argent et qu’elle fait écho à l’avarice et à la grande gueule du petit croque-mitaine. Un lien que Brian Trenchard-Smith exploite assez fort, quitte à s’éloigner parfois du Leprechaun lui-même et à le concurrencer par les quelques énergumènes “vegassiens” travaillant au casino. Et coupons net toute forme de suspense : Leprechaun 3 est certainement ce que la série a pondu de plus potable. C’est loin d’être brillant, mais au moins l’envie d’arrêter le film n’est pas présente… Du moins, après une exposition aussi longue que pénible elle s’atténue progressivement. Seul face à un cortège de victimes sans relief, comme dans les deux volets précédents, le Leprechaun aurait encore imposé sans partage son style cabotin insupportable, qui ici n’a guère évolué. Chacun de ses gestes lui inspire des bons mots ineptes, paraphrasant très souvent ce qu’il est en train de faire ou ce qu’il s’apprête à faire (ce ne sont donc même pas des blagues à proprement parler). Lamentable de bout en bout, et c’est pourquoi on ne peut qu’être gré au réalisateur d’avoir contrebalancé la place du nabot par divers personnages aux aventures pratiquement isolées, vaguement semblables à des sketchs. Le patron obsédé, la vieille aigrie complexée, le magicien raté, tous font preuve de suffisamment de personnalité pour détourner l’attention. En se croisant, en se refilant la pièce porte bonheur exauçant leurs vœux, ils composent un tableau assez vaudevillesque de ce casino médiocre. Et ce, de façon assez fluide permettant de ne pas tomber dans l’ennui. Leurs mises à mort respectives joueront avec ironie sur leurs caractéristiques propres, non sans une certaine réussite. Il faut aussi leur ajouter McCoy et Tammy, des héros qui ne font pas illusion : elle sert essentiellement à apporter une touche modérément sexy, et lui est un crétin fini, ce que le réalisateur reconnait en le transformant progressivement en leprechaun (heureusement pour nous, il n’achèvera pas sa mue, car deux leprechauns, au secours). Ils font parfois preuve de cette forme de courage agaçante que l’on retrouve dans n’importe quelle autre production, mais au moins le réalisateur semble avoir conscience des limites de tels personnages et s’en amuse. C’est plutôt un bon point.
Je ne voudrais toutefois pas donner l’impression que Leprechaun 3 est un bon film. Il s’agit plutôt d’une transition prenant ses distances avec l’apathie des ses deux prédécesseurs, sans tomber dans la surenchère absurde de ceux qui lui succéderont -sous la houlette du même Trenchard-Smith dès l’opus suivant-. Une singularité restant interne à la saga mais qui à un niveau plus général n’est en rien remarquable. Même les piteux quatrième et sixième Freddy sont plus marrants et imaginatifs que Leprechaun 3. Une comparaison que je ne fais pas fortuitement, puisque prendre la place du cramé d’Elm Street a toujours été la raison d’être de cette saga assez anachronique. Ceci dit, reprendre le côté farceur ne suffit pas à remplir cet objectif (surtout lorsque c’est en plus raté). Et c’est là que la série a toujours échoué. Elle souffre d’un cruel manque d’identité, ce qui malgré quelques efforts est encore prégnant dans l’épisode de Las Vegas, qui en guise d’historique sur le leprechaun a quand même recours à un pseudo programme informatique lancé par l’antiquaire, en principe pour mieux combattre son ennemi. Voilà un moyen particulièrement direct pour instruire les chanceux n’ayant pas vu les deux premiers films… Non seulement cette façon de faire est assez ridicule, mais elle est en plus superflue, puisque le Leprechaun en tant que personnage ne dispose d’aucune convention qui lui serait propre. Les trois premiers volets réussissent l’exploit de ne jamais s’accorder sur une même ligne quant au mode de fonctionnement du farfadet facétieux. Ce n’était pourtant pas compliqué, puisqu’ils reprennent tous les mêmes recettes piquées aux vampires ou loups-garous… C’est ainsi que le premier film faisait du trèfle à quatre feuilles l’équivalent de ce qu’est le crucifix pour les vampires, le second le remplaçait par le fer forgé, et le troisième porte son choix sur un médaillon sorti de nulle part (la fin de l’opus précédent n’avait d’ailleurs rien à voir avec la statue et le médaillon). Je ne cesserai quand même jamais de m’étonner qu’une saga trouvant ses racines dans une culture riche et peu abordée au cinéma soit à ce point incapable six films durant de se trouver la moindre identité. Voilà jusqu’où peut mener une volonté trop poussée d’exploiter les plates-bandes d’autrui…