CinémaHorreur

Scalps – Fred Olen Ray

 

Scalps. 1983

Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Fred Olen Ray
Avec : Richard Hench, Jo-Ann Robinson, Roger Maycock, Carol Sue Flockhart…

La loi l’interdit, leur professeur en est empêché, un vieil indien les met en garde, l’une d’entre eux est soudain prise de scrupules et les esprits eux-mêmes leur livrent des avertissements sans conséquence… Bref, s’ils avaient été plus malins, ces quelques étudiants en archéologie ne se seraient pas aventurés au fin fond du désert pour y profaner quelques sépultures indiennes avec pour fâcheuse conséquence de réveiller l’esprit du sinistre “Black Claw”, un indien naguère versé dans la magie noire et qui n’apprécie guère ce flagrant manque de respect.

Bien qu’il ait déjà réalisé trois films, Fred Olen Ray aborde son nouveau projet la fleur au fusil, avec une insouciance proche de celle de ses personnages. Eux sont trop pétris de certitudes pour faire demi-tour, tandis que lui est trop désinvolte pour s’inquiéter de la maigreur de son budget et des désavantages induits. Ainsi résume-t-il Scalps en ces termes : “Six gamins, une station-wagon et une tente“. Son but ? “Faire le film le moins cher possible“… De là à en conclure qu’il n’avait d’autre visée que la rentabilité facile, il n’y a qu’un pas que l’on hésitera à franchir qu’eu égard aux nombreuses révérences au cinéma d’horreur jalonnant sa carrière. N’empêche, en dépit d’une réputation flatteuse d’œuvre malsaine et gore, qui selon son distributeur DVD français Uncut Movies serait “trop intense pour être vu par nos peuples dits civilisés“, ce Scalps-là (à ne pas confondre avec son homonyme, un western italien de 1987 signé Claudio Fragasso et Bruno Mattei) y va très fort en je-m’en-foutisme, pour ne pas dire en amateurisme… Passons sur le manque de profondeur du synopsis, qui laisse augurer d’un simple jeu de massacre façon slasher vaguement imprégné de fantastique par le biais du revenant peau-rouge.

Par contre, difficile de faire l’impasse sur l’absence totale de rythme qui aurait tôt fait de vous plonger son spectateur en état de léthargie. Pendant au bas mot trois quarts d’heure, Scalps se perd dans un néant absolu, aussi aride que le désert qu’il prend pour cadre. A l’inverse de bien des slashers, il ne pousse même pas jusqu’à la digression à base de personnages bien définis (dont le futur héros, le blagueur ou encore la dévergondée ne sont que quelques uns des archétypes). Non : qu’ils soient pris en groupe ou isolément, ses personnages sont insipides au-delà du possible. Ce sont juste des endives envoyées pour une mission sans queue ni tête, à savoir récupérer des artefacts dans une zone funéraire indienne indiquée malgré lui par un alarmant quidam squattant la station-service. Si ce n’est pour quelques effusions hormonales, et encore bien timorées vis à vis des standards habituels de Fred Olen Ray, ces protagonistes n’ont rien à faire valoir, se contentant occasionnellement de ratisser le sable à la truelle, de s’extasier devant le moindre bestiau (là un scorpion, ici une buse) avant d’échanger des banalités autour du feu de camp une fois la nuit venue. C’est à dire un peu n’importe quand, puisque par la double grâce de nuits américaines ratées dans les grandes largeurs et de montage hasardeux, le réalisateur brouille les repères temporels, allant et venant entre nuit noire, jour, aube et crépuscule…

En plus de stagner, Scalps s’avère incroyablement moche et réussit même l’exploit de ne pas faire ressortir la chaleur de ce désert torride, qui complexifia d’ailleurs encore le tournage (pour l’anecdote, le lieu de tournage est désormais incorporé au ranch détenu par Alice Cooper). La faute à un chef opérateur incompétent, dont les prises de vues, une fois envoyées au développement, se sont révélées abominables. Désigné bouc-émissaire, il fut mis à la porte, mais ce qui n’empêche qu’aussi peu de temps qu’il soit resté, ce chef opérateur (un certain Larry Van Loon) a tout de même réussi à saccager pratiquement tout le film, puisque jamais l’erreur ne semble se corriger. A moins que sa remplaçante, Cynthia Wesbter, ne se soit révélée aussi peu douée… Toujours est-il qu’elle perdura dans le métier, et plus particulièrement dans le porno. Peu importe à vrai dire, puisqu’il n’y avait de toute façon pas grand chose à photographier et que le film prend l’eau de toute part. Ne revenons pas sur les acteurs, dont les rôles sont tellement creux qu’il est même difficile de juger s’ils jouent effectivement aussi mal que ça (les seuls expérimentés dans leurs rangs sont secondaires : Kirk Alyn, le Superman de 1948 qui incarne le professeur resté à la maison, et Forrest J. Ackerman, le collègue de ce dernier). N’accablons pas non plus les techniciens, pas même le maquilleur qui par maladresse faillit blesser l’une des actrices… Tout ce petit monde est de toute façon censé être piloté par le véritable fautif, à savoir Fred Olen Ray lui-même. Quelle mouche l’a donc piqué pour qu’il se montre aussi peu consciencieux ? Durant ces abyssales 45 premières minutes, les seules indications relatives au massacre tant attendu sont une musique sinistre omniprésente associée à des scènes quelconques (l’interminable trajet en voiture serpentant dans le désert), une introduction qui voit mourir platement un pilleur en herbe isolé, un personnage pris de remords apparaissant comme oiseau de mauvaise augure et quelques images funestes insérées ici ou là au petit bonheur la chance. Des images qui révèlent d’ailleurs l’identité des futures victimes, et qui nous présentent quelques monstres qui interviendront ultérieurement… ou pas. Car elles n’ont en fait pas été prévues pour être insérées sauvagement de la sorte. Certaines n’ont même pas été prévues pour être insérées du tout, comme cet injustifiable homme-lion dont Olen Ray avait tourné plusieurs prises de vue, comptant n’en garder qu’une seule censée intervenir tardivement. C’est que le distributeur original du film, trouvant à raison qu’il fallait essayer de remédier à la torpeur ambiante, a eu recours à cet expédient et, au nez et à la barbe du réalisateur, s’est servi dans les rushes pour caviarder le film d’images horrifiques… Un piratage compréhensible encore qu’illusoire, puisqu’il ne remédie en rien à la platitude tout en soulignant encore davantage l’amateurisme. Notons que ces avant-goûts de “l’emballement” final, puisque c’est principalement de là que sont issus ces extraits, peuvent également permettre au spectateur de fuir le film avant terme, puisqu’il aura en gros déjà vu le plus croustillant… Ça lui évitera de subir les errements de notre réalisateur, tout aussi incapable de gérer l’action finale que l’exposition.

Lorsqu’il juge enfin que l’économie de budget, de scénario ou tout simplement de la moindre once de cinématographie a assez duré, et qu’il s’avise qu’il est enfin temps de passer aux choses sérieuses, Olen Ray n’y va pas par quatre chemins : un bruit de tambours (sans trompettes) venu de nulle part, un feu de camp qui explose au visage d’un infortuné (non sans un autre petit insert au passage), et c’est parti pour la possession d’un de nos archéologues en herbe qui se transformera bientôt en “Black Claw” pour dessouder ses petits camarades. Que l’on sache en gros déjà qui va périr importe peu, puisque les personnages n’ayant aucune consistance, ils n’inspirent ni sympathie ni antipathie. Tout ce qu’il reste à espérer est la manière de faire… Vu ce qui a précédé, il va sans dire que l’on imagine mal le réalisateur se révéler subitement adroit dans l’exercice de style. Il était couru d’avance qu’il ne réussirait pas à transformer un âne en cheval de course et effectivement Scalps ne va pas devenir une perle sur le tard… Déjà, quand bien même il se passerait davantage de choses à l’écran -ce qui n’est certes pas bien dur-, Olen Ray parvient étrangement à rester tout aussi mou. Aucun impact dramatique, aucun effet choc (pas mêmes les arrachages de scalps), aucun effort supplémentaire de mise en scène… Les exactions de Black Claw tombent à plat, comme des évènements tout aussi anodins que la greluche s’extasiant plus tôt sur une buse dans le ciel. Il n’y a aucune dynamique, aucune tension entre chaque fait d’armes. Le budget et les conditions de tournage ne sont guère des excuses recevables. Olen Ray fait tout simplement ici un mauvais travail, plongeant même à l’occasion dans le ridicule achevé, comme dans cette scène où un personnage tente de s’enfuir en se prenant des flèches dans le dos, puis soudainement dans le genou. C’est que l’indien doit courir comme un dératé pour changer aussi rapidement d’angle d’attaque. Surtout que dans le plan suivant, il a déjà rejoint sa victime. Bref, incohérence, faux raccords, stupidité sont les seules surprises que réserve le réalisateur, pas même capable de réussir une basique mise à mort… Jusqu’au bout, Scalps se sera montré soporifique. Ce n’est même pas un film raté, puisqu’Olen Ray ne semble même pas avoir essayé quoi que ce soit. Son film est un vaste désert où l’on trouve occasionnellement quelques fumeux clichés… Alors il n’y a plus qu’à comptabiliser les erreurs d’ordre technique, qui cela dit ne suffisent pas à rendre le tout amusant. Navrant !

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