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Sex Addict – Frank Henenlotter

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Bad Biology. 2008

Origine : Etats-Unis 
Genre : Comédie horrifique 
Réalisation : Frank Henenlotter 
Avec : Charlee Danielson, Anthony Sneed, James Glickenhaus, Tina Krause…

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Figurant parmi les cinéastes les plus emblématiques des années 80, Frank Henenlotter s’était spécialisé dans le cinéma underground et « trash », apte à nous montrer les bas fonds de nos villes sous leur jour le moins ragoûtant et leur population de déchets humains mis au ban de la société. Mais s’il s’enfonçait dans le glauque ce n’était jamais sans se départir d’un second degré assez saisissant servant à la fois de métaphore satirique souvent assez féroce et d’éléments introduisant une distance permettant de rendre amusantes des idées bien dingues comme des putes qui explosent ou encore comme une hideuse boule de chair qui massacre des médecins. Dans sa filmographie, Basket Case et Brain Damage brillent d’un éclat sanglant et dégueulasse. Les deux films restent cultes aux yeux de nombreux fans. Hélas son activité et sa verve semblaient avoir du mal à survivre aux années 90 désastreuses pour le cinéma de genre, et Frankenhooker réalisé en 1989 reste son dernier film véritablement sympa, Henenlotter se bornant ensuite a enchaîner les suites à Basket Case… Mais voilà que 16 ans après avoir apposé son nom au générique de Basket Case 3, Henenlotter est de retour avec un Bad Biology qui n’a rien à envier à ses premiers films et qui renoue avec générosité avec le mauvais goût assumé.

« Je suis née avec sept clitoris. » c’est sur cette phrase et sous les éclats de rire du public que s’ouvre le film. Le ton est donné. Ça parlera de sexe, ce sera cru, sale et irrésistiblement drôle. A partir de là s’ensuivront toute une tripotée de scènes complètement hallucinantes et frappadingues comme on osait plus espérer en voir dans une salle de cinéma. Dès les premiers instants du film, Henenlotter se vautre avec délice dans la vulgarité la plus crasse avec un aplomb qui force le respect. Il nous concocte un film basé sur un synopsis simplissime, mais qui semble d’emblée riche en promesses:
Un jeune homme et une jeune femme génétiquement modifiés sont chacun de leur coté à la recherche de leur épanouissement sexuel… D’un coté Jennifer qui passe son temps à avoir des orgasmes et qui cherche l’homme idéal en multipliant les expériences, victime de son organisme mutant et détraqué, elle est contrainte d’accoucher d’un bébé mutant à chaque fin de coït (!). Face à elle Batz, impuissant et qui a fini par transformer, à coups de drogues et d’amphétamines, sa bite en une sorte de membre mutant disproportionné pourvu d’une conscience propre (!) et accro au sexe et à la drogue (!!).

Évidemment, un projet aussi audacieux est impossible à monter dans le cadre très strict d’un studio avec des producteurs qui font à chaque instant valoir leurs droits sur tel ou tel élément du film. Indéniablement underground, le film est le résultat d’une rencontre bienheureuse pour le cinéma de genre. Celle de Frank et Henenlotter et du rappeur R.A. Thorburn. Ce dernier est plus connu parmi les amateur de Hip Hop underground sous le pseudo de « the Rugged Man ». Rappeur au langage fleuri et en conflit avec le système des maisons de disques (il enregistre le titre très explicite « Every Record Label Sucks Dick ») R.A. the Rugged Man est également un grand fan de films d’horreur (essayez aussi de voir si vous en avez l’occasion son très rigolo clip « I Shoulda never » où le rappeur s’acharne à coup de batte de base ball sur son propre cerveau ensanglanté). La rencontre de ces deux allumés se fait d’ailleurs sous le signe du clip vidéo. Henenlotter s’étant tourné vers ce média après son dernier long métrage en 1992.

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Bref, Thorburn semble être l’homme idéal pour s’improviser producteur (et scénariste puisqu’il participe à l’écriture du script de Bad Biology) et travailler avec Henenlotter sur ce type de projet. Sa présence étant sans doute à l’origine de la bande son orientée rap et de la présence de personnages visiblement issus du monde du Hip Hop dans le scénario du film (cette mémorable scène où Jennifer organise une séance photo pour une star du rap, avec des femmes dont le visage a été remplacé par des vagins…).
Les deux hommes sont donc bien partis pour ne se donner aucunes limites et effectivement le film va très loin et est sévèrement gratiné. Déjà le nombre élevé de plans de “Full Frontal Nudity” et d’extraits de films limite pornos le destinent à une distribution en direct-to-dvd. Et ne parlons même pas des passages les plus dingues, l’héroïne du film passant le plus clair de son temps à jouir, à accoucher puis à systématiquement abandonner ses bébés en larmes derrière elle. Je peux aussi évoquer l’immense machine bizarroïde dont a besoin le héros pour se masturber. Ou encore ces scènes de meurtres complètement décalées. J’en passe et des meilleures. Henenlotter se fait plaisir et se complait visiblement à repousser les limites du mauvais goût et de la vulgarité à chaque scène. Mais là où il se révèle très habile c’est qu’il va tellement loin dans l’irrévérencieux, qu’il nous montre ses horreurs avec un tel culot, toutes ces scènes sont tellement exagérées que le tout en devient absolument hilarant. En outre le réalisateur prend soin de toujours baigner son film dans un second degré salvateur qui contrebalance efficacement les aspects choquants au point que le film en perd tout caractère malsain pour devenir une comédie très efficace qui ne choquera que les grenouilles de bénitiers et les pudibonds. Ainsi par exemple lorsque Jennifer abandonne un bébé pour la première fois elle se retourne vers la caméra et s’adresse directement au spectateur en disant en substance « oh ça va hein, c’est pas un vrai bébé, j’ai mis que deux heures à le pondre, et vous avez vu sa gueule de mutant ? Je vais pas garder ça quand même? ». Rires garantis.
De la même manière tout un tas d’autres effets de mise en abîme viendront rappeler au spectateur qu’il ne regarde qu’un film, ce qui permet à chaque fois d’induire la distance nécessaire pour rire des atrocités et des scènes vulgaires présentées par le film. Ainsi la présence de l’actrice Tina Krause, qui joue son propre rôle et déclare au héros « je suis Tina Krause, l’actrice de film d’horreur » va dans ce sens, de même que les nombreuses scènes de sexe, qui ne sont montrées que par un écran interposé. Bad Biology est enfin un moyen pour Frank Henenlotter de rendre un hommage discret mais vibrant au cinéma qu’il aime, notamment via une scène complètement dingue tout droit issue d’un slasher: au lieu de nous montrer un tueur masqué venant assassiner des jeunes femmes dénudées, Henenlotter remplace le tueur par la bite mutante et junkie de Batz qui vient défoncer les murs pour venir violer à la chaîne de jeunes femmes dénudées. Henelotter utilise avec ironie le symbole phallique que représente d’ordinaire le couteau de l’assassin, qui est ici remplacé par un authentique phallus. Mais également, la vue subjective que l’on retrouve communément dans ces scènes (rappelez vous le début de Halloween où la caméra se retrouve derrière le masque du jeune Michael Myers) qui devient ici un gimmick totalement hilarant puisque le spectateur se retrouve par le biais de la caméra dans la peau d’une bite ! Le film regorge ainsi de trouvailles terriblement iconoclastes, originales et drôles et offre véritablement du jamais vu aux spectateurs.

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Sa thématique et le portrait au vitriol que Bad Biology fait des relations hommes /femmes dans notre société où règne la compétition dans tout les domaines semble rapprocher le film du récent Teeth, mais les deux métrages ont cependant peu de points communs, Bad Biology étant à la fois plus cynique, plus lucide et plus taré que le timoré Teeth. Et s’il fallait rapprocher ce nouveau Henenlotter d’un autre film, ce serait plutôt du coté des chefs d’œuvres trash de John Waters qu’il faudrait chercher, on y trouve en effet le même extrémisme dans le mauvais goût et la même bonne humeur qui anime le tout.

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