CinémaScience-Fiction

La Planète des singes : l’affrontement – Matt Reeves

Dawn of the Planet of the Apes. 2014.

Origine : États-Unis
Genre : Singeries numériques
Réalisation : Matt Reeves
Avec : Andy Serkis, Jason Clarke, Keri Russell, Toby Kebbell, Gary Oldman.

10 ans ont passé depuis l’émancipation des singes à San Francisco. 10 années durant lesquelles la fièvre attribuée à ces mêmes singes a décimé une bonne partie de la population mondiale. Durant cette période, les primates ont constitué une société dominée par la figure respectée et crainte de César. De leur côté, les rescapés de l’épidémie se sont retranchés dans un quartier de ce qu’il reste de San Francisco. Un groupe d’hommes mené par Malcolm cherche à regagner le poste de contrôle d’un barrage hydraulique afin de pourvoir leur cité en électricité. Une entreprise qui va  précipiter la rencontre avec les singes, jusqu’à l’affrontement inévitable.

La genèse de La Planète des singes, épisode 2. Forts des chiffres satisfaisants de La Planètes des singes : les origines, les pontes de la Fox donnent leur aval pour une suite. Réalisateur du premier film, Rupert Wyatt est rapidement écarté pour cause de « différends artistiques ». Une manière diplomatique de dire que le réalisateur envisagé ne fait plus l’affaire car refusant de se plier aux desideratas du studio. Lui succède Matt Reeves, réalisateur de Cloverfield et de Let me in (remake de Morse), avec l’ambition de rester dans la continuité du travail déjà accompli. Autrement dit, le récit se fait volontiers intimiste, épousant la trajectoire de César et son évolution. Pour étrange qu’il puisse paraître dans le cas d’un blockbuster, ce choix apparaît somme toute logique compte tenu de la démarche de cette entreprise qui consiste à une relecture des films passés. Du démarquage de La Conquête de la planète des singes succède donc fort logiquement celui de La Bataille de la planète des singes, avec néanmoins une tendance plus marquée pour la photocopie.

De cet Affrontement, rien ne surprend, à commencer par le parti-pris de se focaliser davantage sur les singes que sur les hommes. Digne héritier des films des années 70, ledit parti-pris trouve ici un prolongement des plus chaotiques. S’ouvrant sur une vingtaine de minutes en totale immersion au sein de la société édifiée par César, L’Affrontement ne nous dit paradoxalement rien de celle-ci. Tout semble avoir été pensé dans le seul but d’icôniser les singes, à défaut de véritablement développer leur mode de fonctionnement. Ainsi les voyons-nous chasser, arborant pour certains de belles peintures de guerre (ça fait plus classe), sans pour autant que l’on sache s’ils agissent ainsi pour se nourrir, ce qui induirait qu’ils sont devenus carnivores, ou tout simplement pour récupérer les peaux de bêtes et les utiliser pour leurs habitations. Cette indécision dénote une certaine frilosité quant à l’approche des personnages simiesques qui se retrouve tout au long du film. Bien que le scénario prenne bien soin de surligner ses intentions (démontrer qu’il y a du bon et du mauvais en chacun, que l’on soit singe ou humain), les personnages simiesques bénéficient de davantage de bienveillance. Les principaux enjeux du film se jouent à leur niveau, ce qui ne va pas sans une bonne dose de pathos les concernant. Cette orientation est notamment prégnante lors de la bataille qui oppose – enfin – les deux camps, avec une caméra qui s’attarde plus que de raison sur chacune des morts côté singe, alors que ce sont eux qui ont donné l’assaut. Ce morceau de bravoure – le seul en fait – pâtit là encore d’une volonté trop marquée de chercher l’image iconique (Koba et ses deux fusils mitrailleurs) pour un résultat le plus souvent brouillon. La bataille donne ainsi l’impression d’être perdue par les singes (on jurerait qu’ils succombent tous sous la puissance de feu adverse) avant que l’issue n’en soit totalement chamboulée à la faveur d’une action aussi culottée que grossière, pour laquelle Matt Reeves tente un effet de mise en scène superfétatoire. Et que dire du climax, long et laborieux combat entre les deux singes antagonistes qui perd toute sa portée dramatique à force de surenchère, là où son aîné avait su faire de la simplicité sa principale force.

L’affrontement du titre est donc plutôt a chercher entre ces deux personnages-là qu’entre les singes et les humains. L’affrontement entre les deux espèces se limite à une brève escarmouche, l’étincelle devant mener à la grande bataille que laisse augurer le discours final de César. Ce dernier, meurtri par la tournure des événements, n’en assume pas moins les conséquences, en grand chef qu’il est. La guerre s’annonce inévitable (mais rien n’est moins sûr, tant les responsables de cette genèse n’aiment rien moins que de botter en touche), mais son issue incertaine malgré le fait qu’elle doive conduire à la situation narrée dans La Planète des singes, pour un autre remake, but avéré de l’entreprise. César apprécie trop les humains pour qu’on puisse l’imaginer contraindre cette espèce à l’esclavage. Ou alors cela induirait qu’il vienne à mourir dans l’un des films à venir (j’ignore combien de films sont prévus pour boucler la boucle), martyr au nom d’une cause perdue, la cohabitation des espèces.

Sous couvert d’une approche plus émotionnelle et intimiste, La Planète des singes : l’affrontement n’est qu’un blockbuster de plus qui n’a que ses prouesses techniques à faire valoir. Et encore, entre une performance-capture portée au pinacle (un Oscar pour Andy Serkis ! sic) qui ne serait rien sans les retouches des infographistes et une 3-D inutile – pléonasme – car inexploitée et assombrissant de trop une photographie déjà peu lumineuse (le récit navigue entre sous bois pluvieux et ruines mal éclairées), la plus-value technologique n’est que poudre aux yeux. Film sans vie et sans idées (on s’ennuie très vite devant un cheminement couru d’avance), cet Affrontement n’a même pas le courage de ses intentions se forçant maladroitement à développer des personnages humains qui l’embarrassent plus qu’autre chose. Ainsi Malcolm et sa famille recomposée ne sont là que pour faire écho à la propre famille de César (une femme en souffrance, un aîné en pleine crise d’adolescence), dans un parallèle d’école qui ajoute au pathos ambiant. A défaut de l’aube (cf. le titre original), cet opus marque le crépuscule d’une saga qui a perdu toute sa singularité en devenant une grosse machine à fric.

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