Les Contes de la crypte 3-12 : Dernière limite – Walter Hill
Les Contes de la crypte. Saison 3, épisode 12.
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Charles McKenzie nous invite à connaître son histoire… Naguère, il fut un reporter brillant, mais hélas son addiction à l’alcool lui a coûté sa place. Il replongea de plus belle dans l’alcool. Mais n’incriminons pas trop vite les troquets : avec un peu de chance, on peut y rencontrer une ravissante blonde comme Vicki, avec laquelle on passera une nuit vivifiante au point de vouloir repartir d’un bon pied. Charles décida donc de devenir sobre et de retrouver son emploi. Mais pour cela, le patron posa une condition : la rédaction d’un article digne d’intérêt. Un meurtre ou rien. Mais comment en pondre un alors que les portes de la police et de la morgue demeuraient fermées devant Charles ? Le hasard décida pour lui en le plaçant aux premières loges d’un assassinat…
Après avoir expérimenté en s’éloignant brièvement mais sûrement des conventions -avec un résultat assez prometteur mais paradoxalement inquiétant (le renouvellement, c’est bon quand on est à bout de souffle, ce qui n’était de toute évidence pas le cas), la deuxième partie de la troisième saison des Contes de la crypte semblait revenue un temps à la tradition. Qualitativement, Le Sacre de la tronçonneuse s’est imposé comme un des meilleurs épisodes de la série. Pourtant, c’est bien En faire son deuil qui est venu titiller la curiosité en réussissant à renouer pleinement avec les habitudes tout en démontrant que celles-ci n’étaient pas forcément liées à l’horreur. Son réalisateur, Manny Coto, finissait bien par s’y rallier, mais la plus grande partie de son épisode reposait sur un socle comique, à savoir la déchéance fracassante d’un homme cynique. L’horreur n’en était qu’un prolongement, voire une suprême ironie, pas une fin en soi. Dans Dernière limite, Walter Hill -qui réalise là son dernier épisode pour la série dont il est l’un des producteurs- refait globalement la même chose que Coto. Il reprend l’idée d’un personnage à la dérive, mais va encore plus loin : cette fois, il n’y a strictement rien d’horrifique. Pire encore, il n’y a aucune menace planant au dessus du héros. S’il y en a une, elle est en lui. Et pourtant, cet épisode est incontestablement plus trempé dans le seau des Contes de la crypte que ne l’est par exemple Des pompes très funèbres avec son croque-mort véreux. Question de ressorts dramatiques. C’est l’occasion de rappeler que si la série est basée sur des histoires issues des EC comics de William Gaines (Tales from the crypt qui donne son titre à la série, The Vault of Horror, The Haunt of Fear), celui-ci ne s’est pas contenté de faire dans l’horreur ou la science-fiction. Il a aussi œuvré dans le policier, notamment avec Shock SuspenStories qui réunissait plusieurs genres. Walter Hill et consorts auraient tort de s’en priver, et c’est de ce magazine que Hill a sorti l’histoire utilisée pour cet épisode narré a posteriori par un personnage principal placé dans un contexte qui ne nous sera révélé qu’à la fin (plus pour développer l’ironie que le suspense, d’ailleurs).
Ce procédé de narration, allié à la présence d’un journaliste alcoolique cherchant un bon scoop, d’une blonde sophistiquée aux motivations incertaines et d’une certaine photographie sombre adaptée à un environnement urbain bien choisi nous mène tout droit dans le monde du film noir. Cet univers fait de corruption est parfait pour le style d’humour des Contes de la crypte : l’arrivisme forcené du personnage de Charles McKenzie le condamne à un sévère retour de flammes, d’autant plus que derrière son narcissisme jamais démenti (même lorsqu’il n’est encore qu’un pilier de bistrot, il joue aux fiers-à-bras) l’homme est un crétin, et tout le monde le prend comme tel : sa sœur, ses anciens collègues, la police, le barman et surtout Vicki qui, loin de le considérer comme l’étalon qu’il pense être, lui offre ses charmes parce qu’elle prend un plaisir pervers à coucher avec des minables tels que lui. Dernière limite est donc le récit d’un homme qui en croyant remonter la pente s’enfonce tête haute dans sa propre médiocrité (on en vient à se dire qu’il n’aurait pas dû quitter son comptoir) jusqu’à ce que l’inévitable survienne lorsqu’il cherche à forcer son destin en misant sur ses propres talents. La perspective de sa chute, annoncée sans ambages par le biais du récit au passé, met donc le spectateur en condition, n’attendant plus que l’erreur fatale. Entre temps, il peut profiter de l’absurdité de ce journaliste brassant du vent, du charme de Marg Helgenberger et de cette ambiance de film noir qui esthétiquement parlant se révèle tout aussi adaptée aux Contes de la crypte qu’un cadre gothique purement fantastique. Après tout, en ressuscitant l’esprit des éditions de William Gaines, la série a aussi le grand mérite d’apparaître régulièrement comme délicieusement rétro, et le film noir évoque lui aussi une époque bien définie.
S’il n’y avait qu’un reproche à adresser à cet épisode, ce serait très certainement de se focaliser à l’excès sur son personnage principal. C’est loin d’être la première fois (En faire son deuil était pareil), mais cette fois Hill va jusqu’à subordonner tout l’épisode à son pathétique héros, scénario inclus. C’est même lui qui raconte l’histoire ! Pas d’ennemi, pas de malédiction, pas d’influences extérieures… Du coup, l’ensemble apparaît un peu léger. Marrant, assez innovant, malin, mais il lui manque tout de même un côté plus rentre-dedans pour être parmi les meilleurs.