Les Contes de la crypte 5-12 : L’Heure des comptes – Gregory Widen
Les Contes de la crypte. Saison 5, épisode 12.
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Alors qu’il s’apprête à inonder le marché d’un conservateur de son invention – l’Exthion-B – Roger Lassen, pdg de son état, voit soudain les embûches se multiplier sur son chemin. Un ancien ami à lui a été retrouvé assassiné après l’injection d’une forte dose de son produit miracle. Comme si cela ne suffisait pas, il retrouve son appartement mis à sac et découvre une poupée vaudou à son effigie. Clairement, quelqu’un essaye de lui nuire. Mais Roger n’est pas homme à se laisser marcher sur les pieds et il est bien décidé à découvrir qui se cache derrière cette sombre machination.
Petit retour en arrière. Nous sommes en 1986, Kings of the Universe de Queen retentit et enjolive à jamais la légende de Connor McLeod mise en image par Russell Mulcahy. Derrière cette histoire d’immortels nés dans les hautes terres d’Écosse, de quickening et de combats à mort parce qu’ « il ne peut en rester qu’un. » se cache un homme, Gregory Widen. Son coup d’essai s’est transformé en coup de maître. Il n’a suffi que d’un film pour que Connor McLeod et le Kurgan fassent leur entrée parmi les hautes figures du cinéma fantastique. Highlander donne vie à toute une mythologie qui s’est par la suite déclinée en plusieurs films et à travers une série télé indépendamment de son créateur, plus ou moins dépossédé de son œuvre dès le premier film à la faveur de la réécriture de son script pour en amoindrir la noirceur. Désormais étranger au devenir de ses combattants éternels qui s’efforcent de garder la tête sur les épaules, Gregory Widen écrit ensuite pour la télévision (le téléfilm Weekend War, un épisode de la série Space Rangers) et de nouveau pour le cinéma (Backdraft de Ron Howard). Sa participation aux Contes de la crypte équivaut à une forme d’émancipation puisque cela lui permet pour la première fois de mettre en images les mots qu’il a couchés sur le papier. Pour l’occasion, il retrouve Clancy Brown, l’inoubliable Kurgan.
Pour sa première réalisation, Gregory Widen œuvre dans le classique. Plutôt que de proposer de l’inédit – ce qui serait une perte de temps dans le cadre d’une série à ce point codifiée – il s’en remet à une valeur sûre du genre, le culte vaudou. Un culte vaudou pratiqué par la tribu Macumba sise au fin fond du Brésil. Le nom n’est pas choisi à la légère puisque le terme « macumba » désigne l’ensemble des cultes afro-brésiliens dont l’umbanda (la magie blanche) et la quimbanda (la magie noire). Toutefois, ladite tribu ne tient qu’un rôle folklorique au sein du récit, présente le temps des deux flashbacks qui reviennent sur la provenance de l’Exthion-B et par extension sur l’avènement de Roger Lassen. Ce dernier est venu au Brésil 6 ans auparavant dans l’intention de trouver le produit miracle qui fera sa fortune. Au départ, il s’agissait d’un projet commun qu’il partageait avec trois de ses amis. Et puis des dissensions sont apparues devant son jusqu’au-boutisme. Comme il se plaît à leur répéter, s’ils sont venus dans ce pays c’est pour « aller jusqu’au bout ». Sauf qu’au moment de franchir le pas, Dan et Kevin se mettent à hésiter. Seul Alex le soutient contre vents et marées. Un soutien indéfectible qui rend d’autant plus surprenant le choix de Roger de le sacrifier afin de satisfaire aux desiderata des membres de la tribu. Dans le cadre de la série, cette incongruité n’en est pas vraiment une. Disons qu’elle vise à souligner grossièrement le caractère détestable de Roger, prêt à tout sacrifier, même une longue amitié, pour parvenir à ses fins. Roger Lassen est de ces arrivistes de première, cyniques en diable, capables d’écraser quiconque se dresse sur leur chemin. La mort de Dan King, pourtant cofondateur à ses côtés de leur multinationale de produits chimiques, ne l’émeut guère. Elle ne devient un problème que lorsque celle-ci contribue à refroidir les ardeurs des autorités, soudain plus aussi enclines à accorder l’autorisation de mise en vente de l’Exthion-B lorsqu’il apparaît que le produit miracle a servi d’arme du crime. A mesure que le récit se déploie, Roger s’enferme plus avant dans une forme de paranoïa. Pour lui, tout le monde cherche à lui nuire. Il ne sait plus distinguer ses soutiens de ses réels ennemis, nourrissant une colère intérieure qu’il a de plus en plus de mal à contenir. Roger est un personnage double, un champion de l’hypocrisie qui vend son produit miracle comme un bienfait pour l’Humanité. Lui qui n’a pas hésité à sacrifier son meilleur ami pour bâtir son Empire n’hésite pas à se présenter au monde en homme providentiel, celui grâce auquel la famine disparaîtra. Au passage, Gregory Widen en profite pour brocarder une certaine presse, plus disposée à relayer une information extraordinaire sous couvert d’une grande naïveté que de mener un réel travail d’investigation.
L’Heure des comptes est un épisode des plus classiques qui se clôt par un effet choc à la portée finalement assez minime. Disons que le chemin pour y arriver ne se révélant guère passionnant, la chute fait un flop. Dommage pour Clancy Brown qui porte l’épisode sur ses épaules, ignoble à souhait. Trop, sans doute. Son personnage manque de relief et ne nous est à aucun moment un minimum sympathique. Loin des losers dont la série fait généralement son beurre, Roger Lassen est avant tout un arriviste immédiatement détestable. Sa fin sonne alors comme un soulagement. Pour sa première expérience de réalisateur, Gregory Widen se fond dans le moule de la série avec humilité. Il ne peut néanmoins pas s’empêcher d’inclure une scène de décapitation à la portée référentielle évidente.