Blue Tiger – Norberto Barba
Blue Tiger. 1994.Origine : États-Unis/Japon
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Alors que Gina Hayes (Virginia Madsen) fait quelques emplettes en compagnie de son fils, une fusillade éclate. Dans le chaos ambiant, son fils est mortellement touché par un mystérieux tueur masqué. Au moment de la fuite de ce dernier, Gina aperçoit le tatouage à l’effigie d’un tigre bleu qu’il arbore sur le torse. Un signe distinctif qui va lui permettre de resserrer ses recherches autour des yakuzas, hommes de main sans merci de mafieux japonais. Pour assouvir sa vengeance, Gina se fait embaucher en tant que serveuse dans un bar où les yakuzas ont leurs habitudes, bien décidée à retrouver l’assassin de son fils.
Visage familier des années 80 (Dune, Electric Dreams, les séries Le Voyageur, Clair de lune, etc), Virginia Madsen semble en passe de changer de statut à l’entame des années 90. Elle enchaîne alors coup sur coup The Hot Spot de Dennis Hopper, Highlander – le retour de Russell Mulcahy et interprète le personnage principal de Candyman, lequel, n’en déplaise à Loïc Blavier, compte parmi les meilleurs films d’horreur des années 90. Des premiers rôles, elle va dès lors en enchaîner quelques uns, et au premier rang desquels on trouve ce Blue Tiger, production américano-japonaise symptomatique de cette période. A cette époque, l’impact grandissant de l’économie japonaise au niveau mondial trouvait un écho dans le cinéma américain, qui de Harley Davidson et l’homme aux santiags à Soleil levant en passant par Robocop 3 n’en finissait plus de dépeindre le japonais comme l’ennemi à combattre. Pourtant écrit par le scénariste nippon Takashige Ichise, Blue Tiger joue sur un registre similaire en dépeignant la guerre qui oppose une poignée de yakuzas désireux de prendre le contrôle des voyages touristiques à Henry Soames, propriétaire de la plus grande compagnie de cars de la Californie. Histoire de faire bonne figure, cette “guerre des gangs” est saupoudré d’un soupçon de spiritualité asiatique.
L’intrigue de Blue Tiger se résume à cette légende chinoise que Smith, le tatoueur à la retraite, évoque à Gina lors de leur première rencontre. Elle raconte que le tigre bleu consacre une partie de son existence à la recherche du tigre rouge, lequel est son double spirituel. La passion tout comme la haine peuvent les réunir. Et si le destin veille à ce qu’un jour ils se rencontrent, à la fin, il y en a toujours un qui perd. Le destin, Gina décide de le provoquer en se faisant tatouer un dragon rouge dans le dos. Tout à sa vengeance, elle tire un trait sur sa vie d’avant, qui n’a plus de raison d’être depuis la mort de son fils. Elle devient une autre personne, plus froide et déterminée, se teint les cheveux en noir et se coupe de son quotidien en logeant dans une chambre d’hôtel. Plus rien ne doit la détourner de l’objectif qu’elle s’est fixé, pas même les forces de l’ordre représentées par le Lieutenant Sakagami, désireux de mettre un terme aux agissements des yakuzas. Elle s’inscrit dans une démarche suicidaire, ne mesurant pas bien les risques qu’elle encourt à se frotter à de tels individus. Son seul moyen d’identifier sa cible se résumant à un tatouage, elle use de subterfuges plus ou moins finauds pour que les individus qu’elle suspecte en viennent à tomber la chemise. Et quand un verre maladroitement renversé sur le client de son choix ne suffit pas, elle joue timidement de ses charmes pour l’enjoindre à se dévêtir, quitte à le laisser choir comme une vieille chaussette lorsqu’il s’avère qu’elle a fait fausse route. Un bien mauvais calcul sachant qu’en sa qualité de serveuse dans ce repaire de yakuzas, elle sera amenée à croiser les éconduits au risque de subir leur courroux. Magnanime, le scénariste lui évite ce genre de mésaventures jusqu’à son altercation avec Gan, passablement irrité que l’on se soit moqué de lui. Pourquoi lui ? Tout simplement parce que son frère n’est autre que Tigre bleu, enfin Seiji pour les intimes, et que celui-ci tente d’apaiser sa culpabilité en protégeant la mère de sa victime. Assez vite, il se révèle un adepte de la protection rapprochée, voire collée-serrée puisque tout à sa joie d’avoir trouvé son « âme sœur », Seiji s’envoie en l’air avec Gina, tout en prenant soin à ne pas se dévoiler dans son entièreté. Il aurait été dommage de gâcher un aussi bon moment pour une vague histoire de tatouage.
Takashige Ishise ne craint pas d’ajouter de la tragédie à la tragédie. Comme si la mort de Darin Hayes ne suffisait pas, il relance d’un déchirement fraternel entre Seiji et Gan saupoudré d’un amour impossible entre ce même Seiji et Gina. Loin de doper le film, ces différents arcs tendent à s’annuler, faute d’implication. S’il est difficile de nier le drame que vit Gina Hayes, force est de reconnaître que la manière dont ça lui tombe dessus finit par prêter à sourire à l’aune de ce qui suit. Son fils est mort d’une balle qui a d’abord traversé l’épaule d’Henry Soames avant de se loger dans sa poitrine. Un manque de bol patent compte tenu du nombre de fois où Seiji, son malheureux assassin, se sert de ses adversaires comme bouclier humain sans avoir à déplorer ce genre de désagrément. D’ailleurs, niveau violence, Blue Tiger ne craint pas l’exagération. Henry Soames semble être un nostalgique de la Prohibition, cette époque où la pègre réglait ses comptes à grandes rafales de sulfateuse. Tout petit patron d’une compagnie de transport qu’il est, il bénéficie d’un grand nombre d’hommes de main qu’il envoie trucider du yakuza à tour de bras dès que ça lui chante. En outre, il bénéficie de gros moyens, disposant d’explosif si nécessaire. Et tout ça sans jamais être inquiété par les forces de l’ordre, lesquelles, sous l’impulsion de Sakagami se focalise uniquement sur les yakuzas, comme s’il s’agissait avant tout de préserver le marché américain plutôt que la justice. Bref, tout cela ne brille guère par sa crédibilité et comme aucun personnage ne sort du lot entre le yakuza taciturne, la tatoueur philosophe ou la mère tourmentée qui comprend que se venger n’est décidément pas chose aisée, il ne reste plus qu’à s’amuser de l’apparition de Michael Madsen, venu sur le tournage adresser un petit coucou à sa petite soeur, et qui se retrouve à camper l’armurier qui fournit à Gina son pistolet. C’est dire le niveau.
Hormis au Japon, Blue Tiger ne connaîtra pas les ors d’une distribution en salles. Partout ailleurs, il sortira directement en vidéo et comme bon nombre de films destinés à ce marché, il se verra affublé de différents titres au gré des éditeurs et des diffusions télés (La Marque du tueur, Sous le signe du tigre). On leur préférera plus volontiers le titre original. Norberto Barba, dont c’est là le premier film, aura plus de chance avec son second essai, Le Guerrier d’acier, avant de poursuivre sa carrière pour le petit écran, jonglant entre téléfilms et séries télé.