CinémaHorreur

Meurtres à la St-Valentin 3D – Patrick Lussier

My Bloody Valentine. 2009.

Origine : États-Unis
Genre : Slasher mineur
Réalisation : Patrick Lussier
Avec : Jensen Ackles, Jaime King, Kerr Smith, Betsy Rue, Kevin Tighe, Edi Gathegi, Megan Boone.

Depuis maintenant 10 ans, la petite bourgade d’Harmony voit chaque année la presse nationale s’intéresser à elle à l’approche de la Saint-Valentin. Endeuillée par le massacre perpétré le 14 février 1999 par Harry Warden, un mineur tout juste sorti du coma, la ville a depuis tenté de panser ses plaies et aimerait bien pouvoir passer à autre chose. Sauf qu’en cette Saint-Valentin 2009, les meurtres reprennent de plus belle et semblent être de nouveau l’œuvre de Harry Warden. Ce qui paraît impensable aux yeux du shérif Axel Palmer, rescapé du premier massacre. Lui pencherait davantage pour Tom Hanniger, autre rescapé de l’époque et dont le retour coïncide avec la reprise des meurtres. Principal actionnaire de la mine depuis le décès de son père, le jeune homme revient dans le seul but de revendre le site, ce qui le rend particulièrement impopulaire à Harmony dont toute l’économie locale repose sur le travail d’extraction. Encore une fois pointé du doigt, Tom décide cette fois de faire face et de mener sa propre enquête, bien décidé à laver son honneur une fois pour toute. Et accessoirement de renouer avec son ancien amour, Sarah, désormais l’épouse du shérif.

Pas le plus connu des slashers, Meurtres à la St-Valentin compte néanmoins parmi les réussites du genre, proposant un cadre anxiogène, un tueur particulièrement brutal (même si la censure veillera à en amoindrir considérablement les débordements) et une approche teintée d’une douce ironie savamment dosée. Son remake intervient à un moment où la mode du néo-slasher tirait la langue depuis déjà un petit moment, supplanté par des films d’horreur plus nerveux et violents. Produit par le studio Lionsgate, lequel a régulièrement œuvré dans l’horreur jusqu’à reprendre les destinées de la saga Saw, dont il n’était alors que le distributeur, à partir de Saw 3 en 2006, ce Meurtres à la St-Valentin 3D en reprend la violence et les fréquentes effusions d’hémoglobine sans chercher à jouer la carte du second degré. Sans doute pour se différencier de Wes Craven dont il a été un monteur régulier (Freddy sort de la nuit, Scream 1, 2 et 3, Cursed), Patrick Lussier évite d’ironiser sur le genre. Ce qui n’interdit pas un peu de fantaisie comme lors de ce coup de pioche asséné à une porte sur laquelle on peut voir inscrit “Frapper avant d’entrer”. Fantaisie que l’on retrouve dans l’utilisation de la 3D, somme toute sommaire, qui consiste à balancer des morceaux de cadavres et des jets de sang au visage du spectateur. Rien qui ne diffère de ce que nous pouvions voir au début des années 80 dans les peu mémorables Meutres en 3 dimensions (3e volet de la saga Vendredi 13) ou Les Dents de la mer 3. La 3D ne revêt ici aucun aspect immersif, à une scène près à la fin. Elle tient davantage du gadget que de la plus-value à une époque où l’apport de lunettes devenait un argument marketing massue. Ce qui n’empêchera pas par la suite les effusions de sang et la 3D de faire bon ménage, se déclinant à toutes les sauces de Destination finale 4 et 5 à Fright Night en passant par Piranha 3D et Saw 3D : Chapitre final, derrière lequel se cache le septième volet de la saga.

Pour les connaisseurs du film original, ce remake en reprend quelques éléments, dont le nom du coupable désigné Harry Warden, pour mieux s’en détacher. Une démarche louable même si elle ne va pas sans quelques ajustements dommageables qui amoindrissent l’arrière-plan du récit. 20 ans s’écoulaient entre l’accident de la mine qui avait endeuillé la cité minière de la vague de meurtres dans le film de George Mihalka. Et Harry Warden n’était que la victime collatérale d’un malheureux concours de circonstances impliquant la ville dans sa globalité, venant par la suite incarner dans l’imaginaire collectif sa mauvaise conscience après qu’il se soit vengé des deux principaux fautifs. Dans cette nouvelle version, l’erreur est ramenée à une seule personne. Une erreur débouchant uniquement sur l’enfermement de six mineurs après l’effondrement de leur tunnel. Le drame prend une dimension criminelle lorsque les secours découvrent que l’ultime survivant, qu’ils récupèrent dans un état critique, a tué ses compagnons d’infortune afin d’économiser le peu d’oxygène qui leur restait. L’homme hospitalisé dans le coma est donc un assassin de circonstance qu’un réveil brutal un an plus tard transforme en tueur de masse. La volonté de faire de Harry Warden une figure du Mal majeure transparaît clairement dans son traitement. Par sa manière de se relever après chaque balle reçue, increvable et d’une force inouïe, Harry Warden marche ostensiblement sur les plates-bandes de Michael Myers. L’idée de son retour 10 ans plus tard devient dès lors une forte probabilité dont le film joue allègrement. Sauf qu’à l’échelle d’Harmony, il n’incarne plus cette faute collective. Harry Warden relève désormais du mythe dont se repaissent les médias. Étrangement, il n’est plus du tout question des médias une fois la nouvelle vague de meurtres entamée. Cela participe d’une gestion désinvolte des à-côtés à l’image de cette fête pas du tout festive qui se déroule dans le tunnel numéro 5. Pas d’ambiance, pas de rires, pas de musique. Uniquement une poignée de figurants croisés par les personnages principaux que ces derniers retrouveront morts dans la minute qui suit. Cela confère à cette séquence un côté surnaturel qui s’étend à toutes les scènes qui impliqueront par la suite le tueur. Toujours là où on ne l’attend pas, d’une rapidité qui confine à l’ubiquité, il sème le doute autant que les cadavres sur sa route. Y a t-il plusieurs tueurs qui se cachent derrière le masque à oxygène ? Sommes-nous face à un être surnaturel ? Patrick Lussier laisse planer le doute jusqu’à ce qu’il n’abaisse le nombre des suspects à deux à l’aune d’un plan qui réduit toute l’intrigue à un triangle amoureux. La ville, ses habitants, les implications du premier massacre, tout ça n’a plus d’importance. En réalité, tout cela n’en a jamais vraiment eu. Harmony n’existe pas en dehors des personnages principaux. La panique qui devrait s’emparer de la population suite aux événements récents demeure lettre morte. Elle reste circonscrite à une poignée de personnages, les anciens, parmi lesquels on retrouve Kevin Tighe et surtout Tom Atkins, qui doivent incarner à eux seuls la mauvaise conscience de la ville sous couvert d’avoir fait justice eux-mêmes. Et encore ne la ressentent-ils qu’au moment de trépasser, ce qui ne les différencie guère des autres victimes. Sur ce point, Patrick Lussier ne se distingue pas de bon nombre de ses prédécesseurs, se fichant éperdument de ses personnages, lesquels ne sont là que pour grossir les rangs des victimes. Ce qui en soit revient à décliner paresseusement le cahier des charges de tout slasher, avec peut-être une once de méchanceté en plus.

Meurtres à la St-Valentin 3D tire sa – petite – singularité de sa situation à la croisée des chemins entre le slasher et le torture porn. Il reprend du premier une certaine morale, qui tient pas tant ici à la vertu des personnages qu’à la sacralisation du mariage, sacrement tellement fort qu’il doit résister aux petits écarts des uns et aux sentiments en sommeil des autres. Et du second, il reconduit une vision misanthropique des personnages, simples coquilles vides vouées à tous les supplices. Le traitement d’Irène, présentée de prime abord comme une amie de Sarah, Axel et Tom, participe de cette déshumanisation avec la complicité des spectateurs. Dans le film, Irène se résume à ce corps dénudé qu’elle expose sans pudeur. Elle nous (ré)apparaît en chevauchant bruyamment un rustre qu’elle poursuit ensuite de sa colère de femme bafouée avant d’être prise en chasse par le tueur. De longues minutes passées dans le plus simple appareil, mais juchée sur des talons hauts, qui renvoie à une imagerie de la femme objet héritée du milieu pornographique. Irène n’est que ça, un corps qu’on exhibe et dont l’ex se repasse sans passion les dernières images de ses ébats filmés à son insu. Chanteuse de son état, Betsy Rue, son interprète, a connu une petite notoriété liée à cette séquence en tenue d’Eve. La suggestion n’est plus de mise et, à l’instar des scènes de meurtre, Patrick Lussier décide de tout montrer. Un procédé qui a ses limites et qui tiennent à la nature des personnages. En sa qualité de mère de famille, Sarah Palmer subit un traitement plus en adéquation avec les standards du slasher. Un soupçon d’érotisation avec son haut blanc qui révèle par transparence son soutien-gorge noir lorsqu’elle joue Sarah “jeune” laisse place à une chemise de bûcheron de si bonne confection que même une pioche en levier ne parvient à déchirer. En tant que mère, elle doit rester irréprochable en toutes circonstances, même au plus fort de ses tourments intérieurs. Une Scream queen de plus, en somme. La surprise aurait pu venir du côté de Tom Hanniger, pivot central du récit par son statut de pestiféré. Il a tout perdu à l’aune du drame liminaire : la considération de son père, celles des habitants d’Harmony, sa petite amie Sarah et sa santé mentale. Sous ses dehors de dur au mal se cache un homme brisé par son incapacité à faire face. Revendre ses parts de la mine revient à tirer un trait définitif sur une ville qui lui a tourné le dos depuis longtemps. Son retour remue le couteau dans la plaie d’une existence gâchée. Le récit se sert de ce potentiel dramatique à des fins manipulatrices. Sous couvert de suivre la pseudo enquête d’un homme en quête de rachat, l’intrigue joue sur deux tableaux : “l’étranger” face à l’adversité et le coupable idéal. Patrick Lussier tente de brouiller les pistes, en appelle au surnaturel, pour finalement se contenter d’une résolution à la portée psychanalytique qui paie paresseusement son tribut au film original. Au-delà de la facilité du procédé, cela n’enrichit en rien un personnage qui aurait pourtant pu être vecteur d’émotion. Encore aurait-il fallu avoir une approche plus délicate du récit et de ses implications plutôt que d’y aller en mode rouleau-compresseur avec comme seul objectif, celui de donner son comptant d’hémoglobine à un public venu avant tout pour ça.

Meurtres à la St-Valentin 3D déroule le petit manuel du slasher illustré avec l’application de l’élève consciencieux. Mais pouvait-on espérer mieux de la part du réalisateur de Dracula 2001 et ses suites ? Pas vraiment. Surtout au sein d’une industrie qui ne prend plus guère de risque, privilégiant les formules toutes faites. Cette frilosité et ce manque d’audace étaient déjà à l’origine de la déshérence du genre. Produit manufacturé, sans âme ni idées, Meurtres à la St-Valentin 3D n’est qu’un jalon de plus. Un film aussitôt vu, aussitôt oublié.

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