Lady Frankenstein, cette obsédée sexuelle – Mel Welles
La Figlia di Frankenstein. 1971Origine : Italie
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Un film influencé par la Hammer, mis en scène par un des réguliers collaborateurs de Roger Corman et produit au pays de Mario Bava… C’est dire si cette Lady Frankenstein est gothique. Pourtant, prenant ses libertés avec le mythe de Mary Shelley, le film annonce en réalité l’étrange Chair pour Frankenstein qui sera réalisé deux ans plus tard par Paul Morrissey, avec le soutien d’Andy Warhol. Pourtant, tout le début du film ne sort pas particulièrement des adaptations et variations produites jusqu’ici par la Hammer. Le docteur Frankenstein travaille avec son assistant Marshall et avec l’aide de quelques récupérateurs de cadavre (qui évoquent bien entendu les fameux Burke et Hare de L’Impasse aux Violences, encore qu’ici il s’agisse d’un groupe avec un leader bien marqué) sur la transplantation d’un cerveau humain sur un cadavre, dans le but bien entendu de doubler Dieu dans sa fonction de donneur de vie. Jusqu’ici, rien de bien neuf : le style est gothique à souhait, avec les murs en pierres, avec les éclairages sombres en provenance d’une poignée de bougies disposées sur des chandeliers, avec les costumes d’époque etc… Welles louche aussi un peu sur les films de la Universal, avec ces instruments scientifiques atypiques et plutôt naïfs pour une telle entreprise, le tout étant plutôt agréable à l’œil même si on reste assez loin du soin apporté par les techniciens de la Hammer ou même du somptueux noir et blanc des vieux films Universal avec Boris Karloff. Seules vraies originalité : l’assistant n’est plus un débile en puissance mais un savant homme de science, et la présence dans les lieux de Lady Frankenstein, fille du savant venant de finir ses études de science et qui voit le travail de son papa d’un mauvais oeil du fait des risques légaux impliqués par ces expériences immorales.
Puis tout va partir en vrille vers la moitié du film, une fois la créature (re)venue à la vie. Il s’agit d’une créature fort différente de celle de Boris Karloff : son cerveau est certes également endommagé, mais son physique plutôt disgracieux est en réalité dû non pas à un assemblage de morceaux de cadavres mais bien à un raté dans la réanimation, puisque l’éclair de la réanimation a provoqué la combustion d’une partie du visage du pauvre monstre ! De quoi être furax ! C’est cependant pour des raisons moins triviales que dès son réveil, la créature assassine son créateur avant de s’enfuir dans les champs où elle trouvera moyen de s’en prendre à un couple de fornicateurs dans une sorte de résurgence du meurtre de la petite fille dans les Frankenstein traditionnels. Le monstre restera par la suite souvent à l’écart de l’intrigue principale, Welles ne se servant de lui que pour placer quelques meurtres qui permettront d’inclure le personnage d’un policier qui de fil en aiguille nous amènera à la conclusion du film. Mais nous n’en sommes pas là, et revenons donc au moment où le Baron vient de se faire assassiner. Sa fille prend donc le relais, et c’est là que ça commence à venir plutôt tordu : pour venger son père, elle envisage ainsi de créer une autre créature, capable d’affronter la première. Pour ce faire, elle utilise Marshall, l’assistant de feu son paternel, secrètement amoureux d’elle. Se refusant de se livrer à lui tel quel, certainement pour de simples raisons physiques (il est trop vieux), elle lui propose d’assassiner l’attardé du coin et de lui transplanter le cerveau de Marshall ! Plutôt vicieux, n’est-il pas ? A côté de cela, l’offre faite par le récupérateur de cadavres (il accepte d’assassiner le débile en échange d’une nuit au pieu) paraît bien sage ! C’est sûrement pour quoi elle refusera et se chargera elle-même du meurtre en compagnie de Marshall. De là interviendra l’une des plus belles scènes du film : Rosalba Neri y aguiche avec une forte dose d’érotisme vénéneux le futur réceptacle de l’esprit de Marshall, tandis que ce dernier, à la fois jaloux et plein d’espoir, épie la scène jusqu’à son intervention fatale. Neri est tout bonnement parfaite, complètement perverse et son manque de scrupule est écrasant d’immoralité. Se servant des hommes comme de simples objets sexuels, sa pseudo-motivation, c’est à dire de venger son père, s’efface petit à petit pour laisser place à ses motivations sexuelles bestiales qui, justement, lui vaudront bien des soucis dans le très beau final du film, où toutes ses fautes ainsi que toutes celles de son père vont revenir à elles. La police va débarquer, mais avant elle reviendra la première créature, qui sera opposée à la seconde, aussi forte qu’intellectuelle (à ce titre la transplantation du cerveau de Marshall sur le corps de l’attardé à réussi, succès très rare dans les films sur Frankenstein). Ce qui donne un combat assez surréaliste, où les deux adversaires s’envoient des tables en pleine gueule, avant que l’un des deux ne voit son bras arraché !
Lady Frankenstein est un très sympathique film, à la fois une synthèse (dans la première partie) et une modernisation des précédentes adaptations du livre de Mary Shelley. L’érotisme se fait prédominant au sortir des années de libération sexuelle de la fin des années 60, et le propos du film, si il expédie rapidement le classique débat sur la volonté de se comparer à Dieu, traite bien plus de l’évolution des mœurs et de la perte de toutes valeurs morales que cela risque d’amener. C’est un film plutôt misogyne, certes, mais en tout cas Rosalba Neri, certainement pas l’une des plus belles actrices italiennes de l’époque mais en tout cas une des plus douée, y est fabuleuse et arrive largement à soutenir la comparaison avec une de ses plus prestigieuses collègues du gothique bisseux de l’époque : Barbara Steele. Le film n’est pas parfait, loin de là (la faute notamment à sa première partie), mais il mérite amplement d’être vu.