Scared to Death – William Malone
Scared to death. 1980Origine : États-Unis
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Vision subjective de quelqu’un ou de quelque chose qui se promène dans un égout. La chose sort de son trou et entre dans la nuit, jusqu’au moment où elle regarde par la fenêtre d’une maison. Une jeune fille sort de la douche. Quelqu’un l’appelle pour lui proposer une sortie : elle refuse. Dans la foulée, coupure de courant, la chose qui était tapie dans l’ombre est rentrée dans la maison et assassine la blondasse.
C’est donc visiblement parti pour un slasher, chose plutôt logique si l’on considère que l’ex maquilleur William Malone (dont c’est la première réalisation, juste après son diplôme à l’UCLA) travailla un beau jour à la conception d’un produit dérivé de Star Trek, un masque de William Shatner qui sera plus tard repris par Tommy Lee Wallace pour l’élaboration du masque de Michael Myers dans Halloween. Si l’on suit la logique de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours, William Malone est un peu le créateur de Michael Myers, et il aurait donc bien tort de ne pas commencer sa carrière de metteur en scène en faisant valoir ses droits. Mais notre bon William n’est pas homme à opter pour la facilité : pourquoi se contenter de copier Halloween alors que l’on peut aussi très bien copier Alien, qui si l’on retire la navette spatiale, le face-hugger et l’androïde, n’est après tout qu’une histoire de meurtres en série ? Et puis soyons fous : transposons le tout dans un milieu urbain avec des flics qui piétinent, comme ça on pourra aussi vendre le film comme un thriller. Il est malin notre cinéaste cinéphile connu pour collectionner les accessoires de vieux films d’épouvante. Mais il n’a pas forcément les moyens de ses ambitions : d’une part son budget de 74 000 dollars ne l’autorise pas à faire des folies telles qu’embaucher un gars comme HR Giger pour concevoir sa créature tueuse (appelée Syngenor), et d’autre part il débute dans le métier de réalisateur / scénariste / producteur. Une lourde charge que peu de débutants en freelance sont déjà parvenus à relever. Ce ne sera donc pas une surprise si je vous dit que Malone commet les mêmes erreurs déjà commises par beaucoup de débutants trop bien intentionnés avant lui. En tentant de donner une consistance à ses personnages (ce que de toute façon il échoue à faire), il en oublie d’en venir au vif du sujet, qui demeure tout de même les meurtres de sa créature.
Pendant de longues minutes, il se concentre sur Ted Lonergan (John Stinson), un ex détective privé retiré de la vie policière contacté en douce par son ami le flic Lou Capell (Jonathan David Moses), chargé de l’enquête avec pour consigne express de ne pas avoir recours aux services de Lonergan. Cette filouterie restera sans lendemain, puisque le chef de Capell ne viendra jamais chercher des noises à son employé. Malone ne semble avoir inventé ça que dans le but de donner un peu de charisme à son personnage principal, que l’on imagine être une tête brûlée à la Harry Callahan. Ce qui aurait au moins pu épicer ces trop longues minutes passées en atermoiements (d’ailleurs pendant que ça cause, les meurtres continuent). Même pas : Lonergan n’est qu’un petit comique à la langue trop bien pendue. On ne peut même pas dire qu’il brille par son efficacité, ce qui est pourtant un comble compte tenu que son ami Capell le considère comme le dernier espoir. La découverte du monstre intervient au bout d’une heure, lorsqu’une scientifique inconnue se réveille soudain après le quinzième meurtre en déclarant qu’au fait, “j’ai travaillé avec feu le professeur Aberdeen qui a créé un monstre surpuissant qui a fini par s’évader, et même qu’on l’a jamais retrouvé !”. La peu dégourdie laborantine se confond en excuses futiles, surtout qu’elle est indirectement à l’origine de l’agression dont fut victime la copine du détective, autre personnage rigoureusement inutile que l’on a appris à bien connaître puisque Malone crut bon de nous montrer leur première rencontre, puis leur deuxième, puis leur flirt, puis la conclusion au lit, puis l’embauche de Jennifer comme secrétaire de Ted, tout ça pendant que de pauvres gars continuaient à se faire dessouder. Il n’est pas peu dire que Scared to death est légèrement ennuyeux, et que ses coups de théâtre improbables laissent pantois. Très forte, la laborantine propose aussi de sortir les notes du professeur Aberdeen, ce qu’elle fait en nous en faisant la lecture, résolvant en une tirade tout le mystère autour des meurtres. C’était bien la peine de s’attarder autant sur les policiers et leurs combines, tiens…
Reste tout de même la créature, dont les meurtres placés entre deux scènes de parlotte semblent être un moyen d’attirer l’attention du réalisateur, à défaut de celui des enquêteurs. “Ohé ohé, je suis là, ne m’oubliez pas !” semble dire notre pauvre bête, sorte de croisement caoutchouteux entre la créature du lac noir et l’alien, dont on retiendra avant tout la langue, probablement conçue avec une limace empaillée. Cet organe (ou plutôt ce muscle) n’est pas là pour rien : après deux ou trois meurtres classiques pour lesquels Malone agite sa caméra dans tous les sens histoire de faire “violent” tout en capturant le joli regard lumineux de notre Syngenor (cousin des CHUD, sûrement) nous apprenons que la bête survit en fait en buvant le fluide rachidien de ses victimes, ce qui la pousse donc à rouler des pelles à tout le monde, dont la copine de Ted. Je ne vous cache pas que la soudaineté du premier patin (sur une patineuse justement) précédant l’explication intégrale laisse à croire que le réalisateur est soudain devenu fou. Moins ridicules mais pas franchement plus réussies, les séquences à la Alien dans des couloirs sombres, trop sombres (enfoirés de chez Initial Distribution, qui ont encore fait un travail de sagouins) sont dépourvues de toute tension, plombées par la stupidité sans borne des personnages entretenue par la facilité du scénario (les bonnes armes tombent pile au bon moment entre les mains inexpertes de nos héros).
Bref, en 1981, William Malone avait encore pas mal de chemin à parcourir pour devenir un “Master of Horror“. Attribuons tout de même à son premier film le mérite de ne pas chercher à s’incruster au rayon “films cultes”. Certes, ce n’est pas un atout, mais en des temps où tous les réalisateurs débutants cherchent à tout prix à se faire remarquer, il est toujours bon de manger des navets sans sauce.