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Jeremiah, tome 6 : La Secte – Hermann

Jeremiah
Tome 6 : La Secte. 1981

Origine : Belgique
Genre: Action, aventure, science-fiction
Dessins : Hermann
Scénario : Hermann
Editeur : Dupuis

Toujours en quête d’argent, Jeremiah et Kurdy se sont fait embaucher comme gardes du corps au service de Norman Craig, un homme influent qui traverse le pays en compagnie de sa femme et de son fils. Dans une société toujours empreinte au chaos, le voyage ne sera pas de tout repos, nos deux amis allant même faire la rencontre d’une secte pour le moins inamicale.

Sixième tome des aventures de Jeremiah et Kurdy, La Secte ne s’embarrasse pas du souci de la continuité. Tante Martha, que nous avions laissée dans le coquet intérieur d’un monorail aménagé, brille par son absence et son devenir n’est même pas évoqué au travers des dialogues. Question temporalité, nous sommes également dans le flou le plus complet. Mais après tout, quoi de plus logique dans cette société où le temps semble s’être arrêté dans un entre-deux incertain entre le Far West et l’époque contemporaine. En fait, comme je l’ai déjà évoqué auparavant, Hermann conçoit les Jeremiah sous l’angle du feuilleton avec une foultitude de personnages qui pour certains ne font que passer, et qui pour d’autres sont amenés à revenir de manière ponctuelle. Il en sera ainsi de Tante May, mais aussi de Stonebridge, personnage introduit dans Un cobaye pour l’éternité. Seuls Jeremiah et Kurdy forment les pierres inamovibles d’un récit qui tourne autour d’eux sans pour autant chercher à les approfondir de manière systématique. Dans La Secte, on les retrouve tel qu’en eux-mêmes, Kurdy toujours aussi frondeur alors que Jeremiah se singularise par son calme et sa réflexion. Mais les deux jeunes hommes se rejoignent pour le patent manque de curiosité qu’ils témoignent à l’égard de leur employeur, monsieur Craig, dont l’influence supposée ne sera qu’un vain mot. Ils n’ont qu’un but, survivre. Et pour y parvenir, il est parfois préférable d’en savoir le minimum, posture à laquelle les deux amis essaient de s’astreindre le plus possible. Toutefois, même en suivant ce mode de conduite, Jeremiah et Kurdy ne peuvent durablement éviter le danger. Une rutilante diligence avec escorte, cela attire bien des convoitises et des embuscades sont alors à redouter. Cependant, il s’agit là d’un danger plus que prévisible auquel nos deux compères ne peuvent que s’attendre. Pas comme celui qu’incarnent ces deux jeunes gens aux discours d’illuminés auxquels on ne prête qu’un intérêt amusé.

Pour ce sixième tome, Hermann a donc choisi d’évoquer les sectes, ce mal insidieux qui pervertit les âmes les plus fragiles et dont le monde commence alors à appréhender la haute dangerosité. Ainsi, le 18 novembre 1978, ce sont 914 adeptes du Temple du Peuple qui meurent par absorption volontaire de cyanure dans le temple de Jonestown au Guyana. Quant à la secte Moon, elle est mentionnée en ces termes depuis janvier 1975. Quelque soit notre degré de civilisation, il existe toujours des individus sans scrupules prompts à exploiter la crédulité des gens à leurs propres fins. Et à plus forte raison dans une société destructurée, dépourvue des gardes fous constitutionnels, comme celle dépeinte par Hermann. A l’aune du potentiel émanant de l’univers apocalyptique de la série, l’idée de confronter Jeremiah et Kurdy à une secte semble prometteuse. Malheureusement, Hermann n’exploite pas suffisamment son sujet dans le cadre de son univers, réduisant la secte à un péril de plus sur la route de ses deux héros. De cette communauté qui s’adonne à des rites très codifiés ne ressort aucune singularité particulière. Tout juste le dessinateur leur adjoint-il une aura fantastique lors des dernières cases, qui rappelle les grandes heures de la Hammer. Et c’est là une des grandes qualités de cet épisode, la manière dont Hermann retranscrit le climat oppressant qui s’installe dans le village servant de repaire à la secte. Les cases emplies d’un brouillard tenace tout juste illuminé par la lueur de torches se succèdent telles des toiles pointillistes. A cela s’ajoute le coloriage de très grande qualité de Fraymond, aussi à l’aise lors des scènes nocturnes que pour donner vie à des sous bois nimbés d’une belle lumière automnale.

Malgré la frustration ressentie du fait d’un sujet trop peu abordé, cet épisode recèle tout de même quelques trésors. Hermann sait croquer en quelques cases des personnages inoubliables, à l’image du spécialiste ès explosifs Peter Loubiovtchichenko, personnage truculent s’il en est. Et surtout, l’auteur maîtrise de mieux en mieux son art, agençant ses cases avec science et sachant rendre son récit palpitant, au point que les réserves qu’on puisse avoir s’en retrouvent amoindries.

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