Happy Birthday : Souhaitez ne jamais être invité – J. Lee Thompson
Happy Birthday to Me. 1981.Origine : Canada
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A première vue, Virginia apparaît comme une adolescente comme les autres. Elle fait les 400 coups avec sa bande de copains, éconduit gentiment l’énamouré Alfred et se prend modérément le bec avec son père. Or Virginia est une miraculée. Gravement touchée à la tête lors de l’accident de la route qui a coûté la vie à sa mère, elle ne doit sa survie qu’à l’intervention révolutionnaire d’un chirurgien avant-gardiste pour le compte duquel elle a servi de cobaye. Depuis, elle se porte comme un charme. Tout juste doit-elle composer avec un colossal trou de mémoire pour tout ce qui concerne l’accident et les événements qui s’en rattachent. Heureusement, elle peut compter sur l’entier dévouement du docteur Faraday, lequel se propose de l’accompagner dans son cheminement mental. A la faveur de quelques chocs psychologiques, Virginia revoit des bribes de l’accident comme autant de flashs traumatiques qui l’amènent à douter de sa santé mentale. Alors que ses amis disparaissent un à un sans laisser ni traces ni explications, elle commence à se demander si elle n’a pas quelque chose à voir là-dedans.
Pour le cinéphile aventureux, le slasher peut ressembler à un vaste laboratoire dans lequel bon nombre de réalisateurs et de comédiens ont fourbi leurs armes avant de voir leurs carrières décoller. L’un des pères du genre – John Carpenter – n’en était lui-même qu’à ses balbutiements à l’époque de la sortie de Halloween, titre qui propulsa par ailleurs la jeune Jamie Lee Curtis au rang de reine du slasher. Au début des années 80, au camp de vacances de Crystal Lake, son confrère Kevin Bacon prit du bon temps avant de faire danser la jeunesse américaine (Vendredi 13) lorsque Steve Miner eut l’insigne honneur d’accompagner les premiers pas de Jason Voorhees (Vendredi 13 – chapitre 2 : Le Tueur du vendredi, Vendredi 13 – chapitre 3 : Meurtres en 3D). Durant la même période, Roger Spottiswoode sut prendre le train en marche (Le Monstre du train) quand Tom Hanks se laissait mettre de bonne grâce la bague au doigt (Noces sanglantes). Plus rares sont les réalisateurs chevronnés à s’aventurer dans le genre. John Lee Thompson est de ceux-là. Rompu à tous les genres et peu rétif à l’idée de se confronter à la violence et aux effets gores, le vieux routier se soumet à un bain de jouvence en tentant de s’ouvrir à un nouveau public. Face à tous ces jeunes acteurs, la plupart débutants, il s’appuie sur l’expérience de Glenn Ford, dont la carrière touchait à sa fin, dans le rôle secondaire du docteur David Faraday. Un praticien qui marquera bien moins l’histoire que son homonyme du 19e siècle. N’en déplaise à ce vestige du vieil Hollywood, la véritable attraction du film tient à la présence de Melissa Sue Anderson, Mary Ingalls pour l’éternité dans la série La Petite maison dans la prairie. La série étant toujours en production, la jeune actrice profitait de la période d’interruption entre deux saisons pour donner un tour plus “adulte” à sa carrière.
Fondamentalement, le personnage de Virginia ne paraît pas très éloignée de celui de Mary Ingalls. Fille aimante, elle doit composer avec son lot de malheurs, ici un grave accident qui a coûté la vie à sa mère et qui aurait pu elle aussi la laisser sur le carreau, sans jamais se départir d’un moral à tout épreuve. Toutefois, le traitement diffère. Il est hors de question de s’apitoyer sur son sort. D’ailleurs, hormis le docteur Faraday, tous semblent ignorer qu’elle revient de loin. Cela permet à Virginia de se comporter comme une fille de son âge, de s’amuser de bon cœur et de susciter la convoitise des mâles en rut qui l’entourent. Le scénario ne pousse pas le bouchon jusqu’à la relation sexuelle mais au moins Virginia se montre ouverte à la question, écartant d’un revers de main bien senti les côtés prudes de la plupart des héroïnes de slasher. Elle s’amuse de l’amour sincère que lui voue le marginal Alfred pour mieux répondre aux avances de Rudi puis carrément prendre le taureau par les cornes avec Steve. Sur le plan de la sexualité, les 10 copains se montrent relativement libres. A un couple solide près – Amelia et Greg – tous changent de partenaire au cours du récit sans que cela crée de réelles dissensions dans le groupe. Ça batifole gaiement mais toujours dans le confort de leur classe sociale. Car ces 10 là forment une sorte d’élite, la vitrine de la Crawford Academy non pas tant sur la foi de leurs bons résultats scolaires que sur celle de leurs ascendances. Ce sont toutes et tous des filles et des fils de bonnes familles. En découle une certaine morgue pour tous ceux qui n’appartiennent pas à leur cercle qui vire parfois à l’animosité pure et simple envers les représentants du bas peuple (Greg Hellman qui n’en peut plus des chants de la confrérie qui envahissent la taverne où les 10 ont leurs habitudes). Il en ressort des personnages guère aimables que le récit s’ingénie à maintenir en vase clos. A cela s’ajoute une conception toute personnelle de l’amitié qui amène aucun d’entre eux à se soucier réellement de la disparition de leurs amis. A l’exception d’Amelia, réellement amoureuse de son Greg, ils accueillent cela avec sérénité, comme si c’était dans leurs habitudes de disparaître sans prévenir quiconque. Sur ce point précis, le scénario manque de rigueur. Il paraît impensable que personne ne s’inquiète outre-mesure de ces disparitions, à commencer par les propres parents des disparus. A leur niveau, au-delà de la légitime angoisse parentale, la possibilité d’un kidnapping n’est pas à exclure. Or le versant policier du récit en occupe une portion congrue. La place dévolue à l’inspecteur chargée de l’enquête confine presque à la blague tant il semble passer totalement à côté de son sujet. Sa présence ne semble justifiée que par ce plan final qui voit l’accomplissement du plan machiavélique du mystérieux tueur par un biais inattendu.
Il émane de toute cette intrigue un manque de naturel, un côté préfabriqué qui joue contre le film. Apparemment, la fin retenue n’était pas celle prévue dans l’une des premières versions du script. Ce coup de théâtre improbable digne d’un épisode du dessin-animé Scooby-Doo aurait été rajouté au dernier moment. Cependant, les problèmes surviennent bien en amont, notamment dans cette volonté de semer le doute dans l’esprit du spectateur. Épousant la forme du whodunit mais exclusivement à l’adresse du public, les personnages ne se posant absolument aucune question à ce sujet, Happy Birthday to Me cherche absolument par tous les moyens à cultiver les fausses pistes. Tant et si bien que la majorité de la bande des 10 apparaîtra à un moment où à un autre comme un suspect potentiel. Des soupçons qui ne doivent rien au hasard ou à des coïncidences, découlant pour la plupart directement du réalisateur. Il faut voir Rudi, couteau à la main, fixer de manière inquiétante Virginia alors qu’il faisait encore le mariole deux minutes auparavant. Ou Alfred, l’original du groupe par son appétence pour la taxidermie et dont la timidité s’envole comme par magie au moment de l’intrusion de Virginia et Ann dans son macabre intérieur. Comme si jouer à domicile le galvanisait, il se montre provocateur et un brin pervers dans sa manière de cultiver le chaud et le froid. Derrière chaque gros plan appuyé sur l’un ou l’autre des comédiens, on ne perçoit plus la vérité des personnages mais les indications du réalisateur, cherchant par tous les moyens à semer le doute dans l’esprit des spectateurs. La logique intrinsèque du récit vole en éclat au service d’un suspense artificiel qui connaîtra de nombreux soubresauts à mesure que Virginia retrouve la mémoire. A partir d’une scène bien précise – le meurtre dans le cimetière sur la tombe de la mère de Virginia – le film joue une autre partition. Plus directe – l’identité du tueur nous est alors dévoilée – l’intrigue se nimbe des atours du giallo avec son héroïne bafouée dont les tourments sont à chercher du côté des frasques de sa mère. Le récit avance ainsi entre flashbacks et visions cauchemardesques, altérant notre perception de ce qui relève du rêve ou de la réalité. Cette réalité se tapit dans le drame vécu par la mère. Une femme emplie d’aigreur, délaissée par son mari et qui a cru trouver le bonheur dans les bras d’un autre. Sauf que dans ces milieux aisés, l’adultère avec enfant illégitime à la clé relève de la faute de goût. Son amant, lui aussi l’un des puissants de la ville, préfère la vitrine confortable du couple uni bien sous tous rapports plutôt que recommencer sa vie avec une autre et ainsi admettre ses écarts à la face de la société. La consanguinité sociale a ses limites. J. Lee Thompson ne fait pas son beurre de ce sous-texte. Il est là pour filmer un slasher, il filme un slasher. Ni plus, ni moins. Dans le domaine, il orchestre des meurtres à la violence sèche et sans fioritures, alternant sadisme et efficacité. Le plus original d’entre eux obtenant le droit d’illustrer l’affiche même si l’individu qui y figure n’a rien à voir avec le film. C’est qu’il s’agit de maintenir un minimum de surprises quant à l’identité des victimes.
Si ce n’est montrer Melissa Sue Anderson sous un jour – gentiment – plus déluré (elle se dévoile en soutien-gorge, fait du gringue à un garçon), Happy Birthday to Me ne revêt pas grand intérêt. J. Lee Thompson n’accomplit pas de miracles et ne peut cacher les problèmes de construction du film inhérents aux actions du tueur, un champion dans sa catégorie pour nettoyer les scènes de crime en un temps record. On peut noter également quelques aberrations de montage comme cette chute d’un véhicule dans le vide montrée pas moins de quatre fois, dont trois où elle finit sur le toit et une fois sur les roues. Une broutille qui démontre néanmoins la désinvolture avec lequel ce film a été confectionné. Un slasher qui ne marquera guère les esprits mais qui, après Black Christmas et Le Bal de l’horreur, impose le Canada comme une deuxième terre d’accueil au genre.