Nom de code “oies sauvages” – Antonio Margheriti
Geheimcode : Wildgänse. 1984Origine : R.F.A. / Italie
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Lors de la débandade des années 80, les maîtres italiens ont trouvé refuge là où ils ont pu. C’est ainsi qu’Antonio Margheriti échoua chez le suisse Erwin C. Dietrich, surnommé “le Corman européen” en référence à son activité pléthorique notamment connue pour avoir offert ses plus beaux terrains de jeux à Jess Franco dans les années 70. Il ne faudrait pourtant pas croire que Nom de code : “oies sauvages” partage le même minimalisme que les films de Franco : il s’agit d’un film de mercenaires louchant sans vergogne et comme son titre l’indique du côté des Oies sauvages, cette production britannique mettant en vedette Richard Burton, Roger Moore, Richard Harris et Stewart Granger. Le film de Margheriti n’est pas en reste de vedettes, puisqu’on y trouve notamment Lee Van Cleef, Klaus Kinski et Ernest Borgnine… Bien sûr, tout ce petit monde n’est plus au faîte de la notoriété et l’âge moyen de ces têtes d’affiche avoisine les 60 ans, mais qui serait suffisamment cinglé pour reprocher à un film de réunir ces grands noms ? Et puis il y a de toute façon une vedette plus jeune, Lewis Collins, qui patine sec après s’être fait connaître dans la série télé Les Professionnels. Il se retrouve ici à la tête d’un groupe de mercenaires, désigné sous le nom de code “oies sauvages” que des bureaucrates occidentaux basés à Hong Kong envoient secrètement au Cambodge pour détruire les cultures de pavots finançant le terrorisme d’un Général pas communiste, mais tout près de l’être.
De toutes nos vieilles vedettes, seul Lee Van Cleef hérite du statut de mercenaire, tous les autres passant le plus clair de leur temps en costume, bien peinards là où ça ne chauffe pas (par exemple sur un terrain de golf). Malins, cela leur évite de suivre le même chemin que le “cow boy volant” (surnom du personnage de Van Cleef, pilote d’hélicoptère), beaucoup trop vieux pour toutes ces conneries. L’acteur a beau cacher les quelques cheveux gris qui lui reste sous un chapeau digne des westerns qui ont fait sa gloire, sa prestance physique fait pâle figure comparée à celle de ses camarades, bien plus prompts à courir dans tous les sens et à bondir comme des cabris. Margheriti a cependant conscience du problème et donne au personnage de Van Cleef une personnalité qui le distingue de ses jeunes camarades : il est le vieux sage respectueux de la vie d’autrui, au départ tancé par les gros durs avec lesquels il travaille (des vrais gros durs, des qui rotent et qui disent des gros mots), puis gagnant petit à petit leur admiration. Voilà de quoi réjouir le Commandant Wesley joué par Lewis Collins, honorable gradé dur mais juste, qui a lui-même recruté son pilote en fonction de son expérience du terrain. Heureusement d’ailleurs que ses hommes acquièrent le sens du devoir en cours de route, autrement il y a fort à parier qu’il y aurait eu du grabuge avec la présence d’une demoiselle en détresse (Mimsy Farmer, vue chez Argento dans Quatre mouches de velours gris), libérée lors de la mission et appelée à ne rien faire. Il n’aurait pas fallu non plus que ces mercenaires aillent semer le trouble au monastère tenu par un curé philanthrope en pleine jungle (Luciano Pigozzi, sosie de Peter Lorre), lieu de repli entre deux sorties commandos. Ces caractérisations sont, il faut bien l’admettre, aussi classiques que légères, et il est regrettable que Margheriti n’ait pas davantage exploité la fibre “12 salopards” de ses “oies sauvages”. Dans les bureaux, loin de là, Borgnine et Kinski n’appellent pas davantage à la réflexion, le premier se complaisant dans un rôle de ravi de la crèche (il est tout le temps content !) et le second nous rejouant le coup du fourbe au sourire en coin. Bref ce n’est certainement pas au niveau des personnages que l’on trouvera son compte dans Nom de code : “oies sauvages”. Cet aspect rattacherait même le film aux films d’action standards des années 80, avec leurs héros occidentaux venus épauler une résistance locale, comme c’est également le cas ici, puisqu’en chemin les hommes de Wesley sont rejoints par des guérilleros qui, à défaut de pouvoir parler, sont toujours prêts à se sacrifier.
A l’instar de ces mêmes films d’action (qui n’étaient alors toujours pas dans leur heure de gloire), le film de Margheriti se repose donc essentiellement sur ses explosions, combats et autres canardages incessants. Et à ce niveau là, le réalisateur italien assure le spectacle, réussissant à faire passer le production d’Erwin Dietrich pour une grosse production américaine. Lance-flammes, grenades, bazookas viennent compléter les fusils mitrailleurs, et pas dix minutes ne se passent sans que l’on ait droit à ces cortèges d’effets spectaculaires, parfois plombés par l’utilisation de ralentis totalement foireux (le vieux coup du gars qui s’écroule après avoir été touché par une balle) mais souvent filmés efficacement. Quelques effusions gores ou tordues (le curé planté à sa croix) sont également là pour assurer la touche européenne.
Si ce n’était pour l’absence d’un grand héros incontournable et pour une théorie du complot sortie du chapeau dans les dernières minutes (cherchant à faire dévier le film de son manichéisme), Nom de code : “oies sauvages” serait le parfait grand frère de Rambo 2, qui sortira l’année suivante. Il s’agit d’un bon palliatif pour les spectateurs ne goûtant que peu aux énormités idéologiques et scénaristiques du Stallone. L’influence des films de guerre ou de mercenaires des années 70 s’y fait toujours discrètement sentir.