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Une créature de rêve – John Hughes

Weird Science. 1985.

Origines : États-Unis
Genre : fantasme adolescents
Réalisation : John Hughes
Avec : Anthony Michael Hall, Ilan Mitchell-Smith, Kelly LeBrock, Bill Paxton, Suzanne Snyder, Judie Aronson, Robert Downey Jr.

Gary Wallace et Wyatt Donnelly sont deux lycéens qui partagent une même peur bleue des relations sociales, à plus forte raison avec des filles. D’autant que deux sales gosses de leur école n’hésitent pas à les mettre en boîte devant tout le monde, ce qui n’arrange guère leur confiance en eux. Un soir qu’ils regardent Frankenstein à la télévision (dans une horrible version colorisée, les malheureux !), Gary soumet à Wyatt l’idée de créer eux-mêmes la femme parfaite. Après quelques tâtonnements et en piratant les bases de données d’une base militaire pour obtenir plus de puissance, l’incroyable se réalise : une belle jeune femme, qu’ils baptisent Lisa, sort de la salle de bain de Wyatt et leur est entièrement dévouée. Dotée de pouvoirs extraordinaires, elle va s’empresser de bouleverser leur vie.

A peine Breakfast Club bouclé, John Hughes a enchaîné la même année avec Une créature de rêve, lequel précède de seulement huit mois le début du tournage de La Folle journée de Ferris Bueller. Une frénésie qui peut s’apparenter à celle des personnages adolescents autour desquels il a construit sa filmographie et qui répond également à une nécessité commandée par les obligations de ses jeunes acteurs, certains n’ayant pas encore pleinement embrassé le métier de comédien. C’est le cas d’Anthony Michael Hall, de tous ses films depuis Seize bougies pour Sam et auquel on pourrait ajouter Bonjour les vacances  pour lequel John Hughes a signé le scénario, qui a donc littéralement grandi sous l’œil du réalisateur. Dans Une créature de rêve, il est question du grand saut, de cette fameuse première fois dans les bras de l’être aimé mais sans les atours mélancoliques des précédents films de John Hughes. Ce dernier délaisse cette fois-ci le ton sérieux, parfois à la limite du mélodramatique, au profit d’une tonalité plus volontiers potache voire franchement grivoise. Un changement pour le moins radical qui cède à la mode de l’époque de mettre des adolescents aux prises avec des éléments fantastiques voire horrifiques.

Il ne faut pas longtemps pour s’apercevoir que l’élément fantastique ne sert que de prétexte à John Hughes. Il n’y a qu’à voir avec quelle désinvolture l’éveil de Lisa est traité pour s’en convaincre. Une cuillerée de citation cinéphile avec le réveil de la créature de Frankenstein reproduit à l’aide d’une poupée Barbie, une pincée de contemporanéité pour l’usage d’un ordinateur dans lequel les adolescents scannent diverses photos découpées dans des revues de charme et beaucoup de suspension d’incrédulité lui suffisent pour faire la blague. A noter que, comme souvent dans le cinéma américain, l’adolescent est richement équipé : télévision, téléphone et donc ici l’ordinateur. Il ne lui manque finalement que le four et le réfrigérateur pour qu’il soit totalement autonome. John Hughes pousse le luxe jusqu’à doter la chambre de Wyatt de sa propre salle de bain. L’occasion d’une première approche avec le corps de leur création pour les deux adolescents, totalement interdits devant la réussite de leur expérience et la finesse de sa finition. Cette scène synthétise à elle seule l’aspect brinquebalant de l’entreprise. Lisa nue, mais dont on ne verra que le haut du dos, prend sa douche accompagnée de Wyatt et Gary, lesquels demeurent habillés et, plaqués contre le mur, prennent bien soin de masquer tout signe intempestif d’érection. Sous couvert d’une approche coquine le film reste prude à l’image des deux adolescents, incapables d’être maîtres de leur propre invention. Non pas parce que Lisa décide de s’émanciper mais parce qu’ils demeurent constamment empêchés par leur manque chronique de confiance en eux. Résultat, ils sont plus souvent le jouet de leur création que l’inverse. Tout au plus profitent-ils de sa présence et de leur proximité avec elle pour se faire mousser à bon compte auprès de leurs camarades de classe. Car si Lisa est avant tout le fruit des fantasmes des deux amis, leur portée s’avère universelle puisque elle plaît aussi bien à leurs tourmenteurs qu’à leurs futures conquêtes.

L’élément fantastique prend donc rapidement une portée émancipatrice, Lisa jouant les bonnes fées pour ces deux adolescents décidément bien peu dégourdis. Le Q.I très élevé dont elle est dotée – supérieur à celui d’Albert Einstein, pour vous donner une idée – lui confère des pouvoirs magiques. Elle peut ainsi à loisir faire apparaître des voitures de luxe, des vêtements parfaitement coupés (même si aujourd’hui, ils paraissent parfaitement ringards) ou même des êtres venus d’une autre dimension (ou d’un autre film, Vernon Welles en provenance direct de Mad Max 2 a garé bien sagement son buggy avec ses deux prisonniers devant l’entrée de la maison de Wyatt). Par ces actions, Lisa nourrit deux buts : s’amuser et amener Gary et Wyatt à s’assumer tels qu’ils sont. Elle leur offre également de bonne grâce un excellent terrain de jeu pour assouvir le moindre de leurs fantasmes dont ils ne font rien, ou si peu, se contentant de petits bisous. Et encore faut-il pour cela qu’elle prenne les devants ! Bien que son film jouisse d’une tonalité plus grivoise qu’à l’accoutumée, John Hughes n’assume pas pleinement cette approche décomplexée. Comme gêné aux entournures par sa propre audace, il a tôt fait de maquiller son Frankenstein pour puceaux en conte initiatique. Gary et Wyatt demeurent quoi qu’il arrive des adolescents mal dans leur peau, des souffres-douleurs en puissance peu aidés par des parents trop souvent absents ou peu enclins à les valoriser à leur juste valeur. Entre deux leçons de morale, Lisa est là pour leur permettre d’ouvrir les yeux sur leurs qualités, de se révéler à eux-mêmes. La méthode employée apparaît aussi tirée par les cheveux que les moyens utilisés pour donner vie à Lisa. En outre, ils répondent à un besoin de spectaculaire d’autant plus gratuit que les catastrophes accumulées lors de la fête organisée chez Wyatt à son insu n’auront aucune répercussion. Tout rentrera gentiment dans l’ordre comme si les deux amis avaient tout bonnement rêvé le contenu du film à la différence qu’ils ont désormais chacun une copine, une brune pour le brun, une blonde pour le blond. Bravo pour la prise de risque !

Sans pour autant délaisser sa marotte, l’observation de la vie adolescente, John Hughes cède ici à la facilité de l’humour potache au cœur de ces comédies adolescentes où tout n’est que fêtes, dragues et ivresse, qu’il passe à la sauce cartoon. Tout n’est qu’exagération dans ce film, à commencer par le jeu des comédiens eux-mêmes, jamais avares de roulements d’yeux et de bouches grandes ouvertes, exprimant par là un seul et même sentiment, la sidération. A ce petit jeu, c’est encore Bill Paxton qui s’en tire le mieux dans le rôle pourtant ingrat du grand frère benêt de Wyatt, très porté sur les armes à feu et au langage pour le moins fleuri. Sans être une purge infâme, il réussit même à amuser par moment, Une créature de rêve n’en reste pas moins un ratage à l’imaginaire corseté et aux implications rapidement vaines. John Hughes poursuivra par la suite dans cette veine décomplexée, aussi bien en tant que simple scénariste (Maman, j’ai raté l’avion !) que réalisateur (La Folle journée de Ferris Bueller). A noter que Une créature de rêve donnera naissance près de dix ans plus tard à une adaptation pour la télé au format sitcom qu’en France on a pu découvrir sous le titre Code Lisa. Un format qui s’est avéré au final bien plus adapté.

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