Brain Dead – Adam Simon
Brain Dead. 1990Origine : États-Unis
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Spécialiste du cerveau, Rex Martin (Bill Pullman) travaille d’arrache-pied dans le but de guérir la paranoïa et la schizophrénie en traitant directement les cellules grises infectées. Au nom de la compagnie Eunice Corporation, son vieil ami James Reston (Bill Paxton) lui propose de mettre ses théories en pratique sur la personne du Dr. Halsey (Bud Cort), lequel souffre de paranoïa. D’abord réticent, estimant que sa méthode peut s’avérer dangereuse pour le patient, Rex finit par accepter lorsqu’il comprend que ses recherches sont financées par cette société et qu’un refus de sa part le priverait de subsides. Il réussit l’opération à la plus grande joie du comité de direction. Seul hic, Rex Martin commence à souffrir d’hallucinations, voyant surgir partout où il se trouve cet homme au costume blanc maculé de sang, celui-là même qui hantait l’esprit du Dr. Halsey. Deviendrait-il à son tour paranoïaque ?
Dans la famille Corman, je demande l’épouse. Après que son mari Roger Corman lui ait mis le pied à l’étrier à l’occasion de Bertha Boxcar en 1972, Julie Corman fait rapidement cavalier seul, se spécialisant dans un premier temps dans la comédie polissonne (la série des « Nurses » et « Teachers ») avant de se diversifier. Brain Dead intervient à une période faste de son activité où elle enchaîne les productions mais se démarque sans peine de son ordinaire, ne serait-ce que par son origine. Ce film, confié au débutant Adam Simon qui en réactualisera le contenu, s’appuie sur un scénario de Charles Beaumont – décédé en 1967 – retrouvé par hasard au fond d’un tiroir. Un heureux hasard pour un nom particulièrement connu des férus de fantastique puisqu’il figure au générique d’une bonne vingtaine d’épisodes de la série La Quatrième dimension ainsi que de quelques films de Roger Corman (L’Enterré vivant, The Intruder, La Malédiction d’Arkham). Que son nom soit donc de nouveau associé à celui de Corman sonne comme un juste retour des choses.
Brain Dead, qui fut au temps de la VHS exploité sous le titre Sanglante paranoïa, déconcerte de prime abord par son ton primesautier à l’image de l’assistant du Dr. Rex Martin, comme un gamin devant les stimuli qu’il provoque à la peau d’un visage étiré comme un masque de cuir en touchant des points précis du cerveau. Un comportement désinvolte qui se prolonge au moment d’aller récupérer un nouveau cerveau sur les étagères où les différents spécimens sont classés jusqu’à l’inévitable accident. Comme le confirmera par la suite l’empressement des bureaucrates de la société Eunice, lesquels se fichent comme d’une guigne que les techniques opératoires n’aient jamais été testées sur un cerveau humain, le Dr. Rex Martin est le seul à afficher une réelle conscience professionnelle doublée d’une éthique. Il n’a rien d’un savant fou aux rêves de grandeur. Il œuvre avant tout pour le genre humain, patiemment et méticuleusement. Il aime son métier, fuit les éloges et ne court pas après l’argent. Néanmoins, c’est cette passion immodérée pour son travail qui le pousse à accepter ce pacte quasi faustien. Refuser conduirait à la fermeture de son laboratoire et donc à remiser des années de recherches au placard. En somme, toute sa vie. D’emblée, le Dr. Rex Martin nous apparaît comme une personne sympathique et dévouée à son métier mais inévitablement soumise au dieu argent. Un bon gars, sans doute trop gentil qui, à la manière d’un personnage d’un épisode de La Quatrième dimension, se débat seul contre des éléments contraires. Il ne peut compter sur aucun soutien. Sa femme se tient à la marge du récit quand son « meilleur » ami pense avant tout à son propre avancement, prêtant peu de cas à ses doutes. Cette solitude s’amplifie au moment où éclatent ses crises paranoïaques. L’apparente réussite de l’opération donne en fait lieu à un transfert, Rex Martin souffrant désormais des visions morbides qui empoisonnaient l’existence du professeur Halsey. Le film se transforme alors en cauchemar éveillé pour Rex Martin dans lequel se télescopent ses propres angoisses (la principale, surprendre sa femme et son ami en plein ébat en rentrant chez lui) et celles du professeur Halsey (un homme au costume blanc ensanglanté apparaît partout où il va) pour aboutir à une sorte de monde parallèle où tout ce qu’il croyait être son quotidien est en fait celui d’un autre. A mesure que Rex perd pied, le récit multiplie les rebondissements, épuisant toutes les ressources de son postulat de départ.
Brain Dead fait partie de ces films qui aime à perdre ses spectateurs en ne leur laissant aucun répit. A la suite de l’opération fatidique, les événements s’enchaînent à vive allure, nous empêchant de distinguer le vrai du faux. Nous sommes mis dans le flou complet au même titre que le personnage principal qui, comme nous, s’étonne de retrouver son ami dans la peau d’une caricature de comptable ou ce mystérieux tueur dans celle d’un éminent docteur, docteur qui occupe au passage le bureau que Rex Martin pense être le sien. On en vient alors comme lui à douter de tout et à croire en une possible machination infernale lorsqu’il se retrouve lui même dans la peau d’un patient à côtoyer des fous. Une piste immédiatement battue en brèche lorsque le parcours du Dr. Martin emprunte de plus en plus au fantastique à base de visions de tortures médiévales, de scènes se rejouant en boucle (la soudaine apparition d’Halsey à son chevet dans sa chambre d’hôpital) ou ces visions post-mortem lors desquelles il se voit dans son lit d’hôpital avant de sombrer dans l’abîme. Loin d’être un enchaînement de scènes sans queue ni tête, Brain Dead apparaît au contraire comme un film très construit parsemé d’indices quant aux tenants et aboutissants de l’intrigue, son titre original au premier chef. Pour une première réalisation, Adam Simon fait preuve d’un solide savoir-faire et tient parfaitement son récit. A la faveur d’une scène où Rex subit le violent enthousiasme de patientes empressées, le souvenir du Shock Corridor de Samuel Fuller est même convoqué, ascendance potentiellement écrasante mais symptomatique du goût sûr d’Adam Simon.
Fort d’une distribution aux petits oignons (Bill Pullman qui continue de se perdre aux confins de la folie après L’Emprise des ténèbres, Bill Paxton et l’incroyable Bud Cort), Brain Dead s’impose comme un habile et singulier film fantastique, aussi bien par rapport à la production de l’époque qu’au sein du giron Corman. En dépit d’un passage par le festival d’Avoriaz en 1990 dans la foulée de l’exploitation américaine, Brain Dead n’a pas connu les joies d’une sortie en salles dans nos contrées. Ce titre a donc peu à peu sombré dans l’oubli, au contraire de son presque homonyme, le Braindead signé Peter Jackson deux ans plus tard, à l’ambition et au propos totalement différents. Quant à Adam Simon, après un Carnosaur chaotique, il n’a plus mis en scène de fictions, se contentant de quelques documentaires et autres scénarios. Comme bon nombre de ses pairs, il restera donc l’homme d’un seul film.