Masters of Horror 2-11 : Le Chat noir – Stuart Gordon
Masters of Horror. Saison 2, épisode 11
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Tout va de mal en pis dans la vie de Edgar Allan Poe. Alors qu’il se consacre à la poésie, le directeur de publication du journal pour lequel il travaille lui somme de pondre de nouveaux écrits fantastiques car c’est ce qui plaît vraiment aux lecteurs. Or, Edgar Poe ne parvient plus à écrire de nouvelles, son imagination étant phagocytée par des problèmes plus quotidiens, la maladie de son épouse et leur détresse financière. Et pour ne rien arranger, il noie son spleen dans l’alcool. A tel point qu’il commence à percevoir son chat comme une menace…
Alors que cinématographiquement, Stuart Gordon a abandonné l’horreur graphique et le fantastique au profit de films plus ancrés dans une réalité sociale sordide (les toujours inédits Edmond et Stuck), il garde tout de même un pied dans le genre qui lui a valu de se faire un nom en participant aux Masters of Horror. Si pour son épisode de la saison 1, Le Cauchemar de la sorcière, il reprenait sans surprise une nouvelle de H.P.Lovecraft, il surprend ici son monde en adaptant Le Chat noir de Edgar Allan Poe, cet autre grand nom de la littérature fantastique. Une tâche des plus ardues compte tenu du nombre déjà affolant d’adaptations de cette nouvelle.
Avec son compère Dennis Paoli, Stuart Gordon décide de contourner le problème en délaissant l’adaptation littérale au profit de la genèse fantasmée de ladite nouvelle. Nous voici donc plongés dans le Philadelphie de 1843, témoins des jours sombres de la vie de Edgar Allan Poe, campé par le méconnaissable Jeffrey Combs (et pour cause, puisque les maquilleurs Greg Nicotero et Howard Berger ont cherché à recréer trait pour trait le visage de l’écrivain). Un Edgar Poe porté sur la bouteille et incapable de subvenir aux besoins de son couple alors que sa femme souffre de plus en plus de la tuberculose. Stuart Gordon et Dennis Paoli, en entremêlant les grandes lignes de la vie de l’écrivain aux passages les plus connus de sa nouvelle, dressent un portrait peu flatteur de Edgar Poe. Sans volonté, geignard et irritable, l’écrivain nous apparaît sous un jour particulièrement pathétique, à tel point qu’on en vient à plaindre son épouse, prête à sacrifier son piano pour qu’ils puissent se donner de l’air. Mais la pauvre femme est vouée à souffrir, aussi bien à cause de la tuberculose que de l’incapacité de son mari à se reprendre en main. Et plus l’écrivain sombre dans les vapeurs éthyliques, plus le choix de Stuart Gordon et de Dennis Paoli se révèle une fausse bonne idée. L’ennui, c’est que la finalité de tout ceci devient trop tôt évidente, ce qui nous conduit à appréhender la suite du récit sous le prisme de la pâle adaptation. Et c’est en cela que Stuart Gordon déçoit. Le réalisateur se contente d’agrémenter son épisode des principales scènes choc de la nouvelle, sans y apporter une once d’originalité sur le plan visuel. L’énucléation du chat, sa pendaison et la découverte du corps de sa femme sur laquelle se trouve juché le maudit félin, toutes ces scènes témoignent d’un soin maniaque à coller au plus près des écrits de l’écrivain. Stuart Gordon donne l’impression de ne pas pouvoir détacher son imaginaire des images fortes véhiculées par la nouvelle, au contraire des écrits de Lovecraft qui laissent une place plus importante à l’imagination. Et lorsqu’il tente de s’éloigner du récit, c’est pour agrémenter sa narration de scènes en trompe-l’œil comme cette strangulation de l’éditeur par un Edgar Poe hors de lui, mais en réalité simplement perdu dans ses pensées macabres. Un procédé irritant et usé jusqu’à la corde qui, outre l’inconvénient de nous annoncer le coup de théâtre final, nous amène à ne plus prêter crédit aux scènes suivantes, dans l’attente permanente d’un réveil en sursaut du personnage principal. De fait, dénué d’enjeu et de tout suspense, Le Chat noir version Stuart Gordon devient un objet un peu vain et superficiel. Masters of Horror oblige, et eu égard à ses états de service, Stuart Gordon nous gratifie de quelques plans gores. Des plans gores voulus dramatiques et donc à grand renfort de ralentis (Virginia crachant des hectolitres de sang sur son beau piano sous les yeux apeurés de son mari !) mais à la portée nulle. Rien n’y fait, tout sonne faux dans cet épisode, à commencer par le jeu maniéré de Jeffrey Combs.
En fait, il est amusant de constater que Stuart Gordon n’ait pas, en deux épisodes, cherché à profiter de la soi-disant grande liberté offerte par Mick Garris pour faire autre chose que ce qu’il a l’habitude de faire. Dès lors, cet épisode apparaît davantage comme un travail purement contractuel plutôt que comme une réelle envie de s’approprier une œuvre aussi célèbre. Mais peut-être avait-il déjà la tête à Fear itself : Les Maîtres de la peur, une nouvelle anthologie de l’horreur créée par l’infatigable Mick Garris et dans laquelle on retrouve certains noms déjà à l’office pour les Masters of Horror, comme John Landis, Brad Anderson ou encore Ernest Dickerson. Souhaitons-lui d’avoir retrouvé la niaque qui lui fait ici défaut, inscrivant Le Chat noir dans la liste -déjà longue- des gros ratages de cette saison 2.