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La Seconde guerre de Sécession – Joe Dante

secondeguerredesecession

The Second Civil War. 1997

Origine : États-Unis
Genre : Satire politico-médiatique
Réalisation : Joe Dante
Avec : Beau Bridges, Phil Hartman, Elizabeth Pena, Dan Hedaya…

Tandis qu’à Boise, Idaho, le gouverneur Jim Farley décrète que les frontières de l’état seront fermées pour éviter l’arrivée de réfugiés pakistanais (en l’occurrence, des orphelins cornaqués par l’ONG Save the Children), dans les studios de la chaine d’info News Net, on s’active pour tenter de couvrir des événements qui bouillonnent et promettent des pics d’audimat toujours bienvenus pour les annonceurs.
Problème numéro 1 : la Maison blanche ne se décide pas à réagir et le Président, un crétin incapable de réfléchir par lui-même et encore plus de prendre une décision, s’en remet toujours aux conseils du spin doctor Jack Buchan, lobbyiste influent et maitre en relations publiques, conseiller officieux du chef de l’État ne pensant qu’en termes d’image et de médiatisation de l’action politique.
Problème numéro 2 : Christina, la journaliste de News Net d’origine mexicaine chargée de suivre le gouverneur Farley, vient de vivre une love affair avec lui et elle est bouleversée par la fin de celle-ci, motivée essentiellement par les prises de position anti-immigrés de l’homme qu’elle aime. Positions d’ailleurs purement électoralistes, Farley ne les ayant adoptées que pour sauver sa place.
Problème numéro 3 : tandis que la probabilité d’un conflit opposant l’armée fédérale à la garde nationale de l’Idaho se fait de plus en plus grande, Farley ne se préoccupe plus de cette montée des tensions dont il est pourtant à l’origine, obsédé par une seule chose : récupérer Christina, au grand dam de son conseiller, Jimmy Cannon, qui a bien du mal à le ramener à la raison.
Incroyable : voilà un film excellent à tous points de vue (intrigues, personnages, rythme) et qui a été réalisé… pour la télévision. C’est en effet pour la chaine HBO que Joe Dante réalise cette satire qui frappe fort mais toujours juste et touche les médias, le monde politique, les associations caritatives, les tendances aux replis communautaires, le suivisme primaire de la population abrutie de télé et la bêtise crasse des militaires, haut-gradés compris.

Que ce soit au niveau fédéral ou au niveau des États, les grands qui dirigent l’Amérique rivalisent en bêtise et en médiocrité. Bardés de responsabilités qui devraient les grandir, ils sont, en fait, surtout prêts à tout pour se faire réélire : Farley s’est lancé dans ses campagnes sur « l’Amérique telle qu’elle devrait être », c’est-à-dire conservatrice et blanche, pour flatter les bas instincts des électeurs de l’Idaho et en particulier de ces fous de la gâchette réunis en milices populaires d’extrême-droite et qui se multiplient dans son État ; le Président, de son côté, ne prend aucune décision sans se demander ce qu’en penseront son électorat et les communautés diverses devenues majoritaires dans certains États au fil des vagues d’immigration successives.
Avec son obsession “christinesque”, Farley fait le désespoir de Jimmy Cannon, qui joue les entremetteurs pour rabibocher la journaliste et le gouverneur, tout en s’épuisant à lui rappeler que l’urgence serait plutôt dans ces mobilisations militaires qui n’annoncent rien de bon que dans une histoire d’amour à l’eau de rose.
De son côté, le Président désespère ses ministres qui n’en peuvent plus de le voir suivre les conseils de Jack Buchan et imiter ses brillants et lointains prédécesseurs (Truman, Roosevelt, Lincoln) pour lancer un ultimatum à la durée étrange (67 heures et demi), faire des déclarations martiales ou réagir à des provocations.

Du côté des médias, ça court, ça filme, ça enregistre, ça présente et ça diffuse mais ça manipule aussi. Mel Burgess, qui dirige la fabrication des journaux télés de News Net, demande explicitement à son reporter à la Maison Blanche de faire des remarques désobligeantes sur le silence du Président pour pousser celui-ci ou quelqu’un de son staff à réagir. Un jeu politico-médiatique compris des uns comme des autres mais qui se fait aux dépens du public, peu au fait de ces petits jeux subtils.
Mel a aussi besoin de prime time percutants et, quand des orphelins pakistanais doivent arriver à l’aéroport JFK, il préfèrerait que ça coïncide avec une heure de grande écoute plutôt qu’à une heure creuse. Il trouve très facilement des arguments frappants pour vendre cette idée à la présidente de Save The Children qui, bien que constamment drapée dans un idéalisme de bon aloi, sait entendre un discours qui est une promesse de dons futurs sonnants et trébuchants.
Et lorsqu’il s’agit de faire monter la sauce auprès du public avec cette histoire incroyable de nouvelle sécession, c’est presque naturellement que lui vient à l’esprit cette idée de titre aux événements en cours : The Second Civil War. Une nouvelle guerre civile entre Américains, donc, qui se précise d’ailleurs de plus en plus avec l’arrivée à la frontière de l’Idaho des armées des deux camps. Personnifiées par deux vieux officiers au cuir tanné et qui s’envoient des amabilités dans un langage assez peu châtié, elles voient passer dans leurs rangs une autre équipe de journalistes à la recherche du scoop.
Dans ce marigot où journalistes, politiciens et humanitaires semblent se complaire, un seul être garde la tête froide, Jim Kalla, vieux reporter fatigué et raisonnable, narrateur occasionnel présentant le seul point de vue sensé du film, contrepoint bienvenu à l’espèce de sarabande infernale créée par tous les autres et qui leur échappe de plus en plus.

On le voit, le sujet est sérieux, et même grave puisqu’il réveille de mauvais souvenirs chez les Américains et promet des tueries fratricides, mais il est ici traité sur le mode satirique, avec un humour savamment distillé au gré des événements qui s’enchainent. Datant de 15 ans déjà, The Second Civil War a pourtant des résonances encore très actuelles, y compris de ce côté de l’Atlantique, que ce soit dans la course à l’échalote électorale justifiant tous les reniements et toutes les bassesses, dans la fabrication de l’information et du grand Barnum télévisuel aux rouages multiples, comme dans les relations entre presse et milieu politique (il n’y a pas qu’aux USA que des hommes politiques s’acoquinent avec des journalistes). Pas de lourdeur dans cette intrigue, mais au contraire beaucoup de finesse dans son déroulement et dans la caractérisation de ses personnages.
Excellent casting, aussi, de Beau Bridges (Le Pirate des caraïbes, Suzie et les Baker Boys) incarnant un Farley tourmenté par son amour et secondé par un Kevin Dunn (Blue Steel, Small Soldiers) parfait en Jimmy Cannon, à James Coburn jouant les conseillers officieux du Président, lui-même interprété par l’excellent Phil Hartman (humoriste, notamment, pour le Saturday Night Live, il s’agit là de l’un de ses derniers rôles hélas, puisqu’il fut assassiné par son épouse l’année suivante), les politiques sont également représentés par le fidèle Kevin McCarthy (beaucoup vu chez Joe Dante, depuis Piranhas jusqu’à Panic sur Florida Beach, en passant par Hurlements et La Quatrième dimension) et par William Schallert (Des monstres attaquent la ville, L’Homme qui rétrécit).
Côté presse, c’est Dan Hedaya (Sang pour sang, Usual Suspects) qui incarne le boss de l’équipe, secondé par Ron Perlman (La Guerre du feu, Hellboy), avec des équipes de journalistes où se distinguent en particulier Elizabeth Pena (La Bamba, Lone Star), Denis Leary (Alarme fatale, Thomas Crown) et le vétéran Dick Miller bien sûr. Sans oublier un magnifique James Earl Jones (Conan le barbare, Un prince à New-York), à la voix chaude et apaisante.

Très bien filmé, très bien interprété, souvent amusant et ne prenant jamais son spectateur pour un imbécile, The Second Civil War est un film qui mérite bien plus d’écho qu’il n’en a eu jusqu’à présent. Pour ma part, je le considère comme l’un des meilleurs films de Joe Dante et je vous le recommande donc plus que vivement.

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