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Course contre l’enfer – Jack Starrett

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Race with the devil. 1975

Origine : Etats-Unis 
Genre : Road-poursuite satanique 
Réalisation : Jack Starrett 
Avec : Peter Fonda, Warren Oates, Loretta Swit, Lara Parker, R.G Armstrong…

Et si Race with the Devil était finalement la quintessence de la série B ? A l’heure où son remake est en tournage, voici en tout cas un objet très souvent palpitant et pour le moins globalement prenant, un cinoche qu’on aura vite fait de dater mais qui procurera ce petit frisson qu’on ne ressent que trop rarement dans ces temps modernes aux allures de recyclé, un plaisir simple d’action surfant sur une histoire peu probable mais dont on aurait peu faire des aberrations ou autres invraisemblances, pour capturer l’essence même du plaisir sur pellicule.
Peu ou pas de temps morts ici et surtout quelque chose de nerveux, vaguement paranoïaque, graissé à l’huile de coude, monté à l’ancienne, harnaché in extremis de ressorts lorsqu’il en vient à patiner pour rebondir de plus belle et nous offrir les moments de tension les plus scotchants qui soient. Diable (c’est un pléonasme ici !), que la série B est belle lorsqu’elle arrive à ce niveau d’interaction, et même si je ne saurais prétendre avoir l’apanage du bon goût, les réfractaires ne me paraîtront que de mauvais coucheurs dans leur soif de dissection, car il auront oublié de se détendre en chemin…

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Alors si je ne présenterai ni Peter Fonda ni Warren Oates, en revanche le cas Jack Starrett est intéressant. Ce n’est certes pas un nouveau né lorsqu’il tourne cette Course contre l’enfer puisque ce dernier a déjà une bonne dizaine de films à son actif, à la fois en tant qu’acteur qu’assistant réalisateur avant de mettre en scène son premier film Run Angel, run. Ex cascadeur touche à tout, il se retrouve assez vite au casting d’une poignée de classiques d’exploitation tels que Mondo Mod, Hell’s angels on wheels avec Jack Nicholson ou encore Angels from hell. C’est pourtant pour d’autres réalisations qu’on le retient aujourd’hui (quand on se souvient de lui), un classique de la blaxploitation, Cleopatra Jones, et surtout pléthore d’épisodes de Starsky et Hutch, ce résidu bâtard de la blaxploitation justement, et que j’ai hélas subi en son temps. Bref, c’est à un artisan expérimenté auquel on a à faire ici et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça se voit.

Mais j’allais omettre de vous dire de quoi il retournait…
Deux motards passionnés partent en vacances, en camping-car, accompagnés de leurs épouses respectives. Une nuit, lors d’une halte au bord de la route, ils sont témoins d’une cérémonie satanique. D’abord amusés, ceux-ci ne rigolent plus dès lors qu’ils assistent au sacrifice d’une femme sauvagement découpée par les membres de la secte. Dans la caravane à peine quelques mètres derrière, les femmes n’ont rien vu et poursuivent leurs activités. Frank (Warren Oates) en tentant de les faire taire et en leur demandant d’éteindre les phares se fait alors repérer. Dès lors, ils seront traqués par les membres de la secte, mais qui sont ces membres ? Ils se rendent alors dans la ville la plus proche, un bled paumé, et se retrouvent à témoigner auprès de la police locale sans être pris au sérieux. A peine après avoir quitté le patelin, les voici à nouveau pourchassés…

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Alors comme je le disais, le talent de Jack Starrett se fait ici manifeste. On reviendra (rapidement) sur les défauts de ce film haletant, mais force est de constater que Race with the devil regorge de moments de bravoures, de ceux qui restent gravés, et qu’irions nous nous en plaindre, aller intellectualiser vainement un spectacle convoquant nos sens les plus primaires. La scène du sacrifice et le moment où le gourou décèle leur présence est tétanisante, tout comme ces serpents cachés dans leur camping-car offrent un moment de tension hors pair. Tout ceci culminera dans une double course-poursuite finale absolument ahurissante, à faire pâlir tous les Fast and furious de la terre. On serait bien inspiré d’aller justement « s’inspirer » d’une manière de filmer dont on semble perdre peu à peu les codes et surtout la simplicité, l’évidence. En passant, George Miller et son Mad Max semble en son temps avoir compris cela. Vous pourrez chercher à droite à gauche, difficile de trouver poursuites et carambolages mieux troussés que ceux-ci, en tout cas à l’époque, et ce dans un spectacle qui lui, reste constamment lisible (à bon entendeur).

De même les attaques du camping car restent intrigantes, singulières et d’une efficacité redoutable. Limite même si le film ne préfigure pas Assaut de Carpenter en même temps que de faire penser par moment à une sorte de « Nuit des Ploucs sataniques vivants », ces assaillants ont quelque chose de si désincarné qu’ils font penser à des zombies. Avis perso, il va de soi. Bref pour le spectacle, et malgré un équilibre parfois bancal, nous sommes servis, et on nous offre même généreusement du rab (la double course poursuite finale).
Impossible comme je l’ai lu ailleurs de faire un procès consistant à attribuer au film un propos pseudo raciste de la ville contre les ploucs. A ce propos chaque fois que cet argument est mis en avant, il est omis par le même chroniqueur lorsqu’il cite Easy Rider comme film référence du genre. C’est un peu malhonnête à mon sens, ou bien c’est se mentir à soi-même, la campagne, son ignorance et son racisme sont bien plus mis en exergue dans le film (inégal) de Dennis Hooper, et même de manière carrément frontale avec le meurtre de Jack Nicholson.
Ce qui fait la force de Race with the Devil justement et à l’inverse de Easy Rider, c’est de ne pas verser dans la chronique, mais d’œuvrer avec force et humilité dans le pur film de genre. On aura presque tendance, même si les sectes existent bel et bien, à oublier qu’il s’agit ici d’un film au postulat purement fantastique. Je ne crois pas que les préoccupations de Starrett soient d’ordre sociologiques, ou bien alors vraiment en arrière plan, ce qui serait tout à son honneur.

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Ce qui pêche parfois ici, c’est un petit déséquilibre de rythme et peut-être une interprétation quelque peu inégale. Si les morceaux de bravoures évoqués ci-dessus restent d’anthologie, paradoxalement les personnages semblent trop détachés par rapport à ce qui leur arrive et le danger qu’ils encourent. Peter Fonda arbore un rictus par moment proche du sourire alors qu’il s’acharne à semer ses assaillants, mais surtout, c’est au niveau climat paranoïaque que le film échoue quelque peu. Il ne fonctionne que par intermittences pour une simple raison, nous spectateurs, somme constamment en avance sur les personnages. De fait, les rouages semblent parfois un peu grossiers, et l’on ne peut s’empêcher d’admettre que nos héros ne captent pas très vite ce qu’il se passe alors qu’on anticipe à peu près tout à l’avance. La scène du barrage – et sa mise en scène d’un faux accident d’autocar scolaire censé circuler un dimanche – en est le parfait exemple. Tout le monde comprend que c’est un piège, sauf nos héros qui pourtant viennent de subir une longue traque et devraient encore logiquement être sur le qui-vive, je dirais même plus que jamais.

Alors, soit, c’est un peu dommage que le climax paranoïaque ne se fasse pas complètement du fait sans doute d’un script un peu trop vite expédié, ou d’une étude de caractères pas suffisamment fouillée pour accéder, non pas à un réalisme, mais surtout à une plus grande justesse. Ceci dit, si on veut bien jouer le jeu, passer outre cela, et rentrer dans ce trip généreux avec un peu de complaisance, on en sortira globalement ravi, épaté, les qualités sont trop grandes ailleurs pour ne pas le racheter amplement, voire éclipser les quelques lacunes de ce que je considère comme une excellence de la série B. Race with the devil mérite d’être découvert, et je reste persuadé que nombreux seront ceux qui trouveront autant leur compte que votre humble chroniqueur ici présent.

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