CinémaThriller

Bone Collector – Phillip Noyce

The Bone Collector. 1999.

Origine : États-Unis
Genre : La tête et les jambes
Réalisation : Phillip Noyce
Avec : Denzel Washington, Angelina Jolie, Ed O’Neill, Michael Rooker, Queen Latifah, Luis Guzmán, Leland Orser.

 

Rendu tétraplégique et épileptique à la suite d’un accident survenu alors qu’il se trouvait sur le lieu d’un crime, le célèbre criminologue expert de la police new-yorkaise Lincoln Rhyme ronge son frein, confiné dans son appartement et cloué sur son lit médicalisé dernier cri. Il peut néanmoins compter sur son vieil ami l’inspecteur Paulie Sellitto pour maintenir ses sens en éveil. Sous couvert d’une visite de courtoisie, il lui soumet le cas de cet homme retrouvé mort et enterré près d’une voie ferrée avec non loin de là, le doigt de son épouse exposé en une mise en scène des plus macabres. Tout porte à croire que l’épouse est encore en vie, prélude à un jeu cruel dont le tueur tire les ficelles. A charge pour Lincoln de décrypter son modus operandi. Pour le seconder dans cette tâche, il sollicite l’aide de Amelia Donaghy, la jeune agente de police à l’origine de la découverte du cadavre. A cette occasion, il a été impressionné par son sang froid et sa prise d’initiative. D’abord réticente, elle finit par accepter. A elle de mener les investigations de terrain, à lui de tenter de comprendre les énigmes laissées par le tueur.

Parfois, tout est question de timing. Prenez Le Sixième sens, première adaptation du roman Dragon rouge de Thomas Harris, que Michael Mann réalise au milieu des années 1980 alors qu’il est par ailleurs l’heureux producteur de la série Deux flics à Miami. Le film ne suscite qu’indifférence de la part du public à une époque où le personnage de tueur s’apprécie davantage masqué et s’attaquant en majorité à des jeunes en goguette. Le slasher est encore en vogue et joue moins la carte du malaise réaliste, à quelques exceptions près, que celle du divertissement à sensations fortes. Aux États-Unis, Le Sixième sens engrange moins de 10 millions de dollars. Il ne fera pas mieux en France (moins de 150 ooo entrées), en dépit des efforts de certains magazines spécialisés pour le promouvoir, Starfix en tête et à un degré moindre, Mad Movies. Toujours en 1986, Henry, portrait d’un serial-killer du novice John McNaughton voit sa sortie bloquée après son unique passage au festival de Chicago, pris en grippe par l’impitoyable censure américaine le jugeant beaucoup trop violent. Il faudra attendre 1990 aux États-Unis, et encore dans un nombre de salles limité, et 1991 en France pour que le film soit enfin distribué. Et tout ça avant la déferlante Le Silence des agneaux qui emportera tout sur son passage, récompenses prestigieuses comprises. Comme à Hollywood le succès attire les convoitises, toute une flopée de suiveurs a déferlé sur les écrans de Jennifer 8 à Blink en passant par Le Triomphe des innocents. Tout en s’inscrivant dans cette lignée, David Fincher réussit avec Se7en à redéfinir les contours du genre, faisant de son film le nouveau mètre-étalon de cette fin des années 90. Bone Collector marche clairement sur les traces de ce dernier. Sauf qu’en dépit des fortunes diverses rencontrées depuis son départ d’Australie, Phillip Noyce, son réalisateur, ne nourrit aucune rancune vis à vis des studios. Il apparaît donc comme le parfait exécutant, conciliant et habitué à diriger des stars.

L’imminence du changement de millénaire inspire à Hollywood toute une série de films fantastiques qui place l’Humanité sous la menace d’un retour triomphant du Diable. Dans ce contexte, le tueur en série apparaît en parfait suppôt, figure sans visage frappant le plus souvent au hasard. Et suivant l’esthétisme de Se7en, dont le tueur reprenait à son compte les sept pêchés capitaux, ils exercent dans des villes à l’aspect décrépit, suintantes et à l’atmosphère pesante, exhalant comme un entêtant parfum de fin du monde. Le tueur de Bone Collector entraîne les enquêteurs dans les zones désaffectées de New-York, vestiges d’un passé dont il se nourrit pour orchestrer ses meurtres. Ce “collectionneur d’os” ne s’avère qu’un pâle imitateur, un copycat qui tue à la manière du siècle passé. Ce geste “d’historien du crime” se meut en une sorte de combat entre les anciens et les modernes. Les meurtres du passé étant restés impunis, il revient à Lincoln Rhyme et son équipe de démontrer leur supériorité sur les méthodes d’investigation d’autrefois. De réussir là où leurs homologues avaient échoué en mettant à profit les progrès réalisés dans le domaine des techniques d’investigation. Ils se trouvent face à un défi qui prend la forme d’énigmes macabres. Le tueur de Bone Collector s’inscrit dans la droite lignée de Hannibal Lecter dans Le Silence des agneaux ou de John Doe dans Se7en, cultivant un profil d’homme machiavélique et manipulateur. Ils forment une confrérie de génies du crime, ancêtres artisanaux de Jigsaw de la saga Saw ou du collectionneur du diptyque The CollectorThe Collection. Enfin ça, c’est dans les intentions. Dans la pratique, “le collectionneur d’os” se révèle plus prosaïque. Le défi qu’il lance est celui d’un tueur qui se rêve en démiurge alors qu’il n’est qu’un homme revanchard cherchant à soigner un ego blessé. La guerre des cerveaux qu’il impose ne revêt que peu d’intérêt puisque les dés sont inexorablement pipés. En tant que maître du jeu, il dispose toujours d’un coup d’avance sur ses adversaires, ce qui condamne ces derniers à ne pouvoir espérer qu’une erreur de sa part tant le caractère arbitraire du choix de ses victimes le rend imprévisible. Son échec répond alors autant à un péché d’orgueil qu’à la volonté de conclure le film sur une note optimiste. Ce faisant, le récit sombre dans le déroulé routinier du film totalement dévoué à sa star. Cela revient dans le cas présent à ridiculiser la figure du tueur pour mieux valoriser le regain de vitalité de Lincoln Rhyme. Car si l’aspect thriller du récit occupe bien évidemment une place prépondérante dans le film, son cœur réside dans cette relation enrichissante à plus d’un titre qui se noue entre Lincoln et Amelia. Chacun réussissant en quelque sorte à soigner les névroses de l’autre.

Les films avec des duos de personnages mal assortis pullulent à l’écran, donnant même naissance à un genre en soi : le buddy-movie. A sa manière, Bone Collector leur emboîte le pas. Cependant, il trouve dans le handicap de Lincoln Rhyme matière à traiter ces dissonances sous un aspect inédit. Ne pouvant plus être un homme de terrain, l’expert doit se réinventer, trouver des yeux et des jambes de substitution pour se concentrer sur la seule analyse de la situation. Amelia sera ceux-là, agente soigneusement téléguidée par ses soins en une relation de subordination poussée à l’extrême. Il se sert d’elle comme d’un exutoire, lui qui au quotidien dépend des bons soins de Thelma, son aide-soignante. Par son comportement paternaliste et hautain, il se libère de ses frustrations tout en renvoyant Amelia a son statut de femme. Il ordonne, elle obéit. Or Amelia n’est pas du genre à se laisser dicter sa conduite. Si elle consent dans un premier temps à jouer le jeu comme il l’entend, elle pose très vite des limites. Leur association s’effectuera en bonne entente ou mourra dans l’œuf. Elle se trouve en position de force puisque le récit l’impose comme étant la seule personne capable d’épauler Lincoln sur le terrain. Une astuce scénaristique basée sur du vent, ou une vague intuition (on en retrouve une occurrence dans le récent Misanthrope de Damián Szifrón), qu’on doit prendre pour parole d’évangile sous peine de décrocher du film. En réalité, il faut voir dans cette association forcée l’adoubement d’un nouveau visage du cinéma américain par l’une de ses stars. En outre, elle indique une volonté de l’actrice de s’imposer avant tout par son talent et pas uniquement par son physique. Amelia n’a rien d’une séductrice ou d’une femme sophistiquée. Elle est en butte à la fois à ses démons intérieurs et à un univers machiste où se démarque le capitaine Howard Cheney (Michael Rooker dans un énième rôle de type antipathique), lequel goûte peu qu’une novice marche sur ses plates-bandes. Sa vie est un combat qu’elle tente de mener la tête haute. Et pour parfaire la mise en abîme, Amelia se débat avec l’image du père, policier irréprochable, comme Angelina Jolie doit composer avec l’encombrante ascendance de son père comédien, Jon Voight. Sur ce point, l’année 1999 marque son véritable acte de naissance avec trois films très différents (Les Aiguilleurs, Une vie volée et Bone Collector), comme autant de cordes à son arc.

Dans le genre du thriller fin de siècle, Bone Collector ne fait pas montre d’une grande personnalité, à l’image de son réalisateur, le plutôt quelconque Phillip Noyce. C’est glauque juste ce qu’il faut, gore par moment mais finalement assez inoffensif notamment par son choix d’une fin rassurante. Et puis à mon sens, Phillip Noyce rate la scène à ne pas rater – et dont il aurait d’ailleurs pu faire l’économie – l’accident de Lincoln Rhyme. Reste quelques seconds rôles distrayants (Luis Guzmán, Ed O’Neill) pour un film qui ne restera pas en mémoire, loin de ses modèles revendiquées mais tout de même supérieur à une concurrence défaillante (L’Ombre blanche, Résurrection).

Une réflexion sur “Bone Collector – Phillip Noyce

  • Toujours pas regardé. En ce temps-là, il y avait la mode des films de tueurs en série (La Disparue, Sur la piste du tueur, Randonnée pour un tueur, Lettre à un tueur), le film ne sortait pas du lot, et Angelina Jolie ne me plaisait pas.

    Les critiques l’ont déscendu, et la bande annonce au cinéma ne donnait pas envie. Pas une grosse perte.

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