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Robocop 3 – Fred Dekker

Robocop 3. 1993.

Origine : États-Unis
Genre : Suite de trop
Réalisation : Fred Dekker
Avec : Robert John Burke, Nancy Allen, Remy Ryan, Jill Hennessy, Rip Torn, Mako.

Malgré tous les moyens mis en œuvre, Robocop 2 n’a pas rencontré le succès escompté. Pourtant, il n’est pas question pour Orion d’abandonner la franchise, d’autant que les résultats du film sur le marché de la vidéo sont venus idéalement compenser ceux obtenus lors de son exploitation en salles. Le personnage plaît toujours, surtout chez les jeunes. Le hic, c’est que les deux premiers Robocop ont été interdits aux moins de 17 ans, empêchant ainsi les films de rencontrer un plus large public. Et ça, les pontes de Orion ne veulent plus que cela se reproduise. Ils décident donc de prendre des mesures drastiques en adoucissant considérablement le personnage du Robocop, tout en maintenant un haut degré d’action, afin d’attirer le plus grand nombre. C’est un choix regrettable mais symptomatique d’une époque qui vise à l’aseptisation des films fantastiques en général, et de ses grandes figures en particulier, comme en atteste le traitement du T-800 dans Terminator 2. Nanti d’un réalisateur guère réputé pour sa subversion (Fred Dekker, auteur de Monster Squad), Robocop 3 souhaite également revenir à la dualité homme – machine qui caractérise le personnage titre, aspect que le précédent film avait quelque peu mis de côté. Peter Weller, occupé sur le tournage du Festin nu de David Cronenberg, ne reprend pas le rôle. Et de toute manière, au regard de ses réticences pour le reprendre sur le tournage de Robocop 2, il était peu probable qu’il accepte de rendosser le si peu confortable costume du robot flic. C’est donc à l’acteur méconnu Robert John Burke que revient l’ingrate tâche de l’interpréter.

L’Omni Consumer Products, l’entreprise toute puissante qui contrôle Détroit depuis de longues années, connaît une crise sans précédent. Elle vient d’être rachetée par une multinationale japonaise -la Kanemitsu- et vit sans doute ses derniers instants. Néanmoins, son nouveau PDG peut encore la maintenir à flot, à condition de lancer enfin la construction de Delta city, projet phare de son prédécesseur. Pour cela, il doit achever au plus vite l’expulsion des habitants du quartier choisi pour son implantation. Mais il se heurte à une résistance inattendue de la part de certains d’entre eux, auxquels se joint bientôt Robocop, après qu’il ait eu le loisir d’appréhender les méthodes pour le moins radicales de McDaggett, l’homme qui chapeaute l’opération.

La série des Robocop s’est toujours caractérisée par un contexte social très marqué. Sur ce point, Fred Dekker, épaulé par l’auteur de comics Frank Miller, marche sur les mêmes traces que ses deux prédécesseurs. Cependant, les deux hommes apportent ici une dimension inédite puisque dans le cas présent, l’OCP est autant coupable que victime de la crise qui secoue Détroit. Une crise qui s’ancre pleinement dans l’actualité en évoquant la mainmise accrue de l’Empire du soleil levant sur l’économie américaine. Et là où ça devient savoureux, c’est que la fiction préfigure la réalité vécue par le studio Orion juste après le tournage. A l’instar de l’OCP, Orion connaît des problèmes financiers. Et comme elle, son salut dépend du bon vouloir d’une société japonaise, dont le retrait provoque la faillite. Si l’instabilité du studio n’a pas eu d’incidence sur le budget du film (celui-ci avait été mis de côté avant la crise), elle en a par contre eu une sur sa distribution puisque le film n’a pu sortir que deux ans après sa mise en boîte. D’autres films du catalogue Orion verront ainsi leur sortie repoussée, notamment La Part des ténèbres. Cette similitude entre réalité et fiction constitue le seul aspect amusant de Robocop 3. Et encore faut-il en connaître les coulisses pour pouvoir en profiter. Par ailleurs, c’est plutôt son aspect affligeant qui prédomine.

Fred Dekker n’a pas seulement consenti à adoucir la violence inhérente au personnage mais également tout l’humour noir et la satire qui font pourtant partie intégrante de son univers. Les fausses publicités ont disparu et avec elles, toute l’ironie que distillaient allègrement les flashs infos de Mediabreak. Le comble est atteint lorsque la présentatrice fait parler sa sensibilité, s’interrompant en annonçant les exactions meurtrières de Robocop car elle n’y croit pas. Alors que ce qui faisait tout le sel de ces flashs infos résidait justement dans cette approche décontractée et souriante des deux journalistes face à une actualité toujours plus violente et sombre, cette soudaine prise de conscience de l’un d’eux participe à la volonté générale d’arrondir les angles. Ainsi, la population de Détroit se voit racheter une conduite. Hier passive, elle entre aujourd’hui en résistance face aux assauts du capitalisme, plus tant représenté par l’OCP, dont les principaux dirigeants sont ouvertement tournés en ridicule, que par ces entrepreneurs venus du Japon. Ce sont eux les vrais ennemis, ainsi que ceux qui leur ont prêté allégeance comme ce McDaggett. Il n’est pas anodin que les forces de police grossissent in fine les rangs de la rébellion dans le dernier acte. Il s’agit alors clairement d’opposer les vrais citoyens de Détroit aux agresseurs étrangers, d’orchestrer un véritable combat pour la défense de leur territoire et de leurs valeurs. Les hommes de McDaggett sont des mercenaires et n’ont par essence nulle autre patrie que celle du tiroir-caisse. Quant aux punks qui leur sont adjoints, ceux-ci se sont clairement placés en marge de la société et n’ont donc plus rien à voir avec elle. Le film exhale quelques relents de xénophobie mais surtout un manichéisme très marqué qui lui confère son caractère simpliste.

Au milieu de tout ça, Robocop peine à exister. Il passe le plus clair de son temps par terre, nécessitant toujours plus de soin et d’attention. Les temps sont durs pour Alex Murphy. Il se sent de plus en plus seul malgré la présence de la fidèle Anne Lewis à ses côtés. Et il se sent aussi de plus en plus tiraillé entre les consignes de l’OCP qu’il doit respecter et son propre jugement, souvent contraire à ses directives. Avec tous ces questionnements, il en deviendrait presque un personnage de réflexion plutôt qu’un personnage d’action. Qu’on se rassure, Fred Dekker lui réserve de nombreuses scènes d’action, la plupart tournant entièrement autour de nouveaux gadgets comme le lance-flamme incorporé ou le jet pack. Par contre, on peut s’interroger sur l’intérêt du cyborg japonais. Présenté comme incontrôlable en milieu urbanisé, la machine aux santiags se révèle très discrète et même facile à mettre hors d’état de nuire. C’est sans doute la raison de l’extrême brièveté des deux combats qui l’opposent à Robocop. Et c’est aussi la source d’une grande frustration. Nous sommes loin de l’affrontement homérique entre les deux machines de Robocop 2. Mais au moins cela a le mérite de respecter le cahier des charges, à savoir un film accessible à tous. Dès lors, contraint de mettre la pédale douce à ses épanchements de violence, Robocop détruit plus les décors qu’il ne tue d’ennemis. Pis, il se redécouvre une fibre paternelle au contact de Nikko, une gamine experte en informatique, à laquelle il dispense son lot de tendres caresses. La nounou de Robocop 2 est revenue mais cette fois-ci sans aucun second degré. On croit rêver. A ce propos, le personnage de la gamine symbolise ce fameux cœur de cible tant convoité par les pontes de Orion allant jusqu’à posséder une réplique de Robocop et de son ennemi juré, ED 209, dans sa chambre. La scène où elle prend le contrôle d’un exemplaire du ED 209 prend alors valeur d’aveu. Ce sont bien les adolescents américains qui dirigent le film.

Robocop 3 a connu un destin paradoxal et finalement amplement mérité, il a moins bien marché que ses aînés. A force de vouloir plaire au plus grand nombre, le film n’a attiré personne sauf au Japon. Douce ironie pour un film qui en est totalement dépourvu. Toutefois, le personnage n’a pas dit son dernier mot puisque la télévision canadienne s’est empressée de le récupérer pour décliner la franchise en série. Alors selon l’humeur, on pourra dire que Fred Dekker a dignement lancé la série télévisée (encore moins violente, format oblige) ou définitivement enterré la franchise Robocop.

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