CinémaScience-Fiction

La Conquête de la planète des singes – J. Lee Thompson

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Conquest of the Planet of the Apes. 1972.

Origine : États-Unis
Genre : Révoltant
Réalisation : J. Lee Thompson
Avec : Roddy McDowall, Don Murray, Hari Rhodes, Natalie Trundy…

20 ans ont passé depuis les décès tragiques de Cornelius et Zira, les deux évadés de la planète des singes. 20 années durant lesquelles leur fils, César, a grandi sous la protection de Armando, demeurant étranger aux évolutions de la société. Seulement, lorsqu’il découvre l’horrible vérité –les singes, qui se meuvent désormais presque comme des hommes, sont utilisés et traités comme des esclaves–, il ne peut étouffer un cri de colère (« Salauds d’humains ! ») aux conséquences insoupçonnées. Devenu lui-même un esclave, César vit désormais de l’intérieur les horreurs que les hommes font subir à son espèce. La mort accidentelle de Armando, son père de substitution, lui fournit le point de départ pour donner libre court à sa colère. Et c’est fort de son statut de singe parlant qu’il s’impose en leader de la rébellion à venir.

Troisième suite donnée au classique de Franklin J. Schaffner, La Conquête de la planète des singes se donne pour objectif l’illustration de la prophétie contée par Cornélius lors de l’épisode précédent. Pour mémoire, il était question d’Aldo, le premier singe à avoir dit « non » à l’homme. Seulement cela ne s’est pas fait en un jour, sa révolte découlant d’un long processus. A la suite de l’extinction des chiens et des chats à cause d’un virus ne touchant ni l’homme ni les singes, ces derniers ont peu à peu été adoptés en tant qu’animaux de compagnie. En l’espace de deux siècles, les singes ont fini par s’acclimater au langage humain et à développer de nombreuses attitudes humanoïdes comme celle de marcher sur leurs seules pattes postérieures. Tant et si bien que les hommes n’ont pas hésité une seconde à les asservir, leur réservant toutes les tâches subalternes (ménage, service…). Et ce n’est qu’un siècle plus tard que le vent de la révolte s’est mis à souffler parmi les singes, sous l’impulsion du fameux Aldo.

Pourtant auteur de ladite prophétie, Paul Dehn, le scénariste attitré de la saga depuis Le Secret de la planète des singes, en a totalement bouleversé la temporalité. Dans le film, il a fallu moins de 10 ans pour que les singes passent du statut de simples animaux domestiques à celui d’esclaves. Et seulement quelques jours seront nécessaires à César pour fomenter la rébellion de ses pairs. Si la première compression de temps n’est en rien dommageable, le film nous introduisant directement dans cette société aux fondements nouveaux que nous tenons pour acquis, la seconde l’est davantage dans la mesure où elle confère à l’action de César un côté artificiel et bâclé. La révolte des singes se limitant à une grosse demi-heure, tout va beaucoup trop vite. Ainsi, l’ascendant de César sur ses congénères se révèle immédiat et ne semble souffrir aucune contestation. Il ordonne, ils exécutent. Et tant pis s’il le fait en leur parlant comme à des hommes alors que ses congénères ne sont pas encore en mesure d’assimiler toutes les finesses du langage. Il y a là comme une incohérence sur laquelle le film passe allégrement. En même temps, nous n’en sommes plus à une près, la principale tenant au nom du rejeton de Cornelius et Zira, curieusement baptisé ici César alors qu’il se prénommait Milo dans le film précédent, en hommage à leur ami scientifique défunt. Certes, on peut comprendre que le scénariste ait préféré attribuer le nom d’un conquérant au chef de file de la rébellion simiesque, cependant, quitte à changer de nom, autant lui attribuer celui d’Aldo, patronyme autrement plus en phase avec la mythologie développée par la saga. En outre, César ne prend sa réelle dimension que lors d’un discours final particulièrement vindicatif, haranguant les foules autant qu’il invective le gouverneur déchu. A ce propos, la version cinéma du film a connu quelques déboires avec la censure de l’époque, obligeant notamment son réalisateur à alléger le discours de César, jugé trop jusqu’au-boutiste. C’est cette version adoucie dont je traite, et pour ma part, je considère qu’elle colle mieux avec la personnalité de César telle qu’on peut la percevoir. Au fond, sa révolution est plus impulsive que réfléchie, née de sa profonde tristesse à l’annonce du décès d’Armando. Bien qu’il soit légitimement choqué par la manière dont sont traités ses semblables (électrochocs, coups répétés, parcages dans des cages…), César cherche avant tout à venger la mort de son père de substitution. Sa haine des hommes naît d’abord de leur responsabilité à ce sujet, la cause simiesque passant au second plan. Il épouse donc la cause révolutionnaire davantage par intérêt que par conviction. Nous sommes loin de la figure du preux chevalier, César s’avérant un personnage plus complexe et ambigu qu’il n’y paraît.

Ambigu, La Conquête de la planète des singes l’est moins dans ses intentions. Depuis ses origines, cette saga a toujours présenté l’intérêt de nimber le divertissement d’usage d’un sous texte politique sans avoir à chausser de trop gros sabots… jusqu’à ce quatrième opus. Le film nous dépeint une société oppressive et aseptisée aux rues et immeubles d’une neutralité immaculée. Tout est cloisonné voire réglé comme du papier à musique à l’image de ces manifestations ouvrières parfaitement chronométrées. Dépasser le temps imparti occasionne l’arrivée massive des forces de l’ordre dont les uniformes renvoient lourdement à l’habillage des régimes fascistes. De même, l’analogie entre la situation des singes dans le film et celle des afro américains dans la société américaine de l’époque ne brille pas par sa subtilité. Et comme si cela ne semblait pas assez limpide, les dialogues en rajoutent une couche par l’intermédiaire du conseiller noir du Gouverneur (et accessoirement le plus tolérant à l’égard des singes), qui en appelle au statut d’esclaves de ses ancêtres pour traiter d’égal à égal avec César. Heureusement, tout le film n’est pas calqué sur ce registre, parvenant encore à surprendre par le biais de dialogues moins lourdement significatifs (le cri du cœur du Gouverneur) et de menus détails qui nous éclairent sur les réalités de cette société (les revendications des ouvriers humains).

Paradoxe de cette saga, chaque suite bénéficie d’un budget moindre que le précédent. Vieux briscard de la réalisation, John Lee Thompson a dû composer avec un budget famélique pour un film au postulat pourtant ambitieux. Cela se ressent notamment dans la description de cette mégalopole futuriste qui en l’état se limite à deux barres d’immeubles et quelques rues. Et comme si cela ne suffisait pas, le comité de censure lui a mis des bâtons dans les roues en l’obligeant, outre le fameux discours final de César, à adoucir les scènes d’émeute, amoindrissant quelque peu leur impact. En dépit de ces écueils, John Lee Thompson est parvenu à emballer un spectacle honorable, une bonne petite série B qui aurait néanmoins gagné à durer plus longtemps pour ne pas paraître aussi schématique.

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