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Cyanure – Camilla Läckberg

Cyanure. 2006.

Origine : Suède
Genre : Policier
Auteur : Camilla Läckberg
Éditeur : Actes Sud, collection Actes Noir et en poche chez Babel Noir.

Le polar nordique ne date pas d’hier. On en trouve les premières occurences dès le 19e siècle avec notamment l’oeuvre fondatrice de l’auteur norvégien Maurits Hansen, Le Meurtre du constructeur de machine Roolfsen paru en 1840. Puis, à intervalles réguliers, l’engouement des lecteurs pour un polar (ou un auteur de polar) en provenance d’un pays scandinave reprend de l’ampleur jusqu’à devenir un phénomène de société à l’aune du succès de la saga de Stieg Larsson (inachevée de son vivant), Millénium. Deux ans auparavant, en 2003, l’écrivaine suédoise Camilla Läckberg avait déjà ouvert la voie dès son premier roman, La Princesse des glaces.  Son succès lui offre alors l’opportunité d’inaugurer une série autour de son couple de héros, la romancière Erica Falck et l’inspecteur de police Patrik Hedström, à un rythme plutôt soutenu. Trois ans plus tard, elle en est déjà à 4 tomes de sa série principale et s’offre le loisir d’écrire ce qu’on appelle communément dans le jargon des séries télé un spin-off. Court roman, Cyanure donne le premier rôle à Martin Molin, personnage satellite de la série-mère contraint pour cette affaire de se débrouiller seul, sans les précieux conseils de Patrik, simplement évoqué (espéré) ici.

Martin Molin a une petite amie. Et pas n’importe qui puisque Lisette Liljecrona n’est autre que la petite-fille de Ruben Liljecrona, milliardaire local. La famille a coutume de se réunir sur l’île au large de la ville côtière de Fjälbacka pour les fêtes de Noël et même si cela ne l’enchante guère, il consent à accompagner Lisette. Sauf que cette année, le séjour ne démarre pas sous les meilleurs auspices. A la tension palpable entre les différents membres de la famille savamment entretenue par Ruben lui-même, s’ajoute une forte tempête qui isole encore un peu plus les convives du continent. Martin assiste incrédule aux échanges animés jusqu’à ce que Ruben s’écroule, raide mort, les plats à peine servis. Son expertise est sans appel : le richissime patriarche a été empoisonné au cyanure. Toutes communications étant coupées, il lui revient la tâche de mener l’enquête. Et celle-ci ne sera pas de tout repos.

Si on ne parlera pas d’exercice de style dans la cas de Cyanure, ce roman n’en demeure pas moins une pause récréative au sein de la bibliographie de Camilla Läckberg. Une sorte d’obole offerte à un personnage secondaire qui répondrait à un éventuel désir des lecteurs de voir ce personnage prendre davantage d’ampleur. Ce qui sera finalement le cas puisque en plus de trois nouveaux cours récits incorporés à une édition augmentée de Cyanure, Martin Molin remplace Patrik durant son congé paternité dans L’Enfant allemand, paru en 2007. Pourtant, le personnage ne brille pas par son intérêt. Il n’y a pas grande différence entre le Martin Molin de ce roman et celui des débuts de la série où il n’était qu’un jeune employé du poste de police, tellement inapte au métier qu’on ne lui confiait que des tâches subalternes. Dès le départ, il ne se sent pas à son aise face à toutes ces responsabilités qui lui incombent. Tenu de jouer son rôle d’inspecteur de police, il passe son temps à regretter que Patrik ne soit pas là. Le second couteau peine à jouer les premiers rôles, manquant cruellement de confiance en lui. Et d’envie, tout simplement. Ce qui rend ses investigations assez schématiques et peu enthousiasmantes. En premier lieu parce qu’il ne s’affirme jamais et que les interrogés – les membres de la famille Liljecrona – en disent plus long dans les chapitres qui leur sont respectivement consacrés que durant leurs interrogatoires. De fait, Camilla Läckberg place d’emblée – et sciemment – son enquêteur à la traîne du lecteur qui, lui, doit se dépatouiller avec un monceau de clichés (coucheries entre cousins et entre beau-frère et belle-soeur, dépendance aux jeux d’argent, …). Dans ce huis-clos aux tenants et aboutissants peu originaux, la lumière aurait pu venir des personnages mais dans sa recherche d’efficacité (comptez à peine 10 pages avant que le vieux Ruben ne casse sa pipe), Camilla Läckberg les sacrifie tous. De fait, le côté malaisant qu’auraient pu avoir ces réglements de comptes familiaux en pâtit. Tous détestables à différents degrés, leur sort importe peu. Quant à Martin, il mène son enquête cahin-caha sans guère se soucier de sa fiancée, laquelle le lui rend bien, puisque de toute manière, il avait décidé de rompre. Entre siestes récurrentes, auto-flagellations et éclairs de génie tout relatifs, Martin Molin s’impose comme le héros fade d’un repas de fête sans sel.

Bel exemple du roman vite lu, vite oublié, Cyanure n’est que le triste rejeton d’un caprice littéraire. Avec ce court récit, Camilla Läckberg marche sur les plates-bandes d’Agatha Christie sans provoquer les mêmes noeuds au cerveau et dénué de tout humour. Le démarquage de Les Dix petits nègres est flagrant (désormais baptisé Ils étaient dix dans le souci un brin hypocrite d’apaisement) jusque dans la nature de l’arme du premier crime. Pour les cinéphiles, Camilla Läckberg s’amuse également à citer L’Île de l’épouvante de Mario Bava, autre libre adaptation du roman, dans la manière d’entreposer les corps des victimes successives. Sherlock Holmes de Sir Conan Doyle est lui aussi cité, donnant même la clé du dénouement. De bien illustres modèles auxquels Camilla Läckberg se confronte effrontément. A son détriment puisqu’elle ne parvient jamais à se hisser à leur hauteur.

 

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