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Chasseur de sorcières – Paul Schrader

Witch Hunt. 1994.

Origine : États-Unis
Genre : Magie noire
Réalisation : Paul Schrader
Avec : Dennis Hopper, Penelope Ann Miller, Sheryl Lee Ralph, Eric Bogosian, Julian Sands.

Toujours aussi réfractaire à l’utilisation de la magie, le détective Philippe Lovecraft (Dennis Hopper) continue à gagner sa croûte en filant les maris adultères. Engagé par l’actrice Kim Hudson (Penelope Ann Miller), sa nouvelle cible n’est nul autre que le nouveau nabab d’Hollywood, le producteur de cinéma N.J.Gottlieb. Un travail a priori sans histoire qui se complique lorsque ledit nabab est assassiné et que sa cliente devient la principale suspecte. Bien décidé à la sortir de ce guêpier, Philippe Lovecraft va devoir se dépêtrer d’une affaire où s’entremêlent magouilles politiques et magie noire.

Dès la mise en chantier de Détective Philippe Lovercraft, la productrice Gale Anne Hurd envisage d’autres enquêtes, et pas nécessairement avec la même équipe, jugeant que ce monde légèrement décalé où la magie est à la portée de tous jouit d’un énorme potentiel. Trois ans plus tard, le personnage revient donc aux affaires, désormais interprété par Dennis Hooper, pour une enquête qui se déroule dans les années 50. En 1953, pour être précis. Martin Campbell parti relancer la saga James Bond avec Goldeneye, le poste de réalisateur revient à Paul Schrader. Pour étonnant qu’elle puisse paraître, sa présence s’explique par les énormes difficultés que le réalisateur-scénariste rencontre pour monter ses projets au cinéma. La proposition de Gale Anne Hurd tombe donc à pic, et la portée métaphorique du scénario de Joseph Dougherty a achevé de le convaincre de se lancer dans l’aventure.

Chasseur de sorcières s’ouvre sur l’un de ces films d’actualités que les salles de cinéma de l’époque diffusaient en préambule de leur programmation. Un habile procédé qui revêt le double avantage de nous immerger immédiatement dans les années 50 tout en recontextualisant l’univers dans lequel se débat le détective Philippe Lovecraft, à savoir un monde où la magie à usage universel en constitue le progrès majeur. Ces quelques minutes suffisent à poser certains enjeux de l’intrigue, lesquels apparaissent en reflet à peine déformé de notre société. L’évocation de la croisade anti-magie du sénateur Larson Crockett renvoie de manière transparente à la chasse aux communistes dont le sénateur McCarthy avait fait son cheval de bataille. A ce stade du récit, tout concourt à envisager le polar mâtiné de fantastique annoncé en un film plus corrosif sur une page sombre de l’histoire des États-Unis. Or il faut rapidement nous rendre à l’évidence, ce thème se retrouve relégué en arrière plan, ravalé au rang de simple péripétie. La chasse aux sorcières se limite à la seule Hypolita Laveau Kropotkin, amie et colocataire – sur le plan professionnel – de Lovecraft, faisant du sénateur un simple roquet aux pouvoirs de nuisance bien modestes compte tenu du faible écho que rencontre son combat au quotidien. Censé être le point d’orgue de sa démarche et donner le LA d’une carrière à l’échelon national, le grand raout populaire et télévisé durant lequel l’accusée doit être mise au bûcher se mue rapidement en fiasco monumental. Au passage, Paul Schrader réserve néanmoins une petite pique à ces politiciens qui se jettent à corps perdu dans une cause davantage pour se démarquer de la concurrence que par réelles convictions. Une mise en boîte qui gagne en ironie aux yeux du public américain du fait de l’interprétation du conservateur sénateur Crockett par Eric Bogosian, homme de scène à la plume acerbe qui aime à bousculer les bonnes consciences. C’est d’ailleurs sous sa forme contemporaine qu’il apparaît aux yeux du monde, double maléfique sorti des entrailles du sénateur à la faveur d’une vengeance saupoudrée de magie noire. Nous atteignons-là les sommets de la subversion proposée par le film, laquelle se matérialise sous la forme d’artifices si chers au grand Hollywood. Une manière de montrer l’amuseur derrière le masque et donc d’en amoindrir l’impact.

A défaut d’original, Paul Schrader se montre autrement plus virulent vis à vis du milieu du cinéma, qu’il dépeint dans toute sa vacuité et son ignorance. Hollywood n’est qu’un milieu d’incapables où seul gouverne le plaisir des femmes et de l’argent facile. Pour pondre des scénarios, les producteurs engagent des sorcières afin qu’elles leur ramènent du passé des auteurs prestigieux tels que Mark Twain ou Shakespeare. Quant aux starlettes, elles recourent à la magie pour s’offrir la beauté éternelle, et ainsi s’ouvrir les portes d’une carrière longue et prospère. Enfin, c’est ce qu’elles croient. Toute belle qu’elle soit (et encore, tout est relatif puisqu’on parle de Penelope Ann Miller), Kim Hudson n’en demeure pas moins tributaire du désir des décideurs, son mari au premier chef, producteur qui a pignon sur rue. Dans un milieu où la concurrence est rude, la nouveauté aurait tendance à primer sur la seule beauté. En ce sens, Kim a déjà fait son temps et plein de jeunes femmes aux dents longues sont également prêtes à tout pour réserver leur place sous le feu des projecteurs. En outre, la magie permet à ces messieurs de confectionner leurs vedettes à leur goût. Une poitrine plus généreuse par ici, des hanches mieux dessinées par là, une véritable opération de chirurgie esthétique en un claquement de doigts se matérialise à l’écran par la grâce d’effets de morphing, astuce alors en vogue à l’époque depuis sa popularisation dans le clip Black or White signé John Landis pour Michael Jackson. Néanmoins, Paul Schrader ne fait pas son beurre des effets spéciaux. Il se montre à ce titre plus chiche que son prédécesseur, limitant le bestiaire fantastique à la portion congrue. Un choix qui pourrait aller de pair avec une mise en valeur de la partie policière de l’intrigue sauf que c’est loin d’être le cas. Celle-ci, portée par un Dennis Hopper nonchalant, pour ne pas dire complètement à côté de la plaque, ne brille guère ni par son rythme ni par son ambiance. L’enquête avance à la va-comme-je-te-pousse, brasse de multiples personnages qu’elle délaisse en cours de route ou ne fait revenir que pour la plaisanterie (le jeune homme de main joué par le débutant Clifton Collins Jr) pour se conclure sur un pseudo combat cathartique qui tombe à l’eau.

Par trop de désinvolture, Paul Schrader échoue à conférer une identité propre à son Chasseur de sorcières, lequel fait trop redite avec son prédécesseur tout en amoindrissant les rares points positifs dont il disposait, l’interprétation de Fred Ward au premier chef. Un ratage dans les grandes largeurs qui sonne le glas des aventures du détective Lovecraft sur le petit écran. A la télévision, Paul Schrader n’y reviendra plus, à la différence de Gale Anne Hurd, heureuse productrice de la série Walking Dead, poursuivant son petit bonhomme de chemin avec plus (Affliction) ou moins (Dominion) de bonheur.

Une réflexion sur “Chasseur de sorcières – Paul Schrader

  • Ricco

    Autant le premier opus est vraiment bien, d’après moi, autant après avoir recherché celui-là durant des mois, je n’ai tenu que quelques minutes, je tenterai peut-être un jour de le regarder en entier…

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