Susan a un plan… – John Landis
Susan’s plan. 1998Origine : États-Unis
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Susan veut changer d’air. A la suite d’un mariage raté avec un homme qui lui a fait beaucoup de mal, elle file à nouveau le parfait amour en compagnie de Sam, fringant vendeur en assurances. Ils souhaitent vivre ensemble, mais ailleurs qu’à Los Angeles, dans un endroit de rêve, style Hawaï. Sauf que la concrétisation de leur rêve nécessite des liquidités dont ils ne disposent pas. A moins que Paul, l’ex mari de Susan, ne vienne à mourir. Toujours seule bénéficiaire du montant de son assurance vie, Susan récolterait alors un joli pactole. Il n’en faut pas plus pour qu’elle échafaude un plan, plan qui réclame l’apport d’autres personnes. Son choix, effectué dans l’urgence, fragilise un peu plus un édifice déjà brinquebalant. M’enfin, qui ne tente rien, n’a rien.
John Landis est un réalisateur éminemment sympathique dont la carrière se trouve étroitement liée à toute une ribambelle de comiques américains issus de la télévision, des ZAZ (Zucker, Abraham, Zucker) à Eddy Murphy, en passant par le duo John Belushi – Dan Aykroyd. Ce dernier apparaît d’ailleurs en vieux complice dans le film ici présent, sous la défroque d’un “biker” sans monture. En véritable touche à tout, John Landis a oeuvré dans à peu près tous les genres. Ici, il s’attaque au polar, auquel il adjoint son éternel sens de la dérision.
Pas du genre à perdre son temps en de vaines expositions, il lui faut moins de dix minutes pour dévoiler la plastique superbe de ses deux comédiennes principales (avec davantage d’insistance en ce qui concerne Lara Flynn Boyle) et abattre Paul. Or, c’est à ce moment précis où tout semble s’être déroulé comme sur des roulettes que les ennuis commencent. Susan pensait avoir tout prévu, sauf l’éventualité que Paul survive à trois balles tirées quasiment à bout portant. Un professionnel aurait certainement rendu une copie propre. Seulement voilà, des professionnels du crime, la bande de Susan n’en compte aucun. Les deux personnes chargées de tuer Paul, en faisant passer ça pour une agression qui a dégénéré, sont deux pauvres types auxquels Sam, le petit ami de Susan, a évité la prison en passant sous silence leur piètre entourloupe aux assurances. Steve multiplie les petits boulots car il ne parvient jamais à les garder très longtemps, tandis que Bill ne fait rien de ses journées, si ce n’est jouer de temps à autre à la console chez son cousin. C’est un immature qui trouve dans ce plan criminel l’occasion rêvée de vivre de nouvelles sensations. Tuer l’indiffère étant donné que cela fait partie du plan, et qu’il le considère excellent. Dans le rôle, Michael Biehn étonne, lui qui d’ordinaire incarne plutôt des personnages plus physiques et réfléchis, notamment pour James Cameron (Terminator, Aliens, Abyss). L’air innocent et complètement déconnecté de la réalité, il constitue la bonne surprise du film.
Pour faciliter le travail des loustics, Susan a aussi embringué sa shampouineuse, Betty, dont la tâche consiste à s’assurer de la présence de Paul dans un lieu prédéfini. Pour cela, il lui suffit juste de s’acoquiner avec la cible, ce qu’elle réalise sans aucune difficulté, elle pour qui jouer de ses charmes est comme une seconde nature. Et puis il y a Bob, le “biker” cité plus avant. Il joue un peu le rôle de la roue de secours, lui qui ne doit intervenir que pour pallier à l’éventuel échec des deux tueurs attitrés. Voici brossé succinctement le portrait de la bande de bras cassés qui sert de complices à Susan et Sam. L’humour du film repose avant tout sur leurs maladresses et leur incompétence. Maladresse et incompétence qui caractérisent également le couple instigateur de la combine. Susan pêche par sa trop grande confiance en son plan prétendument infaillible, alors que Sam brille par sa lâcheté et son extrême passivité avec les femmes. Il se laisse totalement dominer et demeure leur éternel obligé.
John Landis réussit une brillante entame. Son film s’avère drôle, enlevé et toute sa bande de joyeux comédiens fait plaisir à voir. Même ses incartades dans l’humour potache -Steve émet des flatulences lorsqu’il stresse- font mouche. On se dit alors qu’il a retrouvé la pêche de ses débuts, et on s’en réjouit… jusqu’à ce qu’arrivent les scènes à l’hôpital, qui remettent totalement en question notre impression initiale. Soudain, sans crier gare, John Landis ne sait plus comment meubler son histoire. Il utilise alors un grossier procédé, celui du rêve. Ainsi, les trois quarts des scènes qui se déroulent à l’hôpital proviennent des rêveries de l’un ou l’autre des personnages. Utilisé avec parcimonie, ce procédé n’aurait pas été trop dommageable. Mais lorsqu’il nous inflige deux fois le même rêve coup sur coup, le « foutage » de gueule paraît évident. Et cela a une incidence sur la fin, que John Landis a voulu particulièrement guignolesque. Elle l’est à un tel point qu’on attend le moment où l’un des personnages ouvrira les yeux, moment qui ne viendra pas. Particulièrement rageant lorsqu’on s’est si bien amusé durant une bonne partie du film.
Soutenu par une belle brochette de comédiens plutôt rares à l’écran, John Landis donnait l’impression d’avoir recouvré tous ses moyens. Bien que vénaux, lâches, simplets ou encore lubriques, les personnages qu’il nous dépeint n’en restent pas moins attachants. Avec leur envie de changer de vie, ils s’avèrent profondément humains. Ils ont juste choisi la mauvaise voie. Rien que pour eux, Susan a un plan mérite d’être découvert. Quant à John Landis, la série Masters of Horror est apparue comme une bénédiction, lui qui peine désormais à tenir la distance sur seulement 80 minutes.