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Le Livre d’Eli – Albert & Allen Hughes

livredeli

The Book of Eli. 2010

Origine : États-Unis 
Genre : Post-apocalyptique 
Réalisation : Albert & Allen Hughes 
Avec : Denzel Washington, Gary Oldman, Mila Kunis, Ray Stevenson…

Le genre post-apocalyptique a le vent en poupe en cette fin de décennie, mais reste curieusement d’une grande richesse dans la mesure où les films qui le représentent sont finalement tous très différents, aussi bien dans leurs moyens que dans leur qualité. On a ainsi eu droit au blockbuster avec Je suis une légende (2007) au nanar de luxe avec Doomsday (2008) au drame avec La Route (2009) et enfin à l’actionner avec le dernier Terminator (2009)…
Et à peine deux mois après la sortie du dernier avatar du genre, Le Livre d’Eli débarque sur nos écrans, précédé d’une bande annonce explosive et du nom de ses jumeaux de réalisateurs, connus pour leurs films de ghettos (Menace II Society) et pour avoir réalisé l’adaptation du From Hell de Allan Moore.

Leur nouveau film raconte l’histoire de Eli, un grand black baraqué qui se ballade tout seul sur les routes désertes d’une Amérique post-explosions nucléaires. Eli se promène avec un gros bouquin relié en cuir dans son sac, et parvient sans trop de problèmes à éviter toutes les embuches sur son chemin à grands coups de machette. Jusqu’à ce qu’il tombe sur Carnegie, un despote qui règne sur une petite ville perdue au milieu du désert et qui emploie une bande de soudards volontiers violents et violeurs pour retrouver un livre…

Évidemment la suite de ce pitch verra l’affrontement des deux hommes. Mais on aurait tort de s’arrêter à cette simple vision des choses. En un sens, oui Le Livre d’Eli est un film d’action très basique, voire manichéen. Sa structure repose sur l’affrontement à coups de tatanes et de feu de deux personnages antagonistes. Mais il y a plus que cela. Et il est finalement assez difficile d’appréhender le film dans son ensemble tant il emprunte simultanément des voies opposées. Les premiers instant du métrage sont très intriguant, et on n’y voit pas grand chose d’autre que le personnage principal errant dans le désert et essayant de survivre comme il peut, en économisant de l’eau ou en chassant des chats. Ses motivations et son but restent mystérieux. De même que la nature du livre qu’il transporte. De même que sa nature à lui. Mais rapidement, le scénario lève progressivement le voile et apporte les réponses aux questions posées. Eli, c’est le héros sans peur et sans reproches. Ses motivations restent toutefois troubles jusqu’à ce qu’on finisse par deviner l’identité du livre qu’il transporte. Et assez évidemment, il est alors rapidement question de religion, de bien et de mal, etc. Il est dommage que l’intrigue soit ainsi limitée, et la meilleure partie du film reste celle où on ne sait rien ou si peu du personnage principal. Dès qu’il apparaît dans la pleine lumière et qu’on découvre son but, il perd un peu de son intérêt. Et face à lui, le méchant incarné par un Gary Oldman cabotin ne parvient pas vraiment à prendre le relais. Heureusement, le film n’est pas avare en personnages secondaires bien plus mystérieux et intéressants. Le spectateur averti retrouvera ainsi avec plaisir de savoureux seconds couteaux comme Tom Waits dans le rôle de l’ingénieur et surtout Ray Stevenson (Titus Pullo de la série Rome) qui crève l’écran dans le rôle du bras droit du méchant (mais les bras droits de méchants ont souvent la classe dans le films américains, faut dire).
Si d’un point de vue strictement narratif, l’opposition entre le héros et le méchant n’apporte pas grand chose et dessert finalement le film, il en est tout autre au niveau des thèmes que cela permet d’aborder. En effet, il est question de religion et le thème est abordé de manière plutôt intelligente. Eli étant présenté comme une sorte de nouveau prophète (le nom du personnage n’étant pas innocent) et donc, comme un fanatique obéissant aveuglément à la volonté divine, Carnegie lui est un cynique, qui rêve d’utiliser le livre pour recréer une hiérarchie cléricale et obtenir encore plus de pouvoir. L’opposition créée entre foi et religion est très intéressante et amène le spectateur à s’interroger, d’autant plus qu’il est difficile de prendre parti pour l’un des deux camps (le gentil est une marionnette, position défavorable s’il en est, tandis que celui qui tire les ficelles est fondamentalement mauvais, ne pouvant remporter l’adhésion du public). Cette thématique est plutôt rare dans les blockbusters, surtout traitée sous cet angle, et apporte un rayon de fraîcheur ainsi qu’une distance par rapport au récit tout à fait bienvenue.

Enfin, si ce thème sert de fil rouge au scénario, il n’en demeure pas moins que Le Livre d’Eli reste un film d’action. Mais cela n’est en rien un reproche, puisque le film tire une grosse part de son efficacité de sa dimension immédiatement divertissante. Et au final, le message sur la religion, la foi et le pouvoir reste finalement assez annexe quand bien même il y apporte une plus-value. En tout cas il aurait pu être remplacé par un discours différent que la nature du film n’en aurait pas été changée. Sa linéarité est en tout cas exploitée au maximum et le film nous offre du grand spectacle et surtout, de l’efficacité. Les scènes d’actions sont concises et bien réalisées. Les frères Hughes y démontrent un réel savoir faire et laissent la part belle à de beaux plans larges qui permettent d’apprécier au mieux la chorégraphie des combats. En outre ces combats sont plutôt diversifiés, et leur mise en scène tire toujours parti du décor et de l’espace de l’action (comme par exemple le combat sous le pont où on ne voit que les silhouettes des belligérants).
D’ailleurs, de manière générale, la mise en scène du film est plutôt soignée. Les réalisateurs parviennent parfaitement à illustrer leur scénario et font preuve d’une grand justesse dans le choix des plans, par ailleurs souvent référentiel. Le film regorge de grands plans d’ensembles typés western, qui permettent d’isoler les personnages dans les grandes étendues qu’ils traversent. Étendues par ailleurs superbes, les paysages post-apocalyptiques dévastés du film étant particulièrement photogéniques. Tandis que les scènes les plus guerrières permettent aux réalisateurs de placer un beau plan séquence virtuose qui n’est pas sans rappeler Les Fils de l’homme.
Entre le western et le film de guerre, Le Livre d’Eli paye son tribut aux genres qui l’inspirent et cite abondamment : les Mad Max, les films de sabre, les western spaghetti, etc. Le film s’offre ainsi un petit aspect totalement bis qui fait plutôt plaisir à voir, notamment dans un plan final totalement stéréotypé et totalement « de genre » qui ravira les amateurs.

Bref, Le Livre d’Eli est un film étrange, qui mange un peu à tous les râteliers pour aboutir à une œuvre multiple à la cohésion narrative pas toujours évidente. Reste que visuellement c’est superbe et très bien réalisé, et au final le scénario est suffisamment riche pour que de nombreux spectateurs y trouvent leur compte du moment qu’ils ne sont pas trop exigeants. Plutôt recommandable donc.

Une réflexion sur “Le Livre d’Eli – Albert & Allen Hughes

  • C’est un film post-apo qui était attrayant tant qu’il y avait un mystère sur le personnage d’Eli, mais dès qu’il y a une opposition avec le personnage de Gary Oldman, le film devient prévisible et faiblard, jusqu’à la révélation finale. Votre critique dépeint parfaitement le film par contre j’avais complétement oublié que Ray Stevenson avait joué dans le film. J’espère que vous ferez une critique d’un film dans lequel il a joué: Outpost, film de zombie nazi bien plus flippant que le pitch basique le laisse penser.

    Par contre je reconnais que les scènes d’actions sont réussis et le décor post-apo version mad max, et western est particulier mais avec Terminator Renaissance, c’etait la grande mode. Et puis quand tu vois Mad Max Fury Road, ça renvoie ce film dans l’anecdotique.

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