Small Soldiers – Joe Dante
Small Soldiers. 1998Origine : États-Unis
|
Après 1993 et Panic sur Florida Beach, Joe Dante ne trouva plus de films à réaliser. Ses films se prenaient régulièrement des bides, et lui-même n’était (et n’est toujours pas) du genre à faire des concessions. Bref, il fut contraint pendant 5 ans à “l’exil”, à travailler uniquement pour la télévision. Période durant laquelle il réalisa tout de même le génial La Seconde guerre de Sécession.
Puis en 1998, Steven Spielberg, ami de Dante avec qui il avait déjà travaillé sur les Gremlins, lui proposa Small Soldiers. Dante n’avait rien contre, surtout que le projet en question lui permettait de travailler au milieu des effets spéciaux modernes. De plus le projet, calibré pour un public jeune, possédait un potentiel évident susceptible de plaire au réalisateur. En effet, celui-ci a basé une grande partie de sa carrière sur la “perversion de la jeunesse”. Perversion dans le sens où il utilise les ficelles traditionnelles de ce genre de film (les films qu’apprécie Spielberg en somme) pour les détourner vers l’apologie de la marginalité (Panic sur Florida Beach), quand ce n’est pas purement et simplement vers l’anarchie (les Gremlins). Pour faire simple, Dante est un fouteur de merde. D’où ses ennuis pour trouver un film à réaliser, surtout lorsque ses derniers en date furent des échecs commerciaux.
Bref, Dante s’est tout de même retrouvé aux commandes de Small Soldiers. Un film non seulement calibré pour plaire au public, mais aussi un film carrément né du merchandising. En effet, les jouets ont précédé le film, avec le soutien financier de Burger King. Il y avait donc tout pour faire un film ultra-commercial. Bien entendu, c’était assez osé de la part de Spielberg de confier ceci à Dante, connaissant le côté rebelle du bonhomme (avec lequel il s’était déjà un peu froissé à l’époque de Gremlins 2). Mais enfin, tout fut mené à bien et reconnaissons à Spielberg le sens de l’amitié.
L’histoire est celle du lancement d’une nouvelle génération de jouets. D’un côté le Commando d’élite, des marines purs et durs. Et de l’autre leurs ennemis, les “horribles” Gorgonites, des extraterrestres. Les deux groupes sont révolutionnaires dans le sens où ils sont dotés d’une puce militaire leur donnant une grande intelligence artificielle. Bien entendu quelque part, dans une ville américaine quelconque, de la faute d’un gamin assez imprudent, les jouets vont parvenir à s’échapper avant leur mise en vente, et, hors de contrôle, se feront la guerre. Une vraie guerre…
Enfin du moins c’est le Commando d’Elite qui va faire la guerre. Premier élément “dantesque” : les méchants ne sont pas les extra-terrestres, comme prévu au départ par la compagnie productrice des jouets. Au contraire, les Gorgonites vont être des créatures lâches, qui ne demandent qu’à rentrer sur leur planète (référence à E.T. ?). Non, les méchants vont êtres les soldats. Des beaufs décérébrés et racistes. A noter qu’ils sont doublés en VO par les voix des 12 salopards… Dante sait pertinemment que chez les gosses, les soldats sont toujours des héros potentiels, et que ce sont eux les “gentils”. Mais lui ne raisonne pas pareil. Il ironise sur un état de faits plus réel, plus adulte. Et il adjoint à ces marines une horde de Barbies qu’il défigure, qu’il transforme en pétasses punks. Un beau bras d’honneur au monde du jouet, dont le film découle naturellement.
Quant aux Gorgonites, et bien ce sont des répliques miniatures des extraterrestres d’un des précédents films de Dante, Explorers. Des extra-terrestres rêveurs, donc, qui inspirent la sympathie malgré leur difformité, et qui sont résolument pacifiques. Les humains, eux, sont perdus au milieu de tout ça. Le gamin est un rêveur également, encore une fois comme ceux de Explorers…
On l’aura compris, le film comporte une large part auto-référencielle. Et bien sûr, que des créatures miniatures foutent le bordel en ville n’est pas sans rappeler Gremlins. Sauf qu’il faut bien admettre que la dimension anarchique des Gremlins est absente de Small Soldiers. Au lieu de ravager une ville entière ou un building ultra-moderne de New York, ils se contentent d’un quartier, et même de deux maisons. Et leurs actes de guerre sont beaucoup moins jouissifs et barbares que ceux des Gremlins. Donc le film n’est clairement pas à mettre parmi les Dante majeurs ni parmi les plus ambitieux. Néanmoins il s’agit toujours d’un Dante, et le tout reste très bon. Et surtout irrévérencieux. Car ce n’est pas parce que les jouets ne font pas voler des grand-mères par les fenêtres que toute trace de bordel est absente. A ce titre, le film est vraiment différent des films pour gosses qui inondent régulièrement nos écrans. L’arrière-plan plus adulte du film, le bras d’honneur adressé au potentiel marketing du film, est clairement la meilleure orientation que l’on pouvait donner à un tel projet. Enfin, les SFX pour lesquels Dante fut attiré se révèlent maîtrisés et, il fallait s’y attendre compte tenu de l’amour du réalisateur pour la vieille science-fiction, ne prennent jamais le pas sur le scénario.
Bref, une réussite, qui n’évite pas les redites et où Dante n’a pas pu s’exprimer pleinement (le film a été remonté quelque peu), mais où il a pu imposer suffisamment sa patte pour que le film ne dépareille pas dans sa filmographie. Et c’est déjà pas mal.
Il y a une scène qui m’a fait froid dans le dos c’est quand le PDG de la société militaro-industrielle se pointe vers la fin et voit le potentiel mortel de ses small soldiers. J’ai trouvé que le film en disait plus sur l’interventionnisme américain mais aussi le conditionnement pas si innocent des enfants à jouer à la guerre en prévision de leur enrôlement plus tard dans une véritable guerre.
Le film était sorti en même temps que Le Soldat Ryan qui avait impressionné tout le monde, mais dont le coté mélo toujours aussi grossier à coup de gros plans larmoyants m’avait rebuté. A l’inverse Small Soldiers s’est fait descendre par les critiques et se fera injustement oublier, alors que son message dans un film pour enfants m’apparait bien plus adulte et cynique quant à l’utilisation pas si innocente de jouets de soldats, qui montre un avant goût des dégâts qu’ils peuvent faire dans une banlieue américaine des plus tranquilles.
Le film m’a beaucoup fait penser à Starship Troopers, où l’on voyait des enfants participer à l’effort de guerre contre les arachnides en écrasant des cancrelats qui n’avaient rien demandé, sous le regard admiratif de leur mère. Le film ayant subi lui aussi des critiques assassines et un box office décevant, il rejoint Small Soldiers qu’il complète, laissant le film Soldat Ryan rester dans la conscience collective pour de mauvaises raisons.