Dreamaniac – David DeCoteau
Dreamaniac. 1986Origine : Etats-Unis
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Heavy metalleux à ses innombrables heures perdues, Adam (Thomas Bern) rêve sans états d’âmes pour sa copine Pat (Kim McKamy, future star du X) à une jeune fille rock’n’roll avec laquelle il filerait un parfait amour sous une douche de sang. Piqué de satanisme, il invoque naïvement les forces du mal, qui à sa grande stupeur lui envoient la diabolique Lily (Sylvia Summers) pour remplir ses fantasmes et le rapprocher de l’incommensurable talent de ses idoles, Def Leppard. Le prix à payer est celui du sang. La fête organisée le soir même chez Adam par la sœur de Pat promet bien des choses. Débarquée sans y avoir été invitée, Lily la succube s’en donne à cœur joie.
Débarqué sans y avoir laissé de traces de l’écurie Corman où il officiait à des postes d’assistant de production, David DeCoteau se retrouve peu après dans le giron de Charles Band, patron de l’Empire International Pictures et probablement avec Lloyd Kaufman de la Troma l’un des plus notables fils spirituels du grand Roger dans les années 80. Ensemble, Band et DeCoteau allaient traverser les époques (et les descendantes de l’Empire une fois celle-ci éteinte) en s’associant pour plusieurs dizaines de films dont il est vrai peu (voire aucun) peuvent prétendre à la qualité des productions Corman des années 70. Cette longue collaboration commença donc au milieu des années 80, lorsqu’une connaissance commune les mit en relation pour porter à l’écran un script de DeCoteau baptisé “Succubus” et devenu par la suite Dreamaniac pour mieux évoquer le monde des songes nocturnes. C’est que la star de l’horreur du moment se nommait Freddy Krueger, et que se référer à lui ne pouvait qu’être un plus au moment d’une commercialisation directe en vidéo (sous l’étiquette racoleuse d’une collection “trop gore pour le grand écran”). Et puis de toute manière, la succube apparaissant dans les rêves et étant de nature irréelle, l’écart n’était pas trop grand. DeCoteau n’avait certainement pas pour ambition de se montrer trop scrupuleux sur le respect d’un mythe qu’il n’a invoqué que pour mieux faire sa petite tambouille. C’est à dire envoyer une femme diabolique subjuguer quelques mâles libertins. Qu’elle soit une succube ou Freddy en jupes, qu’elle soit apparue en rêve avant de s’inviter dans la réalité par un grimoire lu par un adepte de magie noire n’a aucune sorte d’utilité, même pas celle de conduire le réalisateur à créer un univers collant à ces prémices. En revanche, que le héros soit adepte de heavy metal lui permet non pas de manier le thème faustien du pacte avec le diable (l’homme ne joue jamais de musique), mais bien d’orner les murs de la chambre dudit héros d’affiches de groupes chevelus. Cela demande moins d’efforts et en plus le public cible pourra s’en montrer ravi. Ou s’en foutre copieusement, ça ne changera pas grand chose. Abyssaux dans la débilité, incarnés par des acteurs navrants, les personnages de Dreamaniac n’ont aucune sorte d’intérêt, pas plus pour les seconds couteaux (au choix prudes / dévergondés / rigolos et autres caractéristiques habituelles de la série B) que pour les rôles principaux. Notre metalleux Adam ne sert qu’à invoquer sa succube et passe son temps à se demander s’il n’aurait pas fait une bêtise, sa petite amie -devenue héroïne après quelques temps- court après tout le monde pour dire qu’il faut décamper, quant à la succube elle-même, pas grand chose ne la distingue d’un serial killer adolescent. Pas plus qu’elle n’inspire la panique -le film nage dans la torpeur et ses personnages avec- elle n’inspire une quelconque attraction (il est vrai qu’elle nous vient des fantasmes d’un fan de Def Leppard sataniste, avec ce que cela suppose comme style…), et si elle séduit ses victimes avant de les abattre, cela semble plus dû au grand ennui ressenti par l’assistance inconsciente dans cette soirée pourrie qu’à ses capacités d’aguicheuse. De la voir se trémousser avec force cabotinage autour des endives du casting a quelque chose de pathétique. Le summum de la finesse est atteint lorsqu’une donzelle ivre vient vomir de dégoût sur son copain alors en plein acte d’infidélité. La grande classe.
Reste donc le côté horrifique, réduit à peau de chagrin par ce huis-clos qui se limite au jeu de massacre systématiquement préfiguré par des scènes de sexe. La succube étant censée profiter des hommes par leur libido exacerbée, elle ne s’en prive pas. C’est l’occasion pour DeCoteau de poser dès son premier long-métrage les bases de ce qui prévaudra dans sa carrière : les élans homosexuels. En lieu et place des jeunes filles dénudées traditionnellement de mise, évitant même d’accentuer la côté sulfureux de la succube, le réalisateur déshabille ici régulièrement son casting masculin, s’arrangeant à l’occasion pour que les meurtres mettent davantage l’accent sur ces bellâtres en slips que sur le gore. Ce qui explique que ces mises à mort se révèlent plutôt softs, car il faut bien avoir à l’esprit qu’en fin de film les morts se relèveront et que le réalisateur préfère qu’ils soient légèrement vêtus. Ceci dit, n’exagérons pas la volonté de DeCoteau de faire de l’érotisme homosexuel : pour lui, ce n’est qu’un petit plaisir, et non une fin en soit. De finalité, le film n’en dispose pas du tout. Dreamaniac est un film uniquement commercial, que le réalisateur n’a entrepris que pour débuter sa carrière et sur lequel Charles Band, aux dires de DeCoteau, ne s’est pratiquement pas penché. Bénéficiant de clopinettes avec la seule consigne de pondre quelque chose de vaguement proche d’un Freddy, le réalisateur, les débutants qui lui servent d’acteurs et la poignée de techniciens à disposition ont navigué à vue. “Tiens, là j’y mettrai bien un gars en slip”. “Tiens, et si on faisait une scène de gag ?”. “Et là, ça serait bien de mettre des éclairages bariolés”. Voilà comment on pourrait imaginer le déroulement du tournage. Aucune cohésion, juste une foule d’idées préconçues sur ce que doit contenir un film d’horreur. Avec en guise de climax une scène gore il est vrai corsée, mais bien futile au milieu d’un océan de platitude.
Il est entendu que l’Empire de Charles Band est loin de n’avoir engendré que des Re-Animator, mais rares sont les échecs aussi criants que celui-ci. Même dans Breeders (qui avait pour lui d’aller au bout du n’importe quoi), même dans Swordkill (qui avait essayé de mêler cinéma familial, samouraïs et voyage dans le temps), même dans Cellar Dweller (maladroit hommage aux comics horrifiques) il y avait une volonté de faire de la série B pouvant effectivement plaire à quelqu’un. Tous avaient d’ailleurs un certain potentiel. Les résultats pouvaient être navrants, mais ne viraient jamais au foutage de gueule comme c’est le cas ici. Pantouflard et singulièrement moche, Dreamaniac ne peut pas se dédouaner en invoquant simplement son faible budget.