CinémaFantastique

Burying the Ex – Joe Dante

Burying the Ex. 2014.

Origine : États-Unis
Genre : Vaudeville d’outre-tombe
Réalisation : Joe Dante
Avec : Anton Yelchin, Ashley Greene, Alexandra Daddario, Oliver Cooper et Dick Miller.

Cinq ans se sont écoulés entre The Hole et Burying the Ex, cinq années durant lesquelles Joe Dante n’a pourtant pas chômé. Nostalgique du vieil Hollywood où les réalisateurs pouvaient s’adonner à leur métier sans trop avoir à souffrir des résultats au box office, Joe Dante se refuse à rester les bras croisés et part exercer son métier là où on a encore envie de lui, autrement dit à la télévision. A défaut de projets plus personnels comme le percutant et irrésistible La Seconde guerre de Sécession réalisé à l’époque pour une chaîne câblée, il dispense son savoir-faire sur des séries aussi quelconques que Hawaï 5.0 ou Witches of East End. Il réalise également dans l’intervalle les dix épisodes de l’unique saison de Splatter, laquelle sonne comme un retour aux sources, ou un retour en arrière selon notre manière de voir les choses. Produite en 2009 par Roger Corman et donnant la vedette à Corey Feldman, déjà acteur pour Joe Dante sur Gremlins et Les Banlieusards, cette série évoque la vengeance d’outre-tombe d’un rocker qui revient de l’au-delà dans le but de tourmenter les cinq personnes qui l’ont trahi au cours de sa vie. Sur la base de cet élément fantastique, cette série fait le lien avec Burying the Ex, où il est là aussi question d’un retour d’outre-tombe, à la différence – notable – que celui-ci est mû par ce beau sentiment qu’on nomme l’Amour.

Max (Anton Yelchin) fréquente Evelyn (Ashley Greene) depuis suffisamment de temps pour que la question de la vie à deux commence à se poser. Si tout n’est pas toujours rose entre eux, Evelyn témoigne d’un tel appétit de sexe que les dernières réticences de Max volent en éclats. Il l’accueille donc chez lui mais la situation ne tarde pas à s’envenimer. La jeune femme se montre rapidement envahissante et témoigne de peu d’égards envers Max et ses goûts. Poussé par son demi-frère, Travis (Oliver Cooper), il se résout à rompre avec elle. Sauf que le jour J, elle meurt sous ses yeux, percutée par un bus. Rongé par la culpabilité, il ne sort plus de chez lui. Un soir, après qu’il se soit forcé à sortir voir un double programme Val Lewton au cinéma, il croise Olivia, une belle brune qui partage le même amour pour la culture populaire. C’est le coup de foudre. Malheureusement, une fois rentré chez lui, Max reçoit la visite d’Evelyn, revenue d’entre les morts pour satisfaire leur promesse de vivre éternellement leur amour. Un drôle de plan à trois s’engage alors.

Désormais sur une voie de garage à Hollywood, Joe Dante peine à monter des projets plus personnels. Au moment de la sortie vidéo de Burying the Ex, son nouveau film alors envisagé – Labirintus – se trouvait en préproduction. Aujourd’hui, il l’est toujours, auquel s’ajoute désormais The Man with Kaleidoscope Eyes, son projet de biopic sur Roger Corman autour du tournage de The Trip. Dans ce contexte, qu’il ait réussi à réaliser Burying the Ex relève presque du miracle. D’ailleurs, en manque de liquidité alors que Joe Dante était en plein tournage, les producteurs ont eu recours au crowdfunding pour boucler leur budget. Des conditions loin d’être idéales, lesquelles associées à un temps de préproduction très court – quatre semaines – et une petite vingtaine de jours de tournage ont renvoyé le réalisateur à sa prime jeunesse, du temps où il travaillait sous la houlette de Roger Corman. La chance du film, que les hasards du calendrier transformeront en déveine avec la sortie de Life After Beth au sujet voisin alors que Joe Dante achevait son montage, tient au scénario d’Alan Trezza, extension de son propre court-métrage. Cédant à la tendance actuelle, il dévoie une figure tragique du cinéma fantastique par le prisme de la distanciation. Revenue d’entre les morts, Evelyn n’incarne une menace que pour le couple Max – Olivia. Pas tant par sa voracité, laquelle ne s’exprime qu’à une unique reprise stimulée par la vision de scènes extraites du film The Gore Gore Girls, que par son côté envahissant. En soi, il n’y a que sur le plan physique qu’elle revient changée. Teint cadavérique de rigueur, elle s’étiole à mesure que le récit progresse mais sans jamais non plus atteindre les tréfonds de la décomposition. Evelyn reste la jolie jeune femme qu’elle a été, conservant en outre son insatiable envie de sexe. Celle-ci, loin d’être assouvie – dans son souci de garder constamment un ton inoffensif, Joe Dante n’ose pas pousser le bouchon de la nécrophilie – constitue une sorte de gag récurrent, Max devant rivaliser en imagination et en mauvaise foi pour échapper à la bagatelle. L’élément fantastique devient alors le prétexte à une simple relecture du vaudeville avec ses mensonges, ses claquements de porte, ses crises de jalousie et son amant dans le placard. Sur ce dernier point, je conçois que la comparaison soit un brin tirée par les cheveux, A ma décharge, la manière dont est utilisé le personnage en question, en une sorte de deus ex machina au moment de clore le récit, traduit à la fois l’impasse du scénario dans sa dimension fantastique et son penchant pour un humour pas toujours finaud. A aucun moment nous ne retrouvons l’ironie mordante qui caractérise le cinéma de Joe Dante, celle-ci se résumant à une pique facile envers Evelyn, une végétalienne dont le nouveau statut de mort-vivant la contraint à modifier de manière drastique ses habitudes alimentaires.

La personnalité du cinéaste affleure néanmoins dans la description de Max, grand amateur de cinéma fantastique et qui nourrit le rêve de posséder sa propre boutique consacrée au genre, son statut de simple employé commençant à lui peser. Par le biais de cette boutique et de sa télévision constamment allumée, Joe Dante s’adonne à son pêché-mignon, la citation cinématographique. Ainsi, d’un extrait de Plan 9 from Outer Space d’Ed Wood (le moment où Bela Lugosi évoque le décès de sa femme, passage qui fait écho au deuil que vit Max) à un autre du Corps et le fouet de Mario Bava, un dialogue cinéphilique se crée entre ce que vit le héros et les films dont il se nourrit. Son premier rencard avec Olivia se fera également sous l’égide du cinéma fantastique puisque pour l’occasion, ils se rendent à une projection en plein-air de La Nuit des morts-vivants au sein du cimetière d’Hollywood. A l’instar de Joe Dante, le cinéma est partout dans la vie de Max. Par certains côtés, ce dernier rappelle également Billy, le héros de Gremlins. Gentil jusqu’à l’excès, Max est du genre à se laisser vampiriser par son entourage, que ce soit par Evelyn, laquelle décore l’appartement à son goût à peine installée, ou par Travis, le demi-frère érotomane qui se sert de son appartement comme d’une garçonnière afin d’épuiser tous ses fantasmes (triolisme, milf, …). Rien de tel avec Olivia, laquelle, outre partager ses goûts, cherche avant tout l’osmose et non pas à imposer ses vues. En dépit des apparences, le film ne cède jamais à la béate bluette grâce notamment au naturel des comédiens. Joe Dante jette un regard attendri sur ses personnages, Evelyn et Travis inclus, dépourvu de tout cynisme. Au fond, Evelyn est une figure tragique victime de son amour – sincère – et jouet d’une malédiction pour le moins fonctionnelle puisque le scénario se gardera bien d’explorer cette piste une fois que Max aura compris d’où proviennent ses malheurs. Quelque peu chiche en péripéties et en personnages secondaires, Burying the Ex n’oublie néanmoins pas de ménager une place à Dick Miller, lequel fait une apparition en agent de police incrédule lors du dernier acte. Preuve que Joe Dante lui sera resté attaché jusqu’au bout.

Pas facile d’être et d’avoir été. Dans le contexte cinématographique actuel, il n’y a plus vraiment de place pour un cinéaste tel que Joe Dante. Pourtant, il ne désarme pas, toujours aussi passionné par son travail. Alors oui, il est regrettable de le voir enchaîner les réalisations indignes de son talent. Néanmoins, épisodes de séries mis à part, elles demeurent empreintes d’une touchante sincérité. A l’échelle de sa carrière, Burying the Ex n’est pas un bon film, et on espère qu’il pourra à l’avenir achever l’un ou l’autre des projets qui lui tiennent à cœur, histoire de finir sur une meilleure note.

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