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L’Ordre et la sécurité du monde – Claude d’Anna

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L’Ordre et la sécurité du monde. 1978

Origine : France 
Genre : Thriller politique 
Réalisation : Claude d’Anna 
Avec : Bruno Cremer, Laure Dechasnel, Dennis Hopper, Donald Pleasence…

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Hélène Lehman (Laure Dechasnel) se rend à Zurich pour y retrouver son amant avec lequel elle a l’intention de rompre. Durant le trajet, elle partage sa cabine avec un dénommé Lucas Richter (Bruno Cremer) dont le hasard les amène à intervertir leur passeport respectif. Se rendant compte trop tard de sa maladresse, elle tente par tous les moyens de joindre Richter, en vain. Toutefois, ses efforts sont remarqués et un inquiétant individu –Medford (Dennis Hopper)– entre en contact avec elle, persuadé qu’elle sait où se trouve Richter. Après avoir réussi à lui échapper, Hélène prend le train de nuit en direction de Paris, se rappelant que Richter lui avait dit qu’il retournait à la capitale dans la soirée. Et si à bord, elle tombe effectivement sur lui, Medford n’est pas loin, toujours tapi dans l’ombre à les épier… Mais que cherche t-il ?

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Hasard de la distribution, ce 30 août 1978 sortent sur les écrans deux films français qui se questionnent sur la place de l’individu au sein de la société contemporaine. Ce sont Le Dossier 51 de Michel Deville et ce L’Ordre et la sécurité du monde qui nous intéresse ici. Si le premier s’attarde sur le flicage grandissant des individus au mépris de leurs libertés les plus élémentaires, Claude d’Anna se concentre sur l’influence grandissante des multinationales sur les destinées du monde. Bien à l’abri dans leurs bureaux cossus, les dirigeants de ces multinationales jouissent d’un réel pouvoir de nuisance, fomentant à leur guise ici un coup d’état, là un massacre de civils pour déstabiliser le gouvernement en place… Les individus ne sont alors plus que des pions qu’ils déplacent selon leur bon vouloir, voire qu’ils font disparaître sans aucun scrupule.
Hélène et Lucas incarnent deux de ces pions qui pensent de manière illusoire avoir encore leur destin en main alors qu’ils ne sont en réalité que des sursitaires. Leur fuite éperdue ne saurait masquer bien longtemps son caractère désespéré puisque en contrepoint, Claude d’Anna filme avec une froide neutralité les négociations entre les deux firmes concurrentes qui président à leur avenir. Ils se retrouvent donc doublement pris au piège, à la fois physiquement des compartiments du train Zurich-Paris et plus généralement d’un monde entièrement régi par l’argent au sein duquel on ne peut plus se fier à quiconque qu’à soi-même. Lucas Richter en fera l’amère expérience. Ancien journaliste, il a payé cher son indépendance et son objectivité en ayant fait de la prison après avoir critiqué des gens qu’il avait autrefois soutenus. Sans avoir une vision idéaliste du monde dans lequel il s’ébat, il espère néanmoins que les choses finiront par changer. Bien que cela ne soit pas clairement explicité dans le film, il apparaît évident que c’est cet espoir qui l’a poussé à accepter de récupérer le dossier qui, en cas de divulgation, risquerait de compromettre les desseins d’une société américaine –la R.O.A – sise dans un état africain. De part la conclusion – implacable–, du film et de l’état de notre société à l’heure actuelle, son comportement nous apparaît comme particulièrement naïf. Il s’est lancé dans un combat perdu d’avance dont il semble accueillir l’issue avec un certain flegme. Un flegme qui tend au fatalisme et qui se marie mal avec la volonté du réalisateur de créer un climat étouffant. Si les quelques scènes dans un Zurich austère et désert dans lequel se perd une Hélène Lehman totalement dépassée par les événements mettent en appétit, la
suite baigne dans une torpeur handicapante que le recours à un compte à rebours factice entrecoupant le récit d’un constant repère temporel ne suffit à annihiler complètement. Une fois les protagonistes de retour dans le train, la tension retombe d’un cran au profit des intrigues bureaucratiques. Les personnages se figent, à l’image de Medford, le tueur hiératique qui ne quitte pas des yeux le couple de fuyards. Et lorsque Claude d’Anna s’autorise une scène d’action –une course-poursuite entre Medford et Richter conclue par une bagarre sur le marchepied d’un train en mouvement–, celle-ci sonne comme une faute de goût en plus d’être paresseusement mise en scène. Dès lors, les petits plaisirs se font rares et résident tout entier dans des dialogues parfois savoureux entre Hélène et Lucas, qui trompent leur ennui comme ils peuvent. Par exemple, à une réplique un peu sèche de Richter, Hélène lui rétorque sans se démonter : « Vous pouvez tout aussi bien me parler gentiment. Ça ne me montera pas la tête ! ».
A ce propos, cette beauté glacée au phrasé un peu précieux dans le plus pur style Catherine Deneuve, n’est pas sans évoquer certains personnages féminins hitchcockiens. On trouve dans la trajectoire de Hélène Lehman un aspect moraliste que n’aurait pas renié le cinéaste anglais. Totalement étrangère à ce qui se trame, elle ne se retrouve embringuée dans cette affaire qu’à cause de son adultère. Si elle n’avait pas trompé son mari, elle n’aurait eu aucune raison de se rendre à Zurich. Et le fait qu’elle effectue le voyage dans le but de rompre avec son amant ne change rien à l’affaire. Elle a fauté et le récit se fait fort de la châtier pour cela. J’ai l’air de schématiser, pourtant, je ne vois pas quel autre but aurait pu poursuivre le réalisateur en intronisant ce passif au personnage. Néanmoins, le plus amusant demeure cette forme d’impassibilité face aux événements. Même au plus fort de la menace, elle ne se départit jamais d’un calme olympien et d’une attitude altière. Le charme de la bourgeoisie, sans doute.

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Tentative louable de thriller politique à la française, L’Ordre et la sécurité du monde pêche par un rythme trop languissant. Les enjeux de l’histoire tardent à se mettre en place et lorsqu’ils le sont enfin, le récit tourne court, distillant une pesante fatalité qui ôte toute surprise. Même la distribution luxueuse et hétéroclite (Michel Bouquet, Donald Pleasence, Joseph Cotten, Dennis Hopper), passée la surprise de la découverte, laisse sur sa faim faute de rôles fouillés pour tout ce beau monde. Au final, ce film s’avère aussi froid et morne que la société qu’il décrit. On peut trouver ça d’une logique implacable ou alors d’un triste ennui.

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