Pig Hunt – James Isaac
Pig Hunt. 2008Origine : Etats-Unis
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John retrouve ses amis pour un week-end de chasse aux sangliers « entre mecs » sur les terres de son oncle, sises dans l’Amérique profonde. En imposant au groupe la présence de sa petite amie Brooks, il tend à alourdir l’atmosphère, bien relayé par Ben qui n’apprécie pas du tout la présence de la jeune femme, et qui le fait ouvertement savoir tout au long du trajet. Toutefois, le programme demeure inchangé. Arrivé au ranch familial en fin de journée, le groupe passe une soirée tranquille avant de passer aux choses sérieuses le lendemain matin. Là, nouvel imprévu avec la venue de Jake et Ricky, deux gars du coin et anciens amis de John bien décidés à leur montrer ce que sont de vrais chasseurs. C’est donc un groupe de 7 personnes qui part à la chasse aux sangliers, avec à l’esprit la légende de “l’Etripeur”, un sanglier gigantesque qui hanterait la forêt environnante.
Pour commencer, écartons tout malentendu : non, Pig Hunt n’est pas un film de monstre. Je sais, c’est difficile à croire, d’autant que la jaquette du DVD (fort jolie, par ailleurs !) en rajoute une louche pour nous abuser, mettant en exergue le fameux sanglier que le réalisateur ne nous dévoilera qu’en toute fin de métrage. Malin, le réalisateur laisse planer le doute tout du long quant au réel contenu du film. Suivant en cela les préceptes du Steven Spielberg des Dents de la mer, il suggère l’animal plus qu’il ne le montre via un prologue meurtrier, une attaque aussi brève qu’elliptique et quelques grognements, comme autant de rappel de la menace sourde vers laquelle se dirigent nos jeunes chasseurs en herbe. Mais vous l’aurez compris, il n’y aura pas de réelles interactions entre les chasseurs et la bête, cette dernière n’étant pas vraiment le prédateur qu’on était en droit d’espérer. Mieux encore, la bête sanguinaire obtient le statut de victime à la faveur d’un retournement de situation final symptomatique de la structure brinquebalante du scénario.
Avec sa bande composée d’éléments aussi disparates que Brooks, l’artiste sophistiquée ; John, le sérieux ; Quincy, le gentil ; Wayne, l’enthousiaste ; et Ben, l’infatigable bavard un brin vantard ; Pig Hunt démarre à la manière d’un slasher. Les vannes fusent gaiement, se teintant parfois de machisme –Brooks et Ben se détestent ouvertement–, durant un voyage sans encombres, si ce n’est la rencontre d’un inquiétant et balèze noir muni d’une épée népalaise à la faveur d’un arrêt dans une station-service, et bien entendu la confrontation avec cette Amérique profonde aux autochtones crasseux qui brandissent fièrement la bannière étoilée. A partir du moment où la caméra s’attarde sur ces “rednecks” à grand renfort de ralentis, et sur fond d’une musique country aux consonances modernes, il devient alors évident que le film aura plus à voir avec un survival qu’avec un slasher. On pense d’ailleurs beaucoup à Delivrance lors de ces quelques plans. Cependant, James Isaac ne va pas aussi loin dans le morbide que John Boorman, installant son film dans un certain confort. L’explosion de violence n’interviendra que très tard dans le récit, et encore la manière dont elle est introduite crée une distanciation immédiate avec celle-ci. Voir cette bande de culs-terreux vociférer comme des perdus en traversant la forêt en trombe à bord de buggys et autres motos trial confère à cette équipée de faux airs “mad maxiens”, sans toutefois en égaler la puissance sauvage. Toute cette séquence vise surtout à redonner un soupçon de peps à un récit qui commençait à ronronner sérieusement, la faute à un sanglier sanguinaire peu pressé d’entrer en scène. Non contente d’illustrer enfin le survival tant attendu, cette séquence se double d’un passage particulièrement étouffant lors du lynchage du pauvre Quincy, sacrifié sur l’autel de la bêtise humaine. En dépit d’un montage alterné avec le combat de Ben contre un motard affublé d’un masque à gaz, le long supplice de Quincy conserve toute sa force grâce à une mise en scène immersive qui rend parfaitement compte de l’énergie du désespoir qui habite soudain sa molle carcasse. Cela fait près d’une heure que le film a débuté et on se dit qu’enfin les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Or tout cela s’avère n’être qu’un feu de paille. Incapable de s’en tenir à une ligne directrice, à moins qu’il n’en avait tout simplement pas envie, James Isaac coupe court à la partie survival, privilégiant les ruptures de ton à l’image de Ben, découvrant des naïades au détour de sa fuite. Pour plaisante qu’elle soit (un peu de nudité ne fait jamais de mal à ce genre de production, et console ici de l’extrême pudeur de l’actrice qui interprète Brooks), cette découverte annihile brutalement toute la tension qui venait tout juste d’exploser. En sacrifiant bien trop vite ses autochtones belliqueux, le réalisateur réduit le survival à peau de chagrin. Ainsi, la menace n’est pas tant incarnée par la forêt que par cette communauté qui n’a d’hippie que le nom. Dirigée par le type baraqué aperçu lors de l’arrêt à la station-service en début de métrage, ladite communauté se compose exclusivement de femmes aux tenues qui les rapprochent davantage d’Amazones que d’hippies chantres du flower-power. C’est d’ailleurs à partir de leur réelle entrée en scène que le film se met à dérailler totalement. Les motivations de cette communauté sont difficilement cernables. Qu’elles fassent le commerce de marijuana pour s’acheter leur tranquillité en dehors du tumulte de la société moderne, pourquoi pas. Mais à quoi peut bien rimer cette espèce de culte qu’elles vouent à la figure du sanglier sanguinaire ? En fait, mis à part quelques plans de jeunes filles dans le plus simple appareil, cette communauté n’apporte rien à un récit qui aurait très bien pu (et dû) ne s’en tenir qu’à l’antagonisme “rats des villes”/ “rats des champs”. Pour surprenante qu’elle soit (toute proportion gardée), la fin accroît la déception en bâclant allégrement le combat homme – sanglier, dont le rythme se calque sur celui de l’animatronique qui personnifie l’animal. Autrement dit, cette lutte s’effectue au ralenti, bien loin des attaques bestiales de l’ancêtre australien vu dans Razorback de Russel Mulcahy (1984), dont chacune d’entre elles impressionnait par leur capacité à retranscrire la puissance dévastatrice de la créature.
De par les promesses induites par une jaquette un brin mensongère, Pig Hunt déçoit. Trop de pistes sont abandonnées en cours de route (les autochtones réduits au rang de péripétie, le sanglier à celui de fausse menace) au profit d’un rythme dilettante que ne transcende jamais une dynamique de groupe aux abonnés absents. Bancal, Pig Hunt peine à nous immerger dans cette partie de chasse aux allures de simple ballade en forêt. Décédé cette année, James Isaac conclut sa courte carrière de réalisateur par un film au goût d’inabouti…