Red Evil Terror (aka Robe de sang) – Tobe Hooper
I’m dangerous tonight. 1990Origine : États-Unis
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Un anthropologue reçoit un sarcophage aztèque, naguère utilisé comme autel pour des sacrifices humains. A l’intérieur se trouve un cadavre vêtu d’une cape rouge, celle des bourreaux aztèques. Notre scientifique voit dans ce bout de tissu le moyen de prouver sa théorie animiste, selon laquelle certains objets sont dotés d’une âme. Il n’a pas tort : à peine a-t-il mis la cape sur ses épaules qu’il assassine le gardien de son musée, puis retourne chez lui où il met fin à ses jours. Là-dessus, une étudiante nommée Amy (Mädchen Amick) met la main sur le coffre où la cape était rangée. Elle ne tarde pas à en faire une robe…
La décennie 80 s’était bien mal finie pour Tobe Hooper, égaré dans la réalisation d’épisodes de séries télévisées. Il démarre la décennie suivante regonflé à bloc : un film, Spontaneous Combustion, et un téléfilm bien à lui, Red Evil Terror, qui lui permet de faire comme Alfred Hitchcock avec Fenêtre sur cour : adapter l’écrivain Cornell Woolrich. Il bénéficie pour ce faire d’un casting dont les seconds couteaux auraient certainement fait une petite sensation cinq, dix ou quinze ans plus tôt : après avoir écumé beaucoup de genres du cinéma italien, l’autrichien Howard Berger (par ailleurs père de la costumière du film… on se demande qui a influencé Hooper pour engager l’autre) se retrouve dans la peau de l’anthropologue par lequel tout arrive. Anthony Perkins met sa fine silhouette derrière le bureau d’un professeur de bon conseil. R. Lee Ermey fait les gros yeux derrière la plaque d’un flic pas très distingué. La blonde Dee Wallace Stone devient brune pour jouer les possédées meurtrières. Et l’aïeule Natalie Schafer de L’Île des naufragés vient finir sa longue carrière dans un fauteuil roulant dont de toute évidence elle ne pouvait pas se passer (à la voir, on se demande comment elle a pu assurer le tournage, même pour un rôle de grand-mère muette). Pour le rôle de l’héroïne, Hooper est bien tombé en disposant de Mädchen Amick, qui en cette même année connut l’apogée de sa carrière grâce à Twin Peaks. Si il n’est plus très vendeur en 1990, ce casting est néanmoins réussi, chacun des acteurs cités s’en sortant au moins honorablement dans des rôles qui leurs sont plus ou moins connus. Restait donc à Hooper de réussir quelque chose avec tout ce beau monde, ce qui avec une histoire de robe maléfique n’était pas gagné.
Son principal défi était tout simplement d’éviter le ridicule. Bien qu’il s’y soit fourvoyé de nombreuses fois au cours de sa filmographie, cette fois, globalement, il y réussit, le bougre ! Contrairement à ce qu’il fera quelques années plus tard pour l’essoreuse géante de The Mangler, il ne cherche pas à diaboliser excessivement sa robe aztèque. Pas d’effets de mise en scène foireux, pas de roulements de tambours à chaque apparition du bout de tissu maudit, pas de personnages mystiques pour expliquer à quel point la chose est dangereuse… Sagement, Amy observe les effets de la robe et se renseigne d’elle-même avec l’aide de son professeur. Hooper cherche autant que faire se peut à rester réaliste et préfère logiquement mettre l’accent sur les transformations psychologiques que subissent les personnages. Sans une once de second degré, si ce n’est peut-être lors d’une scène d’humour noir lorsque la grand mère passe à travers une balustrade. Un bon point pour lui. Hélas, les influences de la robe sur la psychologie des filles qui la porte ne vont pas chercher bien loin, chose plutôt dommageable pour un film construit sur ses personnages. De profiteuse, la cousine d’Amy devient carrément odieuse, sa méchanceté étant décuplée jusqu’à faire d’elle une psychopathe. Point. Hooper ne va pas au-delà, et commet un peu plus loin l’erreur de faire porter la robe à une femme dont on ne sait strictement rien, ce qui annihile donc tout l’élément fantastique du film : puisque l’on ne connait pas la personnalité de la concernée, il est fort difficile de voir en quoi sa psychologie est modifiée. En conséquence, le film devient dans son derniers tiers un simple slasher policier dans lequel Amy doit découvrir l’assassin. Cette impression est renforcée par la venue du flic joué par R. Lee Ermey, dont la présence n’est vraiment pas vitale. Lorsqu’elle porte elle-même la robe, c’est-à-dire au tout début du film, la petite Cendrillon Amy (orpheline et exploitée par sa tante et sa cousine) se débarrasse de ses inhibitions pour aller guincher au bal du bahut et piquer le petit ami de sa cousine. Certes, Hooper peut filmer Mädchen Amick en train de tortiller du croupion, mais cela ne suffit pas…
Pour faire d’elle une vraie Cendrillon s’affranchissant par le port d’une robe maudite, il aurait fallu donner un peu plus de vigueur à son personnage central, en faire une femme fatale coupant les ponts avec sa retenue passée. Non seulement le réalisateur ne le fait pas, mais il passe alors la robe de main en main, jusqu’au final où la boucle est bouclée. Red Evil Terror est un film frileux : plutôt que de pousser au bout ce qu’il a commencé, Hooper préfère repartir de zéro en confiant la robe à d’autres personnages, et il finit avec le personnage de Dee Wallace Stone par ne même plus se donner la peine de faire dans la psychologie, même sommaire. Cette frilosité se retrouve aussi dans la levée des inhibitions : ni le sexe ni la violence ne sont de nature à choquer un public télévisuel. Le film est lisse, reste visible par toute la famille (quoi qu’en ait dit la MPAA et son interdiction aux moins de 17 ans non accompagnés). Même la bonne idée de Hooper, à savoir interdire la couleur rouge pour toute chose autre que la robe, finit par passer inaperçue à force d’assister à un film aussi plat au niveau visuel qu’au niveau esthétique. Il est toutefois difficile de le rejeter en bloc, déjà parce qu’il s’agit de Tobe Hooper, l’homme aux deux bons films et demi en 20 ans. Un peu de magnanimité à son encontre ne fait pas de mal. Et ensuite parce que malgré ses défauts, le film s’élève tout de même au dessus du niveau des films pour adolescents produits à la même époque. Se déroulant justement dans un milieu étudiant, Red Evil Terror réussit pourtant à s’affranchir de tous les écueils des films pour “jeunes”. Preuve que Hooper a voulu bien faire.