La Course au jouet – Brian Levant
Jingle All the Way. 1996Origine : Etats-Unis
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Père aimant mais trop souvent absent, Howard Langston possède une ultime chance de se racheter aux yeux de son fils, lui offrir pour Noël le dernier jouet à la mode, la figurine de TurboMan. Il lui en a fait la promesse mais arrivé à la veille de Noël, il se rend compte qu’il a oublié de lui acheter. Branle-bas de combat et sus aux magasins de jouets ! Howard n’a plus le choix, il doit affronter la cohue des retardataires et une concurrence d’autant plus féroce que le TurboMan est en rupture de stock un peu partout. Son calvaire commence.
A l’aune de l’improbable succès de Jumeaux, ce qui s’apparentait à une simple marotte s’est mué en véritable choix de carrière. Fini le démasticage en règle de méchants bas du front sans desserrer les mâchoires, place désormais à l’autodérision (Last Action Hero), la parodie (True Lies) ou la comédie bon enfant (Un flic à la maternelle) voire grotesque (Junior). Même cette machine à tuer qu’est le Terminator a eu à souffrir de cette tendance à l’adoucissement dans Terminator 2, jusqu’à tenter de tirer les larmes d’un public qui auparavant n’éprouvait à son encontre que de la peur. Plus que jamais, Arnold Schwarzenegger se positionne en héros tout public, comme pour se dédouaner des envolées gores de Total Recall. Avec La Course au jouet, il franchit un palier supplémentaire dans l’édulcoration de son image en s’adonnant au film de Noël et tout ce que cela présuppose en bons sentiments. Un genre auquel il avait déjà touché en tant que réalisateur pour le téléfilm Noël dans le Connecticut, tourné quelques années auparavant. La réalisation relevant pour lui de la distraction, il laisse ici la place à un spécialiste de la comédie familiale, Brian Levant, déjà aux manettes de Beethoven et de La Famille Pierrafeu.
Passé l’amusant extrait d’une aventure télévisée de TurboMan, suivant les recettes éprouvées de séries comme Power Rangers et Bioman, La Course au jouet distille une forte impression de déjà-vu. Ce père trop pris par son travail et incapable de tenir ses promesses, au risque de heurter la sensibilité de son fils, n’est pas sans évoquer le Peter Banning vieillissant dépeint par Steven Spielberg dans l’horrible Hook. A la partie de base-ball ratée se substitue la cérémonie d’attribution d’une nouvelle ceinture au judo pour un résultat identique : le père dépité arrive trop tard sur les lieux des exploits du fiston, au grand désarroi de ce dernier. Le film pousse le vice encore plus loin en affublant, au prix d’un concours de circonstances opportun, le costume du super-héros tant loué à un père d’abord interdit face à ce qui lui arrive puis saisissant bien vite l’aubaine qui s’offre à lui. Désormais pourvu de l’armure et de tous les gadgets qui la composent, Howard Langston vole littéralement au secours de son fils, terrassant au passage l’ennemi juré de TurboMan, ici figuré par l’infortuné Myron Larabee (l’épuisant Sinbad), autre papa à bout de nerfs qui concourt à la course au jouet. A cette occasion, le récit n’hésite pas à verser dans l’improbable. Tous les moyens sont alors bons, même les plus farfelus, pour que Howard Langston redevienne un héros aux yeux de son fils, et partant reprenne à un personnage de fiction la place qui lui est dû dans le cœur dudit rejeton. Sous couvert de second degré, Arnold Schwarzenegger réaffirme in fine son statut de star du cinéma d’action, son personnage finissant porté en triomphe par une foule en délire et bien loin de l’esprit de Noël.
Nonobstant un humour pachydermique à base de renne éructant, La Course au jouet dynamite joyeusement ce fameux esprit de Noël ne cachant rien de l’aspect mercantile de cette fête. Le Père Noël est finalement un papa comme les autres, supplanté dans l’esprit des bambins par TurboMan. Fort d’une campagne marketing agressive, TurboMan occupe tout l’espace. Il est partout, à la télévision via la série télé qui relate ses aventures, sur les paquets de céréales et en vedette principale de la grande parade annuelle, de laquelle notre bon vieux barbu semble exclu. Il est LE jouet à la mode, celui que tout enfant digne de ce nom se doit d’avoir sous peine d’être ostracisé. Pour obtenir le Graal, les parents perdent toute humanité. Ils se bousculent, s’écharpent, s’invectivent à qui mieux mieux. Profitant allègrement de cette situation pour le moins favorable, les commerçants majorent considérablement les prix. Une arnaque agréée, en quelque sorte, qui ne vaut guère mieux que celle perpétrée par cette bande de faux Pères Noël mais vrais trafiquants, lesquels vendent à des prix exorbitants de viles contrefaçons. L’amour du prochain dans tout ça ? Inexistant. Bienvenue dans le royaume du chacun pour soi. Même le mielleux Ted cache derrière son envahissante gentillesse de sombres desseins. Fraîchement divorcé, le bougre convoite avec force l’épouse d’Howard, bien décidé à occuper la place que son voisin délaisse au profit de son travail. Loin d’apporter une véritable plus-value au film, ce sous-texte aurait plutôt tendance à augmenter la frustration par son manque de mordant. Brian Levant reste à la surface des choses, se gardant bien d’aller trop loin dans la vision acerbe de ses contemporains. Finalement, rien ne distingue la ruée des parents empressés de celle de ces clients survoltés un premier jour de soldes si ce n’est un côté cartoonesque plus appuyé (les empreintes de pas sur le visage du malheureux commerçant qui a libéré les fauves). En outre, le récit se resserre très vite autour du mano a mano entre Howard et Myron et à l’humour répétitif qu’il induit. En gros, les deux hommes se rabibochent pour mieux se quereller à nouveau au gré des opportunités qui s’offrent à eux d’acquérir le précieux joujou. Tout cela manque singulièrement de folie. Les événements traversés par Howard ne prêtent pas à conséquence. Qu’il se mette un agent de police à dos à force de maladresse à son endroit ou qu’il saccage – gentiment – la maison de son voisin honni n’altère en rien le bon déroulement du récit, lequel se dirige tranquillement vers la morale attendue, dispensée par Jamie Langston, pas encore passé du côté obscur de la Force.
Une fois encore, Arnold Schwarzenegger prouve qu’être une machine à bons mots ne suffit pas à faire de lui un bon acteur de comédie. Les comédies dans lesquelles il joue se bornent à jouer du décalage entre cette masse de muscles et un environnement étriqué (Howard qui pourchasse une gamine en arpentant une structure de jeux pour enfants), de le ramener à un quotidien qu’il fait souvent valser à coups de poings (le renne). La proposition est limitée, et le résultat, comme ici, souvent catastrophique. La Course au jouet sonne d’ailleurs le glas de sa parenthèse comique. Par la suite, et au sortir de la bouffonnerie Batman & Robin, Arnold Schwarzenegger tentera de retrouver les bonnes grâces d’un public versatile en renouant avec l’action mais nimbée cette fois d’un soupçon de gravité. Sans grande réussite là encore mais cela est une autre histoire.