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La Fin des temps – Peter Hyams

End of Days. 1999.

Origine : États-Unis
Genre : Fin de règne
Réalisation : Peter Hyams
Avec : Arnold Schwarzenegger, Gabriel Byrne, Robin Tunney, Kevin Pollak, CCH Pounder, Udo Kier, Rod Steiger.

Mercredi 29 décembre 1999 – Alors que la ville de New York est en pleine effervescence à l’approche du Nouvel An, l’ex flic Jericho Cane manque de se faire tuer en protégeant son client. Du nanan pour qui exerce la profession de garde du corps. L’improbable tient à l’identité du tireur, un prêtre. L’affaire prend une tournure encore plus étrange lorsque l’homme d’église est retrouvé crucifié au plafond de sa chambre d’hôpital. Des inscriptions scarifiées sur la peau du mort mettent néanmoins Jericho et son partenaire Bobby sur la piste de Christine York, une jeune femme qu’ils sauvent in extremis des mains d’une bande de fanatiques religieux. Une menace bien dérisoire face à celle qui s’annonce. Selon une prophétie, chaque millénaire Satan revient sur Terre afin de retrouver l’Élue qui enfantera de sa progéniture, point de départ d’une nouvelle ère dont il sera le maître incontesté. Loin de saisir immédiatement toute la portée des textes sacrés, Jericho Crane pense pouvoir protéger Christine York à sa manière, autrement dit la manière forte. Or à ce petit jeu là, Satan est le plus fort, comme il s’en rendra vite compte. Pourtant, il ne désarme pas, bien décidé à ce que ce passage à l’an 2000 reste une fête et non pas le commencement de la fin.

Cette fin de deuxième millénaire s’annonce crépusculaire pour Arnold Schwarzenegger. Maître incontesté de Hollywood jusqu’au mitan des années 90 et True Lies, une série de choix plus qu’hasardeux aura peu à peu conduit son public à se détourner de lui. A trop s’enferrer dans son personnage goguenard lorsqu’il touche à l’action (L’Effaceur, Batman & Robin), ou à pousser trop loin dans le décalage vis à vis de son image publique (Junior qui repose uniquement sur la promesse de mettre le Terminator “enceint”), mais toujours dans le souci de ne jamais choquer, Arnold Schwarzenegger est devenu prévisible. Voire pire, sa propre caricature. S’imaginant encore un avenir dans le cinéma, il décide de changer son fusil d’épaule. Au moment où son meilleur ennemi Sylvester Stallone a rappelé au monde entier quel formidable acteur il pouvait être le temps d’un Copland guère suivi d’effets, le chêne autrichien tend à davantage de gravité. Pour cela, il s’en remet au fantastique, genre qui lui a plutôt bien réussi jusque-là. Et en guise d’antagoniste à la hauteur, rien de mieux que le diable en personne. Cette ambiance fin de siècle a inspiré à Hollywood toute une série de films qui de L’Associé du diable aux Ames perdues, en passant par Le Témoin du Mal ou encore Stigmata repose sur le sempiternel combat entre le Bien et le Mal sous son jour le plus traditionnel. Schwarzenegger oblige, La Fin des temps joue dans la catégorie des blockbusters avec la lourde charge de renvoyer sa star vers les sommets. Une obligation de résultat qui ne va pas sans tensions, auxquelles Marcus Nispel, le réalisateur initialement choisi, ne résistera pas. Rompu aux clips musicaux, le néophyte se heurte aux desiderata de sa star, laquelle voit d’un mauvais oeil que le réalisateur allemand n’en fasse qu’à sa tête. Remercié au bout d’un mois de travail, Marcus Nispel est remplacé par Peter Hyams, vieux routier dont les derniers bons films datent du début des années 80 (La Nuit des juges, 2010 : l’année du premier contact). Une nouvelle guère rassurante pour un film parti sur de bien mauvaises bases.

Arriver aussi tardivement sur un tournage n’augure rien de bon. Et à l’époque, voir apposer au film la signature d’Allan Smithee, l’alias synonyme de grosses galères, n’aurait rien eu d’incongru. Sauf que Peter Hyams ne mange pas de ce pain-là. Qu’on apprécie ou pas son travail, force est de reconnaître qu’il l’assume sans faux-semblants. En outre, qu’il assure lui-même la photographie de bon nombre de ses films lui permet de gagner un temps précieux dans leur conception. Un atout non négligeable lorsqu’il s’agit de mener à bien un projet tributaire d’une date de sortie immuable sous peine de paraître immédiatement hors sujet. Il ne faut donc pas attendre davantage de lui que le minimum syndical, d’autant qu’à l’époque, il sort de The Relic, énième film de monstres en lieu clos décalquant Alien. Visuellement, La Fin des temps n’innove pas et marche sur les plates-bandes de ses contemporains, empruntant ses hordes de démunis au service de satan au Prince des ténèbres de John Carpenter ou l’ambiance poisseuse à Se7en. Il en va de même de la représentation du Malin, pas tant sur le plan physique (sous son vrai jour, il s’apparente à une gargouille géante, dernier travail de Stan Winston à qui le film est dédié) que sur le plan comportemental. Sous les traits d’un Gabriel Byrne en service minimum, ce diable-ci s’impose en bonimenteur envieux, plus mortel que les mortels dans sa volonté de jouir des choses sans entraves. Il offre au film ses quelques moments déviants comme le baiser fougueux accompagné d’une main balladeuse qu’il adresse à une femme sous les yeux de son compagnon, ou ce plan à trois en compagnie de l’épouse et de la fille de l’un de ses adorateurs. Il s’abandonne aussi à quelques colères mesquines lorsque les événements ne tournent pas dans son sens et se venge malicieusement d’un jeune indélicat. Et pour bien souligner son côté sans foi ni loi, il traverse les rues en prenant bien soin d’éviter les passages cloutés et urine sur la police. Plus qu’un ange déchu, un rebelle dont certains adorateurs sont dotés d’une force surhumaine inexplicable. Face à ce personnage gentiment rock’n’roll, le camp du Bien révèle des failles que le scénario se garde bien d’explorer. Les scènes au Vatican s’entourent d’un voile complotiste en mode Le Parrain mais n’entrent jamais dans le détail des divers cercles qui s’y opposent. Leur vacuité saute aux yeux lorsque le Pape, devant l’échec cuisant de ses initiatives et bien assis dans le même fauteuil à 20 ans d’écart, déclare à sa garde rapprochée qu’il suffit désormais de s’en remettre à Dieu afin d’espérer que la fin du monde n’ait pas lieu. Un beau constat d’échec asséné sans arrières pensées. Cette Foi aveugle qui confine à la passivité n’est pas questionnée au contraire de celle trop longtemps tue et qui ne demande qu’à rejaillir au moment opportun. Le résultat revient au même, faire triompher le Bien au terme d’un combat homérique. Et dans ce registre, Arnold Schwarzenegger paraît la personne la plus appropriée.

Pour louable qu’elles soient, la quête de nouveauté et la remise en question pemanente d’Arnold Schwarzenegger se heurtent à un obstacle de taille : lui-même. Il se lance dans La Fin des temps avec l’envie de se montrer sous un jour plus faillible et moins rigolard. Sur ce point, il n’y a pas tromperie sur la marchandise. Il réduit ses bons mots au strict minimum et interprète un homme détruit depuis l’assassinat de sa femme et de sa fille. Pas de quoi rire, en effet. Et pour que les choses soient claires d’emblée, sa première apparition s’effectue en clair-obscur, le canon de son Glock 9mm pointé sur lui. Jericho Cane a des pulsions suicidaires et noie régulièrement son chagrin dans l’alcool. Arnold Schwarzenegger n’avait encore jamais interprété de personnage autant au fond du trou. L’ennui c’est qu’au-delà de l’acteur, il y a la figure publique. Et Schwarzie veut être un exemple pour la jeunesse. Il a donc l’alcoolisme discret. Quelques cadavres de canettes de bière dans son appartement et une rapide gorgée d’un alcool fort avant d’affronter littéralement ses démons doivent suffire à l’illustrer. Quelques lignes de dialogue y font également référence mais ne comptez pas sur lui pour s’abandonner à l’ébriété. Il doit se montrer fort en toutes circonstances. Que Satan lui fasse vivre l’assassinat de sa famille et Jericho, plutôt que de s’effondrer, dégaine son arme et affronte son cauchemar avec fougue et détermination. Il en ira de même de sa lutte intérieure à l’issue forcément spectaculaire. Dans sa volonté farouche de ne pas (ou plus – difficile d’oublier son Mister Freeze les pieds enfoncés dans d’horribles pantoufles à tête d’ours polaire) écorner son image, Arnold Schwarzenegger phagocyte le film crépusculaire que La Fin des temps aspirait à être en l’amenant sur le terrain du film d’action lambda. Jericho sort donc les grosses pétoires pour sauver le monde, joue les funambules accroché à un hélicoptère et survit au déraillement d’une rame de métro. Il fait dans l’attendu en somme, même si le scénario lui réserve quelques moments de faiblesse, comme ce passage à tabac qui se termine par une crucifixion en pleine rue. Une scène à la portée hautement symbolique. A partir de là, tel Clint Eastwood dans Le Retour de l’inspecteur Harry, il renaît de ses cendres pour mieux triompher de l’adversité. Il aura beau jeu, en pleine épiphanie, de troquer les armes à feu pour la Foi, Jericho n’en reste pas moins un homme d’action, l’homme providentiel d’un monde proche de la bascule dans les ténèbres. Malheureusement, à trop tirer la couverture à lui, ni les personnages secondaires (Kevin Pollak en ami à la traîne et Robin Tuney en femme en détresse dont il faut préserver la virginité), ni le contexte du passage à l’an 2000 ne prennent corps. Trop occupé à chercher sa promise, Satan se contente de faire exploser deux-trois conduites de gaz et d’ébranler deux églises – toujours suivant cette recherche du spectaculaire – mais rien qui risque de perturber la vie des new-yorkais. Ces derniers n’existent pour ainsi dire pas, insectes dérisoires voués à être écrasés dixit Satan lui-même, trop occupés à célébrer l’entrée dans le 21e siècle, présenté comme un moment historique. Si dans le film, Satan repart la queue entre les jambes, contraint de patienter à nouveau 1000 ans pour tirer son coup, dans la réalité, nous avons véritablement basculé dans les ténèbres. Mais ça, nous l’ignorions encore.

Les temps sont durs pour les héros. En dépit de ses efforts, Arnold Schwarzenegger n’a pas su regagner les coeurs. Dans une industrie cinématographique toujours plus frileuse, ses émoluements et ses projets onéreux constituent de sérieux freins. C’était encore l’époque où l’on pouvait rêver de son film sur les Croisades sous la houlette de Paul Verhoeven. Sauf que comme lui, le cinéaste hollandais n’entrait plus dans les bonnes grâces des studios, et c’est justement L’Homme sans ombre qui partage le même scénariste que La Fin des temps qui aura raison de sa carrière hollywoodienne. Arnold Schwarzenegger n’en est pas encore là, multipliant les projets même si bien peu verront le jour. Rétrospectivement, le titre du film de Peter Hyams fait écho aux carrières de Schwarzenegger et Sylvester Stallone. Et ce n’est qu’en tentant de renouer avec leur glorieux passé en réincarnant leurs personnages emblématiques qu’ils se rappelleront à notre bon souvenir. Non sans nostalgie et un peu de pathétisme.

Une réflexion sur “La Fin des temps – Peter Hyams

  • C’est le dernier véritable succès de Schwarzenegger, après cela tout ses films seront des bides, jusqu’à qu’il devienne gouverneur de Californie.

    Pour le film, je l’ai vu il y a plusieurs jours, malgré un son pourri. Cela reste un bon actioner, dans le genre Schawrzy contre le diable. La photo est superbe, et Peter Hyams a fait du bon boulot, les scènes d’actions sont divertissantes, et bien réalisé et les méchants font le taf sans être géniaux, mention spéciale à Gabriel Byrne en Diable qui a l’air de s’amuser après avoir jouer le prêtre exorciste dans Stigmata. Il y a une atmosphère poisseuse à la Seven, qui va bien avec cette fin du temps, les deux films partageant des références à La Bible.

    Le film reste conventionnel et n’offre rien de mémorable, à part cette scéne entre Jericho et le diable qui lui promet de retrouver sa famille. C’est la meilleure scéne du film. Par contre le diable malgré qu’il doit se sentir étriqué dans son costume d’être humain, j’ai du mal à croire qu’il galère autant pour retrouver sa promise.

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