CinémaScience-Fiction

Invasion Planète X – Ishirô Honda

invasionplanetex

Kaijū Daisensō. 1965

Origine : Japon / États-Unis 
Genre : Astro Monstres 
Réalisation : Ishirô Honda 
Avec : Nick Adams, Akira Takarada, Kumi Mizuno, Jun Tazaki…

En orbite de Jupiter se trouve la planète X, récemment découverte et qui pourrait abriter la vie. Les astronautes Glenn et Fuji sont donc envoyés sur place, où ils ne tardent pas à entrer en contact avec la civilisation avancée qui peuple ces lieux. Tout en avance qu’ils puissent être, les autochtones ne peuvent rien contre le monstre zéro, alias King Ghidrah, le fameux dragon à trois têtes battu il y a peu par Godzilla, Rodan et Mothra. Ce combat homérique a donné des idées aux habitants de la planète X, qui proposent un marché à l’humanité : le prêt de Godzilla et Rodan en échange du remède miracle contre le cancer. Renvoyés sur Terre, Glenn et Fuji font passer le message auquel tout le monde applaudit (enfin le lobby scientifique et le lobby des mères de famille, visiblement les seuls consultés par les autorités). Mais pas eux, qui se disent que tout de même les extra-terrestres sont louches. Faudrait voir à ce qu’ils ne cherchent pas à dominer la Terre en prenant Godzilla et Rodan sous leur contrôle…

Pas le temps de reconstruire que l’humanité est de nouveau en péril ! Mais cette fois, la menace monstrueuse s’accompagne d’un péril extra-terrestre en bonne et due forme… Enfin s’accompagne, il faut le dire vite, hélas. Car Invasion planète X se veut avant toute chose un film de science-fiction pur et dur à base de sombre complot ourdi par des envahisseurs avançant sous couvert d’une tentante entente galactique. Les monstres -dont aucun n’est un nouveau venu, et Mothra a même été renvoyée chez elle depuis le dernier film- ne jouent là dedans que les faire-valoir transbahutés d’une planète à l’autre et contrôlés à loisir. Ce qui n’exclue pas qu’ils puissent s’adonner à leurs passe-temps favoris, à savoir la lutte et la destruction. Ils le font même d’une façon excellente, très certainement la meilleure à ce stade de leurs aventures, conjointes ou non. Accentuant une veine déjà observée dans les opus précédents, Honda semble s’inspirer des films documentaires sur le souffle des bombes atomiques, mettant en avant les ravages provoqués non seulement par les monstres, mais aussi par le souffle que dégagent leurs mouvements. En gros plan ou en plan large, tous les décors urbains sont emportés au milieu d’un torrent de poussière, de flammes, de lasers, et autres pattes griffues géantes… L’emploi de maquettes est encore facilement décelable, tout comme la présence d’acteurs dans les costumes, mais pour peu que l’habitude ou la tolérance fassent leur effet, on reste scotchés devant l’ampleur du désastre provoqués par les trois grands. Il est donc d’autant plus dommage que cette amélioration (dans laquelle on retrouve tout de même quelques stock-shots venus d’autres films de la série) se retrouve uniquement dans la dernière ligne droite du scénario et que tout le reste ait eu tendance à reléguer la triplette de monstres au rang de simples marionnettes, voire même d’animaux de compagnie (il n’y à qu’à voir le déchirant cri du pauvre Godzilla abandonné par les astronautes sur l’hostile planète X). Ce qui se révèle bien plus grave que d’avoir encore voulu amuser la galerie en offrant cette fois à Godzilla une danse de la victoire. Malgré ses efforts de la dernière bobine pour palier au manque de spectacle, on ne saurait pardonner à Honda d’avoir versé dans le hors-sujet aussi longtemps, et surtout de façon aussi navrante.

Quand bien même l’emploi des monstres s’avère décevant, il aurait resté cela dit un moyen de sauver les meubles. Un an plus tôt, Ghidrah, le monstre a trois têtes parvenait à faire quelque chose de ses personnages humains : un récit d’aventure bariolé opposant les gentils et les méchants, qui faisait un écho miniature au combat entre d’une part Godzilla et ses amis et de l’autre King Ghidrah. Pas d’écho ici, ou du moins pas avant le final, puisque les monstres sont clairement subordonnés aux “petits”. Et pas plus de délire pop : les gens de la planète X ont beau avoir un look rétro-futuriste qu’on retrouve aussi dans leurs vaisseaux et leur technologie, ils sont rébarbatifs au possible. Visages gris, costumes gris, intonation monotone, vivant à l’intérieur d’une planète morte dans des salles argentées reliés par des couloirs d’un blanc uniforme. Même leurs femmes ont toutes la même tête. Ils sont conduits par l’obéissance servile à un ordinateur apparenté à un leader, ils se comportent en parfaits petits soldats. Pas étonnant que Glenn et Fuji aient fini par douter de leurs intentions. A ce sujet, leur plan de conquête de la Terre se fait très convenu, plus ou moins apparenté qu’il est aux invasions fascistes des années 30 sans que pour autant Honda se sente repousser les ailes de la parabole qu’il avait revêtu en faisant le premier Godzilla consacré au nucléaire. Tout cela n’est qu’un moyen comme un autre de voir une invasion. Beaucoup de bluff, une cinquième colonne chez l’adversaire, puis un bon bliztkrieg afin d’en découdre rapidement.

Dans le camp des gentils, où l’on trouve un astronaute américain de toute évidence emmené dans les cartons d’un co-financier de chez l’oncle Sam associé à la Toho, c’est globalement n’importe quoi. Accrochez-vous : le copain de la sœur de l’astronaute japonais a créé une invention achetée par la cinquième colonne déguisée en firme commerciale représentée par la nouvelle copine de l’astronaute américain. Pourquoi cet achat ? On le saura plus tard, et c’est franchement grotesque. Comme l’était la partie humaine du film précédent, mais en nettement moins porté sur l’action. Déjà que ce n’est pas drôle d’être privé des monstres et de subir les bavardes tractations entre humains et “Xiliens”, mais en plus il faut supporter ce semblant de suspense relié au tout par l’unique lien familial entre personnages. Ce genre de grossiers raccourcis convient parfaitement à un film allant de l’avant dans la bonne humeur, mais pas à ce type de récit qui s’étale dans toutes les directions sauf la bonne. De toute évidence, Honda ne se prend pas au sérieux, mais il n’empêche que son film souffre de longueurs et ne peut pas non plus compter sur des personnages attachants. Autant les méchants sont caricaturaux dans leur formatage, autant les gentils le sont aussi dans leur bonne morale, avec mention particulière à l’inventeur binoclard cherchant à prouver à l’astronaute qu’il est digne de sa sœur.

Réalisé dans la foulée de ses deux prédécesseurs (Godzilla a ainsi connu 3 films en 2 ans), Invasion Planète X est tout simplement un déraillement artistique qui remet in fine Godzilla sur le droit chemin. Sortie de route sans conséquence, donc. Ou presque : le nombre d’entrées étant en baisse, la série continuera son cours mais aura droit à de petites rénovations dans l’opus suivant. Et pour ceux qui se feraient du soucis à leur sujet, les gens de la planète X auront le privilège d’être invités aux Final Wars 40 ans plus tard, en signe de respect pour un film qui malgré un accueil tiède à sa sortie a incompréhensiblement accru sa popularité depuis lors.

 

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