Veuve mais pas trop – Jonathan Demme
Married to the mob. 1988Origine : Etats-Unis
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Angela De Marco (Michelle Pfeiffer) en a marre de sa vie avec Frank, son mari mafioso (Alec Baldwin). Elle ne supporte plus qu’il incite leur fils à escroquer ses camarades de classe, elle ne supporte plus de vivre dans l’expectative d’une descente de flics, elle ne supporte plus les montagnes d’argent sale et elle ne supporte plus ses propres amies, les épouses des collègues mafiosi de son mari. Un évènement viendra la libérer : le meurtre de Frank, qui s’est pris un pruneau alors qu’il était auprès de sa maîtresse. Loin de l’affliger, elle verra dans son veuvage la possibilité de changer de vie : abandonnant sa luxueuse villa, offrant ses meubles à une organisation caritative, elle emménage dans un quartier pauvre de New York, et se trouve bientôt un boulot de coiffeuse dans une boutique de coiffes reggae. Mais elle apprendra qu’il n’est pas aisé de réécrire sa vie : Tony (Dean Stockwell), le chef de la famille mafieuse de son mari, est épris d’elle et va tout faire pour l’attirer à lui (d’ailleurs elle ne le sait pas, mais c’est lui, l’assassin de Frank), tandis que le FBI décidera de la pister en lui envoyant Mike (Matthew Modine), un agent qui commencera à entretenir avec elle des relations amoureuses, sans pour autant lui dévoiler sa véritable identité.
Avant de se lancer dans des histoires de tueurs cannibales intellectuels et de sidaiques en phase terminale, Jonathan Demme y est allé de ses deux petites comédies familiales gentillettes : Dangereuse sous tous rapports et Veuve mais pas trop. Typique de leur époque, ces comédies cachent leur aspect romantique sous des dehors de satires légères, visant le conformisme pour la première et la mafia pour celle qui nous intéresse ici. Une mafia qui n’a pas grand chose à voir avec celle décrite dans Le Parrain de Coppola, puisque cette fois ses membres sont vus sous l’angle de la superficialité de leurs vies privées. Peu ou prou d’affaires professionnelles nous sont présentées, Demme s’intéresse quasi exclusivement aux sentiments amoureux, aux épouses, aux difficultés de la vie conjugale. Et, Parrain ou pas, Tony connaît les problèmes de monsieur tout le monde : il est jaloux, il est amoureux de la femme d’un ami et il n’ose pas s’opposer à sa femme, qui porte la culotte. Alors évidemment, il dispose de moyens de pressions importants, mais ses malabars, ses cadeaux et ses voyages d’affaires ont bien du mal à lui faire atteindre ses objectifs sentimentaux. C’est donc à un Parrain pitoyable que nous avons affaire, loin, très loin d’un Don Vito Corleone. Demme brise le mythe de la mafia, donnant au passage à ses mafiosi des surnoms très peu glamour : “le concombre”, “la limace”, “le mille-patte”… Quand aux femmes des mafieux, ce sont des Desperate Housewives des années 80, habillées à la dernière mode (putain que c’est laid !), aimant les ragots, les coups bas et disposées à des crises d’hystéries leur conférant un certain pouvoir sur leurs maris. Il règne dans tout ce milieu un certain penchant pour le non-dit : il serait en effet plutôt délicat d’avouer à ses collègues que bobonne fait la loi.
La même omerta honteuse sévit chez Angela. Pour le coup, ce ne sont pas uniquement ses problèmes affectifs qui sont concernés, mais toute sa vie. Difficile d’abandonner le passé, surtout quand celui-ci était aussi atypique. Ainsi, pour rompre totalement avec son ancienne vie, Angela fait tout ce qui est son possible : elle part vivre dans un quartier pauvre, elle accepte un boulot minable dans une boutique au rabais, elle s’enlaidit… Jonathan Demme ne lui réserve pourtant pas le même sort satirique qu’il avait appliqué aux mafieux et en elle même, elle ne sera pas très drôle. Elle ne sera que le témoin des imbécilités de son entourage. Cela affecte quelque peu le film, qui ne dispose ainsi pas d’un personnage principal très convaincant et dont le relief est dépendant des autres personnages, qui sont tous au courant de son secret : la mafia évidemment, mais aussi Mike, l’agent du FBI, qui lui aussi garde secrète sa vraie identité, d’abord en se cachant lui-même pour éviter d’être découvert (tantôt il fait mine d’être chanteur de gospel, tantôt il se fait passer pour un plombier, tantôt il se cache sous des lunettes noires… dans les cas les plus sobres) puis en mentant par omission. Dès lors, comme on pouvait s’y attendre, la réussite de la relation entre Mike et Angela dépendra de la fin des non-dits, du règlement de toutes les affaires sentimentales jusqu’à un final en happy end qui aura d’ailleurs vu Mike faire son mea culpa (le FBI et ses méthodes étant égratignés au passage). Entre temps, quelques péripéties plus ou moins bien vues auront fait la liaison.
Veuve mais pas trop est une comédie somme toute assez classique, pas désagréable mais pas époustouflante. Il faut dire que son thème (en gros, tout le monde est pareil, tout le monde a ses petits secrets) n’est pas des plus élaborés qui soit, et Demme le traite avec légèreté, le sachant trop limité pour faire autre chose qu’une comédie familiale. Au moins, il réussit à cet exercice. Accordons lui le mérite de ne pas en faire trop.